Discussion entre trois systèmes qui ont pris conscience de leur multiplicité à l’âge adulte (25, 35 et 45 ans). Parce qu’il est possible de se rendre compte de sa multiplicité à tout âge, cette session partage le vécu et les expériences de ces systèmes en naviguant à travers des questionnements comme: ce que ça a expliqué rétrospectivement, les difficultés rencontrées et les éclaircissements apportés.
Discussion entre trois systèmes qui ont pris conscience de leur multiplicité à l’âge adulte (25, 35 et 45 ans). Parce qu’il est possible de se rendre compte de sa multiplicité à tout âge, cette session partage le vécu et les expériences de ces systèmes en naviguant à travers des questionnements comme: ce que ça a expliqué rétrospectivement, les difficultés rencontrées et les éclaircissements apportés.
[Mirah] OK, j’y vais.
[Kara] Ouais.
[Mirah] Alors moi c’est Mirah. Le corps a bientôt 48 ans, je ne suis absolument pas attaché au pronom et quoi dire, à l’intérieur de moi. J’ai deux systèmes avec plusieurs personnalités à l’intérieur Et voilà.
[Atoll ] Et moi, je suis Atoll. C’est le pseudo qu’on a choisi pour pour aujourd’hui. Puis de manière générale, du coup de pseudo système en fait parce qu’on n’avait pas encore fait cette démarche, donc c’était l’occasion. C’était très très chouette de réfléchir à ça, même si les débats ont été houleux et ne sont pas encore complètement résolus. On me dit d’ailleurs je suis multiple. J’ai toujours eu conscience que j’étais multiple, mais je ne me rendais pas compte que tout le monde ne l’était pas. A priori, j’ai un TDI mais je n’ai pas eu de diagnostic, de diagnostic établi et j’ai 36 ans. Enfin, le corps a 36 ans. Un mes passions, mes passions à moi ce sont l’écriture que je pratique aussi bien dans mon métier que dans mon temps libre que dans mes passions. Et la photo essentiellement. Mais voilà, je ne vais pas être trop développé maintenant. J’ai oublié par rapport au pronom. Peu importe essentiellement elle. Il y a un homme dans le système, mais il s’en fout. Donc c’est OK, elle c’est OK.
[ Kara ] Merci beaucoup. On veut peut être parler de comment et quand on a pris conscience de notre multiplicité. Est ce que vous étiez Du coup, je vais dire féminin. Est ce que vous étiez consciente avant d’être plusieurs ? Ou est ce que c’est vraiment en connaissant le TDI ou la multiplicité que vous en avez pris conscience? Visiblement Atoll c’est pas le cas. Fin voila, est ce que vous avez envie de parler un peu de ça ?
[Mirah ] Moi, je veux bien rester
[Kara] Va-y
[Mirah] J’attaque, enfaite pendant longtemps. L’hôte qui était souvent là avait conscience d’avoir plusieurs avis. Mais à aucun moment on a soupçonné la multiplicité quoi. Vraiment ? ça nous est tombé dessus et une fois que ça nous est tombé dessus, on a vachement mieux compris. Mais mais au départ, voilà, on avait juste la sensation d’avoir plein plein d’avis et donc c’était vraiment difficile de choisir lequel avis allait gagner. Et surtout les autres. Donc on a galéré comme ça jusqu’en 2019 et en 2019, donc suite à une hospitalisation et plein de d’anecdotes concernant ce qui s’est passé à ce moment là, qu’on a eu le diagnostic de TDI. Donc je ne sais pas. Est ce que je raconte des détails
[Kara] Autant que tu veux ? Mais donc ouais. Donc vous, vous aviez conscience de rien ? Enfin une intuition mais pas de c’est, c’est la médecine, c’est un psychiatre qui a mis le nom avant que vous y réfléchissez en ces termes?
[Mirah] C’est ça, disons que j’ai été suivi par un psychiatre depuis longtemps, à partir de 18 19 ans, j’ai commencé à aller voir ce genre de personnes et et donc j’ai eu droit à 1 milliard de diagnostics bipolaires, borderline, cyclothymique. Fin bon, voilà. Mais je me reconnaissais dans rien et en fait, moi, je me pensais autiste parce que je me rendais compte que des fois, je pouvais faire des trucs et d’autres fois, je pouvais pas faire des trucs. Et ça, vraiment ça, ça me rendait dingue parce que je comprenais pas pourquoi. Des fois, je suis capable d’aller au restaurant toute seule ou en course toute seule. Et pourquoi des moments, j’en suis incapable. Et comme je n’avais pas de réponse et qu’en plus on était super limité pour faire des recherches sur l’extérieur, eh bien je me faisais mes conclusions, on va dire quoi ? Et du coup, je me disais Bon, bah, c’est que je suis autiste, voila.
