Le TDI, ou Trouble Dissociatif de l’Identité, est le descendant moderne de ce qu’on appelait autrefois le « trouble de la personnalité multiple ». Ce trouble implique la cohabitation, au sein d’un même corps, de nombreuses identités, esprits, personnes, parties, … souvent traumatisées.

Nous considérons le TDI comme un syndrome, une intersection de plusieurs facteurs, dont trois éléments fondamentaux : la tendance dissociative ; des soins incohérents ou instables ; des traumatismes répétés ou chroniques (trouble de stress post-traumatique complexe, TSPT-C).

Nous reformulons cette idée en disant que le TDI est une pluralité + un TSPT-C. Des soins incohérents conduisent déjà au TSPT-C.

Perspective

Un point de vue un peu ironique que nous aimons explorer est le suivant : si le TSPT (trouble de stress post-traumatique) équivaut à « shit happens » (des événements traumatisants imprévus peuvent arriver à n’importe qui), alors le TSPT-C pourrait se traduire par « les gens sont cruels ». Cela renvoie à des traumatismes de trahison, des abandons, des besoins essentiels négligés ou des abus actifs, tout cela sapant notre capacité à faire confiance et à interagir en sécurité avec autrui. Le TSPT-C représente un défi majeur pour établir, maintenir et gérer des relations. Lorsqu’on ne peut plus faire confiance aux gens, comment peut-on chercher de l’aide ?

Si quelqu’un a été victime d’un grave accident de voiture et développe un TSPT, il peut consulter un·e thérapeute et, bien que le TSPT soit difficile à traiter, il n’y a pas de barrières spécifiques pour travailler sur ce trouble. Avec un·e thérapeute compétent·e, des progrès peuvent être rapides. Cependant, avec un TSPT-C, entrer dans le bureau d’un·e thérapeute peut ressembler à une dangereuse épreuve :

  • Vais-je être cru·e ?
  • Vais-je être humilié·e ?
  • Cette personne est-elle digne de confiance ?
  • Est-elle capable de comprendre ma situation ou est-elle insensible ?
  • (Et, dans un coin de ma tête…) Comment cette personne va-t-elle me blesser ?

Parce que j’ai un TSPT-C, j’entre dans la salle et il pourrait tout aussi bien y avoir un million de kilomètres entre moi et le thérapeute, avec des collines, des montagnes, des déserts, des mauvaises herbes, et tous les dangers qui les accompagnent. Je traîne derrière moi un train de marchandises de 100 wagons de bagages concernant toutes les conneries que les gens m’ont faites (et avec moi, etc.) au cours de mes 55 années d’existence.

Un·e thérapeute a demandé s’il y avait quelque chose dans la salle de consultation qui pouvait être déclencheur. Il y avait un appareil photo – un ancien appareil 33 mm (je suppose) avec une zone en forme d’accordéon autour de l’objectif et c’est CELA juste là, cette chose. Elle s’est excusée parce qu’il ne lui appartenait pas, mais l’a tourné pour que l’objectif ne soit pas face à nous, et a gagné quelques points rien qu’en faisant cela. Des petites choses. De toutes petites choses qui prouvent la confiance au fil du temps. Jusqu’à présent, il nous a fallu, en moyenne, 18 mois de rendez-vous hebdomadaires pour franchir les barrières de la confiance avec un·e thérapeute.

Test de réalité

Chaque jour, les personnes atteintes de TDI traversent ces déserts, montagnes et collines pour trouver une aide thérapeutique, une communauté, des groupes de soutien, des connexions et un endroit où elles peuvent être authentiques avec les autres et se sentir vues, ne serait-ce qu’un peu.

Derrière chaque personne dans notre système se cachent celles qui sont les plus blessées, celles qui souffrent le plus. Les plus innocentes. Les plus traumatisées. Les porteurs de traumatismes, de honte, ceux qui sont encore perdus et piégés dans des boucles de traumatisme. Ces parties ont besoin d’être « sauvées », d’une manière ou d’une autre, pour qu’elles puissent enfin comprendre que tout est terminé maintenant, que le présent est plus sûr et qu’elles ont désormais leur mot à dire sur ce qui leur arrive et sur ce qui se passe avec elles. Lorsque nous sommes déclenché·es, des émotions refoulées et accumulées (souvent de puissantes émotions d’enfance) surgissent et, parfois — sans honte ni blâme ici ! — blessent ou offensent les personnes autour de nous.