[Kara] Après l’un n’empêche pas l’autre. Mais oui, ok,
[Mirah] Ouais. Et donc voilà, on avait plein plein d’avis au départ. J’avais conscience, comment dire ? T’avais pas d’amnésies entre les switchs,
[Kara ] ok
[Mirah] et je me rendais pas compte des switchs mais par contre je n’avais pas d’oublis. Donc c’est pour ça que je comprenais pas pourquoi j’avais autant d’avis que cinq minutes je pensais à un truc et que dix minutes plus tard, je pensais complètement l’inverse. Je me disais, bon, je suis vraiment bizarre et c’est vrai que d’avoir eu le diagnostic en 2019, ça m’a fait du bien, ça à soulager plein de choses à l’intérieur. Et donc du coup, si j’ai approfondi de comment ça s’est passé vraiment, comment on s’est rendu compte qu’on était plusieurs c’est qu’à un moment donné, l’hôte, c’était l’enquêteur. C’est comme ça qu’on l’appelle et l’enquêteur lui y se croyait vraiment tout seul, avec plein plein d’avis et à un moment donné, pouvait plus gérer les avis et il pouvait même plus gérer ce qui sortait de sa bouche. Donc du coup, il a vraiment fait le roi du silence et aucun mot sortait de sa bouche, il a demandé une hospitalisation là les psys ont commencé à dire que c’était peut être donc le fait d’être multiple et jusqu’au moment ou l’enquêteur s’est rendu compte de l’autre. Et il croyait qu’il était que deux en fait, lui et l’autre. Et il s’est rendu compte que dans l’autre, il y avait plein de personnalités. Avec le temps et que dans lui aussi, c’est pour ça que on exprime qu’on a deux systèmes.
[Kara] OK.
[Mirah ] Voilà,
[ Atoll ] Moi, je me relie pas mal à ce que dit Mirah, dans le sens avoir de toute façon tout le temps plusieurs avis, plusieurs. Ouais, plusieurs personnes en fait dans la tête et moi c’est l’année dernière donc s’il y a un an tout juste, ou je suis tombé de ma chaise en regardant une vidéo sur Facebook qui défilaient dans le fil de vidéos, d’Olympe et donc j’ai regardé cette petite vidéo qui durait 3 à 5 minutes et en fait, j’ai été prise de stupeur parce que subitement, je me suis rendu compte que tout le monde n’avait pas plusieurs voix tout le temps dans sa tête. En fait, je m’étais jamais posé la question en ce sens là. Pour moi, ce que je vivais, c’était juste normal et tout le monde fonctionnait comme ça parce que, comme je le vivais, j’imaginais que tout le monde fonctionnait pareil. Et du coup, de me rendre compte que d’un coup, à priori non. Ça m’a fait vraiment un gros choc. Et ce qui m’a permis de d’explorer un peu cette piste, c’était les statistiques sur la fréquence en fait de la multiplicité, la fréquence et la multiplicité. Je pensais vraiment pas que c’était quelque chose d’aussi fréquent. Je connaissais déjà le terme, mais bon, après, on en parlera sûrement tout ce qui est la culture et tout le dépeint d’une certaine façon. Donc forcément, je pouvais pas m’identifier à à la représentation qui était faite du TDI et autre multiplicité. Et donc c’est vraiment ce choc là qui m’a permis de de choc plus la connaissance de la fréquence de la chose qui m’a permis de m’interroger, de me dire OK, mais en fait tout le monde fonctionne pas comme ça. Mais pourtant tout le monde a une petite voix, plusieurs petites voix intérieure et peut être que tout le monde a une petite voix intérieure, mais pas à trois, quatre, cinq, dix vraiment. Ça a été assez marquant l’année dernière et c’était en plus à un moment ou j’étais dans un parcours diagnostique pour mon autisme que j’ai vu. Ensuite, je suis diagnostiquée autiste et là je me suis dit Oh, ça fait un peu beaucoup quand même. Et en plus là, je suis en cours de diagnostic TDAH. Donc comment dire que la légitimité prend souvent un sacré coup mais voilà, on avance doucement par rapport à ça. Et puis j’avais l’impression que je n’avais pas d’amnésie. Alors bien sûr, j’étais tout le temps partagé entre plein plein. Je suis toujours partagée entre plein de façons de voir la vie, plein de façons de voir les choses et beaucoup de débats intérieurs qui souvent sont des matchs nuls. Parce que c’est très compliqué de concilier des avis ou des ou des façons de faire des choses aussi différentes. Mais j’avais l’impression. Enfin, je n’avais pas conscience vraiment d’être plusieurs personnes pour moi, il y avait celles qui étaient devant moi à l’instant T et tous les autres. Et même si celles qui étaient devant changait tous les autres restaient c’était toujours cette conscience de y’a quelqu’un devant. Et le reste, c’est de l’imagination. C’est une façon de vie intérieure, de vivre sa vie intérieure ? Et du coup, j’ai moi aussi rendu compte, petit à petit aussi. Je faisais aussi de l’amnésie que j’oubliai, que je faisais de l’amnésie, y compris de l’amnésie émotionnel. Et il y eu une période, un peu de développement personnel vous savez, il vous dit ce genre de choses, il faut oser être vous même. Et moi, j’étais: [Kara] Laquelle ? [ Atoll ] Je le veux bien, mais ça change toutes les cinq minutes. En fait, Donc voilà. Et en plus, j’ai eu un parcours psy régulier. J’ai vu des psy depuis petite sur plein de choses et j’ai eu un parcours de vie compliqué et et jamais personne ne s’est posé cette question là. Donc du coup, je me suis sentie hyper illégitime pendant très longtemps. Là, ça a commencé à aller mieux depuis quelques semaines, quelques mois, et encore ça dépend des moments. Donc voilà, j’ai pris conscience comme ça il y a à près un an et avant ça, je croyais que tout le monde fonctionnait comme ça quoi
[Mirah] Donc si je peux rajouter quelque chose, c’est que, en 2017, ma psychiatre qui nous suivait depuis de nombreuses années, m’avait avait effleuré l’idée d’un dédoublement de personnalité. C’était ses termes et franchement, je me disais non, mais moi je suis pas double. Non, non, non, mais je crois pas, je me rendrai compte sinon. Et en fait, le fait de comment dire, je me rendais pas compte que j’étais plusieurs parce que j’avais l’impression d’être tout le temps moi. Et c’est en fait à la suite d’événements que mon système, fin mes systèmes, ont explosé. Et là, du coup, je ne pouvais plus nier le fait que j’étais plusieurs. Parce que ça changeait Et j’ai eu une grande période ou j’avais de l’amnésie entre les switch, c’est à dire que je faisais des choses et je revenais quelques jours plus tard et je me disais mince, qui c’est qui à fait ça ou qui c’est qui a mangé les gâteaux ou qui a déménagé cette pièce ? Et en fait, je vous disais, mais je suis toute seule, c’est complètement fou quoi. Et donc là, c’était une période difficile ou vraiment je me disais mais je ne vais pas m’en sortir Et après ? Plus, j’ai pris connaissance des personnalités, des systèmes et tout ça. Et moins il y a eu d’amnésie entre les switch
[Kara ] Et donc attend, c’est vraiment comique ça. Donc tu penses que, après c’est difficile de savoir rétrospectivement, mais du coup tu pense qu’il y avait pas ou peu d’amnésie entre les switch avant la prise de conscience puis à la prise de conscience, tout le monde a un peu fait ah au secours ! Qu’est ce qui se passe et du coup beaucoup plus d’amnésie. Et maintenant c’est un peu en train de redevenir comme avant la prise de conscience? Un truc comme ça?
[Mirah] Bha je pense. Je pense qu’en fait au départ donc l’enquêteur et il avait un système assez restreint avec des personnalités assez , assez restreinte et donc qui n’avait pas le deuxième système, il était bloqué. On va dire quoi Et c’est au décès de notre mère que du coup on était pas, je pense que le deuxième système était beaucoup plus en sécurité et s’est permis de se montrer, beaucoup plus.
[Kara ] OK,
[Atoll] J’ai alors sans évènement particulier, mais après ma prise de conscience, ça m’a fait un petit peu pareil parce que jusque là c’était bon, c’est toujours moi, plein de moi, très différenteq, mais c’est toujours moi et il y a quand même une voix un peu chiante qui me dit plein de trucs pas cool dans ma tête, en plus de tous les autres. Mais c’est tout le temps moi. Et suite à la prise de conscience dans ces moments, ou j’étais non mais c’est pas possible. Je me fais des idées, je me fais des films, je suis pas légitime. On connaît tous ça. Il y a un soir où il y a un de mes, un alter qui a une place vraiment principale, qui est régulièrement au front, etc, qui est venu d’un coup, je fermais les volets en fait, et on a vu quelque chose qui est son nom en fait. Et ça, ça m’a marqué, ça m’a fait comme une grande baffe dans la figure sur le moment et je suis restée bloquée et avec mon alter qui fait bah ouais ça c’est mon nom en fait. Et du coup la, je fais, ok il se passe quoi ? Enfin vraiment panique à bord et ça m’a fait ça deux ou trois fois pour les premiers qui sont arrivés avec leurs noms et tout. Et c’était vraiment une grosse période de déni, de non mais c’est pas possible, ça fait un peu…
[Mirah] Que ça moi, ce genre de déni là, moi je l’ai eu avant, en 2015 par exemple, où justement Mirah et Ataya sont arrivées dans mon esprit, enfin les prénoms en tout cas. Moi je pensais que c’était âme qui me communiquait des trucs, enfin- Mais vraiment j’étais à côté de la plaque complet.
[Atoll] Mais du coup, une fois que ta prise de conscience, tu as plus remis en question ce genre de chose, quoi ?
[Mirah] Eh bien non, j’ai compris- ce que je comprenais pas et que j’arrangeais à ma sauce pour le comprendre, quand j’ai eu connaissance du TDI, j’ai pu dire ah bah oui, mais en fait, c’est des personnalités quoi, c’est des prénoms des personnalités.
[Atoll] Oui. Moi en fait j’ai toujours mis ça se sur le compte de j’ai beaucoup d’imagination parce que vraiment, je suis quelqu’un qui vit beaucoup dans ses mondes intérieurs, j’écris des livres, je- L’imagination, c’est un truc qui est extrêmement important dans ma vie. Et donc je me suis dit vraiment que j’imaginais ça aussi. Et du coup, j’ai notamment une alter qui souvent quand je suis trop dans le doute, prend le front de façon assez brutale, et là, je fais ah ok, d’accord, c’est vrai. [Kara] Non mais ça va, ça va, je m’incline. D’accord, c’est bon.