Ce sont des cycles extrêmement difficiles à vivre, que ce soit de l’intérieur ou de l’extérieur. La douleur est bien réelle, et le système nerveux est tendu comme un ressort, prêt à tout pour survivre à la situation et protéger le système (combat, fuite, gel, effondrement, soumission, suivi, fortification, fabrication, facilitation, adaptation, etc.).

Revenons au TSPT-C… même si nous ne l’avons jamais quitté

Dans l’intérêt de partager des informations importantes sur le TSPT-C, nous voulons vous présenter (ci-dessous, mais continuez à lire d’abord) un schéma ou une spirale de honte très courant que les personnes atteintes de TSPT-C peuvent rencontrer et que beaucoup reconnaîtront. Nous le partageons pour vous inviter à rester attentif·ves à ce schéma. Si vous le voyez chez d’autres, soyez compatissant·es et bienveillant·es. Si vous le voyez en vous-même, également — soyez compatissant·es et bienveillant·es envers vous-même.

C’est un grand cercle vicieux, un véritable casse-tête. Apprendre à le repérer, à l’intercepter lorsqu’il est en cours et à le désamorcer est important. Montrer ce schéma à votre thérapeute pourrait aussi les aider à reconnaître ce modèle. Reconnaître ce type de schéma chez les autres et les aider à sortir de ces boucles est également bénéfique.

Désamorcer la honte

La honte est la peur de perdre son sentiment d’appartenance ou d’inclusion. Pour atténuer l’activation du système nerveux liée à la honte (voir la section sur le « Buddy Brain »), il est utile de rassurer les gens en leur affirmant qu’ils appartiennent, qu’ils sont inclus, acceptés pour ce qu’ils sont réellement, et que leurs erreurs ne mettent pas en danger leurs relations. Une autre tactique efficace consiste à aider les gens à distinguer leur « tribu » ou leur famille intentionnelle des personnes qui ne font pas partie de leur cercle, comme des inconnu·es ou des individus hostiles auxquels iels ne veulent ou ne doivent pas s’attacher.

L’activation de la honte se dissipe lorsque nous sommes assuré·es d’être accepté·es, accueilli·es, inclus·es et désiré·es, et que nos relations ne sont pas menacées. Ces craintes proviennent d’une partie du système nerveux autonome que nous appelons dans notre groupe de coaching le « Buddy Brain ». Le « Dino Brain », qui a évolué avant le « Buddy Brain », surveille quant à lui les besoins de survie de base.

Le « Buddy Brain », qui selon notre manière de le présenter, est la partie du système nerveux autonome qui a évolué lorsque nos ancêtres (mammifères et primates) sont devenus sociaux et ont « formé des alliances » pour des avantages de survie pendant des périodes difficiles comme les ères glaciaires. Cette partie surveille les menaces sociales susceptibles de nous exclure de la caverne ou de nous faire perdre du statut (par exemple, se retrouver loin du feu ou être laissé·es derrière si la tribu migre). À certaines époques de l’évolution humaine, ces problèmes étaient véritablement des questions de vie ou de mort. Cependant, le « Buddy Brain » n’est pas adapté au monde moderne et reste confus par le fait que nos « tribus » soient si dispersées, ou qu’il soit possible de vivre seul dans une « caverne ». On peut rassurer le « Buddy Brain » lorsqu’un inconnu est brutal en lui rappelant qu’il ne fait pas partie de notre tribu, et en se remémorant les personnes que l’on aime et qui prennent soin de nous. On peut également lui rappeler que nos besoins fondamentaux (nourriture, vêtements, abri, chaleur, etc.) ne sont pas en danger.

En contexte de pluralité, certain·es alters peuvent être plus proches du « Dino Brain » tandis que d’autres se connectent davantage au « Buddy Brain ». Cela dépend des expériences et traumatismes vécus dans le passé. Garder ces idées à l’esprit est bénéfique pour faire un « test de réalité » avec nos alters et notre système nerveux. Ces informations peuvent également être utiles pour aider les autres dans notre réseau de soutien.

Si quelqu’un est déclenché par la honte, de manière similaire à celle décrite dans le diagramme, on peut rassurer les alters et les ami·es sensibles au rejet en leur affirmant qu’on est toujours là, qu’on les attend de l’autre côté de leur boucle de honte ou de leur crise de panique, et qu’on se réjouit d’apprendre à mieux les connaître.