[Atoll] C’est ça, oui bon d’accord, ok. Parce que dès que les autres s’apaisent ou sont pas trop présents et que je me sens toute seule, que certaines des alters sont toutes seules, c’est tout de suite ah oui, non mais en fait on a juste tout imaginé. Enfin voilà.
[Kara] Et pour nous… Oh c’est un peu comique. Après je pense que toutes les prises de conscience sont potentiellement un peu comiques, mais donc nous, on a eu aussi une prise de conscience en 2019. Et le truc un peu qui sort de l’ordinaire dans mon histoire, c’est que j’étais très conscient de ce qu’est la multiplicité étant donné que je vivais déjà avec Epsi et que j’étais conscient de leur multiplicité depuis 2014. Mais à- c’est même pas à aucun moment je me suis posé la question pour moi-même, c’est je me suis posé la question pour moi-même et j’en ai conclu que ce n’était pas possible. Donc vraiment, on a avancé ensemble et j’ai appris à découvrir leur système et on a vraiment passé plein de trucs ensemble, où leur multiplicité était vraiment au centre de nos réflexions, mais à aucun moment moi je me suis dit que c’était peut-être possible pour moi. Et là, on en revient encore au fait de- Je pense que c’est aussi lié à la stigmatisation et aux perceptions qu’on peut avoir de la multiplicité, comme la représentation dans la pop culture et tous ces trucs-là. Parce qu’on est toutes les deux autistes et à aucun moment je me suis posé la question de me dire que c’était pas possible, que c’était genre impossible qu’on le soit tous les deux. Alors que là c’était vraiment ça, au tout début des réflexions, c’était ben non, statistiquement, c’est pas possible. Alors que si en fait, pas pas plus ou pas moins en fait. Et donc voilà. Et donc je disais même des trucs comme moi, il aurait pu m’arriver n’importe quoi, j’aurais pas de TDI. Voilà. C’est un peu le summum du déni. Et les réflexions elles ont commencé parce que je suis tombé sur des articles et des comptes sur Twitter essentiellement, qui parlaient du CPTSD. Et dans les symptômes de CPTSD, il y avait des trucs qui faisaient un peu écho à ce que je vivais, entre autres des trucs liés à l’hypervigilance en fait, mais moi je me disais: mais moi ma vie, elle est cool en fait, moi j’ai pas de traumas.
[Atoll] Pareil. Moi ? Pas de traumas, voyons.
[Kara] Ma vie, elle est assez banale, je ne vois pas du tout ce qui aurait pu m’arriver de traumatisant. Et là Epsi disait: bah et ça ? Et je disais: oui mais non, ça, tout le monde a ça enfin. Et du coup, elle disait: et ça alors ? Je disais: non mais ça c’est rien, une broutille. Et donc voilà, les réflexions, elles ont vraiment commencé comme ça, mais plutôt très axées CPTSD quoi. Parce que oui, parce que j’avais fait aucun chemin. Il y a des gens qui prennent conscience de leur multiplicité mais qui ont déjà fait un chemin et une conscientisation de oui ils sont traumatisés, et d’autres qui savaient qu’ils étaient plusieurs mais avaient pas fait le lien entre multiplicité et traumas, par exemple dans le cadre du TDI, mais moi j’avais fait aucun des deux. Du coup, voilà. Et ça, c’était en janvier 2019 et ça a vraiment commencé à cheminer comme ça et à réfléchir comme ça. J’ai d’abord essayé de retracer mon adolescence et déjà, je me suis rendu compte que c’était vraiment compliqué, que c’était vraiment un gruyère alors que j’avais- on m’a toujours dit que j’avais une super bonne mémoire. Du coup, partant de ce postulat, je pensais pas du tout avoir d’amnésie. Mais non, juste, j’avais, c’est encore un peu le cas maintenant mais moins, mis en place énormément de trucs pour pas qu’on voit qu’il y ait des trous, quoi. Donc voilà. Et c’est en mai 2019 que vraiment ça s’est concrétisé, où je posais vraiment plein de questions à Epsi et je disais: mais donc comment c’est ? Et comment tu sais que ce n’est pas toi ? Enfin voilà j’étais vraiment dans des questionnements mais toujours en me disant non. Et puis, un peu comme toi Atoll, j’ai eu ces trucs d’entendre des gens qui disaient: non mais je me sens pas bien du tout, moi j’aime pas du tout ça. Et d’avoir comme ça des bribes de conversation alors qu’avant, tu disais tout le monde a une petite voix, mais moi je n’avais pas de petite voix. J’avais pas de pensées formulées. Genre ma tête, c’était un truc vide et ma bouche, c’était une bouche. Et ça m’arrivait hyper souvent de dire: j’ai l’impression de découvrir ce que je dis quand je le dis. Parce que je pense que ce n’était pas spécialement formulé par la même- genre c’était quelqu’un devant qui parlait, mais je suis pas sûr que la pensée venait du même alter en fait. Du coup, voilà. Mais non, je n’avais pas du tout de pensées formulées. Je n’avais pas de petite voix, je n’avais pas de débat interne, j’avais rien de tout ça. Et c’est vraiment en réfléchissant là, donc sur le CPTSD et tout, que tout s’est un peu débloqué d’un coup et que là, après, oui, c’était un peu open bar où tout le monde a dit: salut en fait moi je suis là ; et où ça s’est débloqué assez vite en fait. Notre mode de communication principal maintenant, c’est la communication en pensées. Mais donc c’est vraiment passé de rien à ok. Avec le recul, maintenant je pense que c’était le cas plus jeune et que j’ai un peu oublié et bloqué le truc et du coup ça s’était bloqué complètement mais voilà. Mais du coup je connaissais vraiment la, par rapport à vous, la multiplicité, les termes, j’avais lu des articles et des études, je connaissais d’autres multiples mais je n’avais pas appliqué ce filtre à moi.
[Atoll] OK, merci.
[Mirah] Que moi j’étais dans le déni de A à Z. C’est-à-dire que même les premières levées d’amnésie à 27 ans quand je suis tombée enceinte, euh, je n’y croyais pas quoi. Et pendant longtemps je n’ai pas cru toutes les levées d’amnésie et je trouvais pas ça bizarre de pas me rappeler les huit premières années de ma vie. Enfin bon.
[Atoll] Oui, je pense qu’on utilise plein de stratégies pour expliquer les amnésies. Moi mon explication lambda, mais vraiment que j’y croyais, mais dur comme fer, j’étais persuadée que c’était vraiment juste ça, c’est que j’ai énormément déménagé. J’ai déménagé des dizaines de fois, là je suis dans ma 44e habitation. Donc j’ai beaucoup déménagé et je me disais que si je n’avais pas souvenir avant 9-10 ans, c’est parce qu’en fait j’avais juste tellement déménagé que voilà, l’ancrage de la mémoire était compliqué quoi. Et alors qu’en fait, bah peut-être un peu, mais c’était pas que ça quoi. Et il y a plein de périodes de ma vie qui durent même en années dont je me souviens quasiment pas, ou alors où j’ai juste les faits, comme si j’avais une liste de faits mais je n’ai pas du tout accès aux souvenirs et tout. Parce que voilà, il y a eu changement d’hôte régulièrement visiblement et voilà. Et je me posais pas trop la question. Oui, je me souviens pas trop parce que c’était une période compliquée, je me souviens pas trop parce que de toute façon c’était pas vraiment moi à cette époque-là. Voilà, plein de trucs comme ça, mais c’est seulement après la prise de conscience où je suis wowh, ah oui, mais c’est pour ça. Et en fait, ce que je disais c’était déjà lié à la multiplicité, mais je m’en rendais pas compte quoi.
[Mirah] Moi je pensais que c’était normal de pas se rappeler de la petite enfance. Voilà, puis ça m’allait bien de penser ça. Et avec le recul, en fait, ce déni, c’était parce que j’étais encore dans le contexte dangereux et donc il fallait pas que je m’en rappelle pour garder une certaine protection.
[Atoll] Oui, moi aussi je pensais que c’était normal, effectivement. Et à la période où j’ai commencé à me dire: mais est-ce que c’est vraiment normal de pas se souvenir de son enfance ? J’ai commencé à poser la question autour de moi du coup. Et il y a des gens qui me disaient qu’ils avaient leurs premiers souvenirs vers quatre ans, cinq ans. Il y en a même qui me disaient que deux ans et demi, trois ans, ils avaient déjà des souvenirs. Et moi j’étais what, vraiment, on peut avoir des souvenirs aussi jeune ? C’est pas possible. Et du coup, dans ma tête, jusqu’à 9-10 ans, j’étais encore dans la petite enfance et que c’est pour ça que je me souvenais pas à quoi, vous voyez, c’est…
[Mirah] Ouais, pareil.
[Kara] Et moi, je pense vraiment que c’est une adaptation, mais j’ai quelques faits pour chaque année, à savoir principalement des trucs liés à la scolarité qui, en primaire, était vraiment pas compliquée pour moi. Mais donc le nom des copines de classe, le nom de l’instit’, quelles activités extrascolaires je faisais. Pour toutes les années, de la maternelle à la fin de primaire, c’est les infos que j’ai. Et donc vu que c’est 80-90% du temps d’un enfant, ça fait bien, ça remplit très fort le vide. Ah, qu’est-ce que tu faisais à 6 ans ? 6 ans, j’étais en première primaire -dans notre système belge- avec madame Machin et j’étais assise sur le banc à côté de Bidule. Mais c’est tout. C’est tout ce que j’en sais. Je peux te faire un espèce de faux brodage, qui est pas faux mais qui est basé, à peu de choses près c’est basé sur la photo de classe quoi. Voilà. [Atoll] Oui, moi aussi j’avais beaucoup- les quelques souvenirs auxquels j’arrive à accéder, parfois parce que pas tout le temps en plus, ce sont des souvenirs que j’ai retricotés à partir de récits, que ma mère ou mon père ont pu me faire, ou de photos. Et toutes les périodes, parce que comme on a énormément déménagé, il y a des périodes entières où on n’a pas de photos, les périodes où on n’a pas de photos, j’ai rien quoi, mais genre rien de rien, à part à certains moments en thérapie où j’ai des choses qui reviennent. Mais voilà.
[Kara] Et moi, ma mère, elle prenait beaucoup de photos et elle filmait beaucoup. Ma mère, ouais il y a énormément de films chez moi et on les regardait beaucoup quand j’étais enfant. Et donc je pense qu’il y a des souvenirs dont je me souviens pas, mais que je sais que j’ai vu la cassette.