Dernier mot avant le graphique

N’hésitez pas à partager le graphique avec d’autres personnes, votre équipe professionnelle ou sur les réseaux sociaux, en gardant à l’esprit que nous le partageons pour éduquer et non pour ajouter à la honte. La question — ou peut-être l’exercice — qui accompagne le graphique est : à quelle étape de chaque cycle peut-on atténuer cette dynamique ? Comment reconnaître ce schéma et commencer à le démanteler ou à le briser ? Connaissons-nous quelqu’un d’autre qui lutte avec ce schéma — un·e partenaire, un·e meilleur·e ami·e, un frère ou une sœur ? Peut-on partager cette idée en toute sécurité avec eux et leur proposer de les aider à travailler dessus ? Peut-on utiliser ces connaissances pour se rapprocher, améliorer le sentiment d’appartenance, d’inclusion et d’authenticité ?

Prenez soin de vous !

Titre du graphique : « Un cycle de honte commun dans le TSPT-C* »

Note en haut : « ‘Buddy Brain’ désigne ici les instincts du système nerveux autonome développés pour préserver l’avantage que nous obtenons en survivant en tant que partie d’un groupe. Il contrôle notre comportement avec de nombreuses réactions de honte. La honte, dans ce cas, est définie comme des peurs complexes d’exil et/ou de perte de statut, d’appartenance et d’inclusion. Les réactions courantes basées sur la peur de la honte incluent la complaisance, le fait de tendre la main et de se lier d’amitié, la sublimation, la répression et l’introjection du comportement de l’agresseur·euse. »

Haut du diagramme : « Buddy Brain* se sent seul » le visage bleu est triste. « Tentons d’avoir un·e ami·e ! » Il y a une flèche tracée à travers l’image pointant vers le visage bleu et le visage jaune très heureux avec un coeur entre les deux. « Buddy Brain veut un sentiment d’appartenance et être pleinement accepté. »

La flèche pointant du visage bleu triste vers le visage bleu heureux a un symbole d’obstacle dangereux étiqueté « Mais il y a un obstacle ! » et une autre flèche dévie vers le bas dans un cycle qui mène à nouveau au visage bleu triste. Voici les étapes du cycle :
1. « Obstacle Traumatique : La terreur de Buddy Brain que les autres me critiquent et me blessent ! »
2. « Buddy B nous remplit de terreur, prêt à réagir (plutôt qu’à espérer). »
3. « Nous nous attendons à la critique, donc nous interprétons nos ami·es comme critiques. »
4. « Nous sommes réactif·ves, blessé·es, trahi·es – c’est ce que nous craignions ! (Et nos ami·es sont blessé·es par notre réactivité.) »
5. « Buddy Brain se blâme lui-même ; nous pouvons nous auto-punir et nous faire du mal. »
6. « Nous nous auto-éditons désespérément pour ‘plaire’ aux autres. »
7. « (Comportements compulsifs pour libérer l’énergie refoulée.) »
8. « C’est épuisant ! Nous sommes épuisé·es, frustré·es et agité·es. »
9. « Nous nous sentons insatisfait·es de nos relations, seul·es et avons besoin d’une véritable connexion et d’être vu·es. »
Cela nous ramène à l’étape 0 ou 10 du cycle : « Buddy Brain se sent seul » avec le visage bleu triste.

Au centre du cycle de honte, une note : « Chaque fois que nous faisons le tour du cycle, nous augmentons le masking et diminuons l’authenticité. Dans le pire des cas, nous devenons déprimé·es, seul·es, impuissant·es. Nous avons besoin d’aide ! »

Sous les visages heureux, il y a une autre note : « Lorsque les gens sont abordés avec plus d’authenticité, de confiance et de pardon, les choses peuvent se passer comme espéré. »

*Notes de traduction :
‘TSPT-C’ pour trouble de stress post-traumatique complexe, ‘C-PTSD’ en anglais.
‘Buddy Brain’ pourrait être traduit par ‘Cerveau Social’ ou ‘Cerveau de l’Attachement’ (mais on a gardé ‘Buddy B’, parce qu’on trouvait ça cool :) ).

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Traduction 2024 par Partielles ASBL