[Atoll] Oui, c’est ça, la re-fabrication de souvenirs liée au média qui a permis de fixer le souvenir. Mais moi, j’ai oubli du souvenir complet, quoi.
[Mirah] Ouais et que vraiment, nous, c’était vraiment l’amnésie totale jusqu’à notre retour de colonie. Et en fait, c’est l’hôte, l’Enquêteur est arrivé quand on a déménagé et avec presque même la sensation de ne pas connaître la famille quoi, mais vraiment d’arriver de nulle part. Je ne sais pas qui je suis, je ne sais pas qui ils sont. Ok bah on va faire semblant que, bah on va faire style qu’on les connaît, hein, et on va s’adapter. J’avais gardé qu’un souvenir. Le seul souvenir que j’avais, enfin que l’hôte, l’Enquêteur, avait, c’était que sa mère était dangereuse et que le père pouvait nous protéger, alors qu’en réalité c’était l’inverse. Et après, les souvenirs, donc avant nos 7 ans, on les a eus par levées d’amnésie et quand on a pris conscience des autres personnalités qu’on a pris le temps de les écouter, et à ce moment-là, on a pu retracer vraiment tout, toute notre enfance, ce qui s’est passé. Mais en fait, c’est comme si les autres personnalités gardaient les informations et que le système de l’Enquêteur, lui, avait rien de tout ça.
[Kara] Oui, moi je- en termes de sorties d’amnésie et de souvenirs traumatiques, je sais qu’il y a plein de trucs que je n’ai pas sur tous les plans. Si on considère qu’un souvenir, c’est et des faits et des sensations et des sentiments, moi il y a plein de souvenirs -bah déjà c’est global pour toute ma mémoire, mais encore plus pour des trucs traumatiques ou un peu reliés à des traumas- j’ai qu’un aspect quoi. Soit j’ai que le fait et c’est tout, soit j’ai que les sensations, enfin vous voyez, il manque des bouts quoi.
[Mirah] Pareil. Et en fait, chaque personnalité contient une information, alors il y en a une qui va avoir le souvenir de la mémoire, du fait, une autre personnalité va avoir tout l’émotionnel, une autre va avoir toute la douleur du corps. Et en fait, pour retracer tout ça, il a fallu qu’elles rentrent en contact les unes avec les autres. C’est comme ça que chez nous, ça s’est passé. [Kara] Oui ben moi tu vois, c’est pas- C’est en cours comme étape et je le sais quoi. Il y a plein de trucs qui partent et qui viennent comme conscientisation. Parfois, c’est sûr, et parfois c’est un peu le ouais, je ne sais pas, peut-être. Et parfois, c’est le bah non, je ne vois pas du tout de quoi tu parles. Du coup, voilà. Du coup, je me demandais qu’est-ce qui a été le plus difficile et le plus facile pour vous dans ce moment de prise de conscience ? Qu’est-ce qui a vraiment été super dur ?
[Atoll] Pour moi, ce qui a été le plus dur, ça a été de me rendre compte qu’il y avait encore quelque chose qui me différenciait du fonctionnement de la majorité des gens. Parce que j’étais vraiment, à ce moment-là, en train de vaguement essayer d’accepter le fait que j’étais autiste. Je suis autiste. Et du coup, ça par dessus, ça a fait vraiment beaucoup. En plus, le même été, je me suis rendu compte que je n’étais pas hétéro. Enfin, il y a eu vraiment beaucoup de chamboulements l’année dernière et ça a été hyper chaud. Et ce qui a été le plus facile, ça a été de mettre un nom en fait, de mettre un mot et du coup trouver des communautés, trouver des gens avec qui parler. De pouvoir trouver de la documentation. Partielles, ça m’a fait vraiment tellement du bien votre chaîne, vraiment ça m’a fait énormément de bien. Il y avait aussi quelques blogs, quelques pages Facebook, tout ça, des groupes. Ça m’a permis de trouver des adelphes et ça, ça m’a fait beaucoup de bien.
[Mirah] Moi, ce qui a été le plus difficile, ça a été les levées d’amnésie, de mes 27 ans jusqu’à il y a peu de temps encore quoi. Après, c’était l’acceptation aussi du diagnostic et surtout de ne pas être normal parce que l’Enquêteur, lui, c’était son but absolu. C’était d’être normal le plus possible, de faire semblant d’être normal et de se contraindre à l’être, enfin essayer tout ce qu’il pouvait pour rentrer dans les cases, quoi. Et aussi, ce qui a été vraiment difficile, c’était l’abandon et le rejet des proches, de la famille, des amis, se sentir incompris, et d’être seul, d’être seule dans cette démarche, dans toute cette démarche, ça a été vraiment vraiment difficile. Et après aussi, l’autre chose difficile pour l’Enquêteur, c’est de s’être trompé sur ses bourreaux, encore que les deux étaient bourreaux quoi mais il y en avait qui l’était plus que l’autre. Et d’accepter tout ça. Ça a été vraiment, vraiment difficile. Après, ce qui a été facile, franchement, là, joker, je crois que pour moi, il n’y a rien qui a été très facile. Si ce n’est, ça a commencé à être plus fluide et plus cool quand j’ai commencé à faire des vidéos et que j’ai un peu mieux assumé et que j’ai accepté de regarder en face, qu’effectivement à travers les vidéos, ce n’est pas la même. Et ça, voilà, le plus facile pour moi, ça a été faire des vidéos.
[Kara] Du coup, je suis vraiment- enfin ce que vous dites toutes les deux fait vraiment écho à ce que moi je pense aussi. Ce qui a été difficile, c’est accepter que c’était statistiquement possible alors que- c’était vraiment ç. le plus dur, c’était la légitimité de me dire: je vis avec un système, je peux pas l’être aussi. Genre c’était leur truc, je ne pouvais pas voler leur truc rare. Et donc il y avait vraiment un problème dans l’acceptation plus encore- c’était pas vraiment le fait d’être plusieurs, c’était le fait d’avoir ce même truc « rare » entre guillemets, alors que c’était pas vrai mais voilà, c’était dans les idées reçues que j’en avais. Même si je savais objectivement que c’était faux parce que j’avais les infos, mais voilà, il y avait un bug entre les deux. Et ce qui a été le plus facile, c’est la diminution de la culpabilité. Dans le sens où avant, j’avais l’impression permanente, avant la prise de conscience, d’être juste tout le temps pas d’accord avec moi-même et je m’en voulais à fond. Je m’en voulais de prendre des décisions avec lesquelles je n’étais pas d’accord. Je m’en voulais de me mettre tout le temps dans les mêmes situations. Et je me disais: mais pourquoi ? Pourquoi je ne suis pas capable d’être cohérente pendant genre une semaine, de pas faire des choix que je regrette ? Et, bah c’était un peu pareil, à ce moment-là, j’avais une vie très classique, pas vraiment en 2019 mais avant, enfin vraiment entre la fin de la scolarité et le début de l’âge adulte. Donc moi j’ai commencé à travailler j’avais 21 ans et j’ai travaillé jusque 25 ans, plus ou moins. Ma vie, c’était un truc genre plus vite c’est fait, plus vite c’est fait. Donc je voulais un CDI et j’avais un CDI. Je voulais acheter une maison, je voulais avoir des enfants et je voulais avancer dans cette vie tradi quoi. J’avais un chien, enfin j’ai toujours un chien, mais vous voyez, je ne voulais pas faire de vagues, je voulais juste avancer comme tout le monde. Et à côté de ça, je faisais plein de choix qui n’allaient pas du tout, qui n’étaient pas du tout dans cette ligne conductrice. Et je m’en voulais à fond quoi. Je disais souvent: ah je sais pas où je vais, je ne sais pas qui je suis. C’était vrai, je ne savais pas qui j’étais, mais c’était l’expression que je disais quoi. Et donc ça, c’est vraiment ce qui a été le plus facile, c’est de se dire ok, c’est normal en fait de pas savoir et c’est pas ma faute. C’est en communiquant et en nous mettant d’accord sur nos attentes en fait que ce truc, que cette culpabilité liée au fait de ne pas être cohérent va diminuer, et c’est vraiment le cas. Je n’ai plus du tout une vie tradi, je n’ai plus de CDI non plus, j’ai toujours le chien, mais je n’aurai à mon avis jamais assez d’argent que pour acheter une maison, enfin voilà, et c’est pas grave et maintenant ça me convient. Et même si ça a été une transition vraiment dure, de toutes ces « désillusions » entre guillemets, mais je pense que c’est vraiment le meilleur choix quoi.
[Atoll] Je crois que c’est difficile de vivre avec les incohérences qu’amène aussi la multiplicité, entre autres. Je pense que tout le monde parfois peut être vraiment incohérent mais en tout cas pour moi, c’est quelque chose que je trouve omniprésent et extrêmement difficile à vivre. Et j’ai toujours voulu régler toutes les incohérences. Mais je voulais que tout soit hyper cohérent et tout ça hyper logique et explicable. Et donc forcément ça marchait pas. Et ça fait quelques années maintenant, surtout au contact d’une amie proche ou ou je commence à accepter que c’est OK. Les incohérences en fait c’est OK de pas être tout le temps cohérent et c’est OK que d’être plusieurs choses à la fois. Et c’est ok d’être plusieurs personnes en même temps et de ne pas chercher à résoudre. Et ça c’est une sacrée marche. Je suis vraiment au tout début de cet escalier là, c’est difficile à accepter
[Mirah] oui, que moi j’essaye encore de résoudre les incohérences et je te rejoins aussi Kara parce que la culpabilité, le fait d’avoir eu le diagnostic ça apporte presque la permission d’être incohérent ou quoi vu qu’on est plusieurs.
[Atoll] Et c’est pour ça que je cherchais le diagnostic. J’ai commencé une démarche de diagnostic qui ne n’avançait pas. C’était extrêmement frustrant. Pendant plus de six mois, j’ai eu des rendez vous avec un psychiatre censé être spécialisé sur la question et en fait, je cherchais juste une validation extérieure professionnelle. Je voulais que quelqu’un me dise Oui, vous êtes multiples, vous avez un TDI, histoire de moi, me sentir légitime. Et en tout cas, pour les alters qui passent leur temps à douter, qu’il y ait ce truc là qui est fait de regarder c’est écrit sur un papier comme l’autisme c’est écrit. Il y a des professionnels qui ont dit que c’était bien le cas et je n’arrivais pas à juste me satisfaire de « je suis multiple, je le vois » j’avais besoin de « j’ai un TDI et c’est légitime. » Et jusqu’au moment ou on en a eu un petit peu marre et que. Et que c’est déjà tellement compliqué. La légitimité quand on est multiple que lorsque ce psychiatre a sans trop le vouloir, alors soit on le voulant et du coup c’est vraiment dégueulasse, soit sans le vouloir, a remis en question un petit peu le peu légitimité qu’on commençait à rassembler au bout de plusieurs mois. Là il y a eu l’alter très très vénère qui a fronté et qui a dit « non mais là c’est stop, on arrête » Et ça, mais en fait ça m’a fait du bien. Maintenant on va mieux par rapport à ça parce qu’on se dit OK. En fait, on a pas besoin d’une validation extérieure d’un vieux professeur poussiéreux quelque part et que ce qu’on vit est légitime. On a le droit de nommer comme on veut. Mais voilà, il y a encore des, des personnes en moi qui ont besoin, qui auraient vraiment besoin de ça. Quand même, d’une validation, d’un diagnostic établi
[Mirah]Alors que moi j’ai des personnalités, bah l’enquêteur par exemple, même avec le diagnostic psychiatre, il continue de dire « non, moi je suis pas TDI. » « Non, c’est qu’il y connaissait rien en fait. » « Non, non, ils y connaissaient rien, non » « Moi je ne suis pas plusieurs » et ça bloque encore, ça bloque encore beaucoup. [Atoll]Ah mais je ne doute pas que si j’avais fait la démarche jusqu’au bout, j’aurais douté aussi. Même avec le diagnostic, vraiment j’en doute pas.
[Kara] Mais je pense que je pense qu’il y a pas de recette miracle, à part le temps qu’il y ait de diag ou pas de diag, qu’il y ait un suivi ou pas de suivi, je pense que ça aussi c’est un truc personnel intra système lié à la communication parce qu’il faut qu’un peu tous les membres cheminent à leur rythme pour que , ouais, au moins une majorité disent oui, d’accord et c’est ça qui est compliqué
[Atoll] Ouais c’est clair, c’est difficile d’avancer un peu chacun et chacune, à notre rythme en fait. Parce qu’il y a vraiment, il y a vraiment des alters qui vont être « Bah oui, c’est juste une évidence et c’est OK. » Et c’est comme ça et en fait, c’est un non-sujet et y’en a d’autres qui sont « Aah mais non, mais c’est pas possible, on imagine tout » et du coup de changer en permanence comme ça. De de façon de voir les choses, de façon de ressentir les choses. C’est épuisant en fait. Mais ça va mieux doucement
[Kara]C’est ça moi vraiment je vois la différence. Ça m’arrive de relire des vieux trucs ou de retomber sur des, j’écris pas beaucoup donc moi je fais des vocaux, mais moi Je sais pas comment tu fais Mirah pour regarder ta tête, mais moi je peux pas me regarder. Tu vois, je ne peux pas regarder ma tête et voir que ma tête, c’est pas toujours la même, que entendre ma voix, Ça, ça va, y’a pas de souci. Donc moi je fais juste des vocaux mais oui mais réentendre des trucs que je disais en 2019, en 2020, vraiment La, l’évolution en terme de légitimité est flagrante et donc oui, vraiment, et de tous les systèmes qu’on connaît, je pense vraiment que oui, le temps aide vraiment, c’est sûr.
[ Mirah ] Moi je suis pareil que toi, je peux pas voir ma tête, fin ça dépend qui je suis des fois elle est adaptée ma tête. Et puis des fois elle est absolument pas adaptée. Mais voilà, j’ai pas. J’ai pas trouvé d’autre solution que d’essayer d’accepter que je suis dans ce corps là. Quoi.
[Kara] C’est un chouette lien vers la question suivante qui est comment ça se passe Le partage du temps et le partage du corps pour vous ?
[Atoll] Ah. lol. [Atoll] Du coup, je commence comme tu veux Mirah, si tu veux commencer, moi c’est ok
[Mirah] Vas-y, ça me laissera du temps pour moi,
[Atoll] j’ai un énorme énorme souci avec le temps. J’ai depuis toute petite, je pense en tout cas, d’aussi loin que je me souvienne, ce sentiment chronique de ne pas avoir assez de temps, que le temps passe beaucoup trop vite et que j’arrive jamais à faire tout ce que j’ai envie de faire, tout ce qu’on a envie de faire. Et ça, c’est pas du tout apaisé avec la prise de conscience. Parce que, au contraire, enfin, d’un côté, ça s’est apaisé avec la prise de conscience, parce que de se rendre compte qu’en fait, c’est normal qu’on ait cette angoisse, cette peur là de tout le temps manquer de temps Parce que factuellement, on en manque, on est plusieurs et on n’a qu’un seul corps et qu’une seule ligne de temps. Donc c’est juste hyper, hyper frustrant et juste c’est comme ça en fait. Donc j’ai toujours eu beaucoup beaucoup le fantasme de pouvoir me dédoubler, me démultiplier pour pouvoir faire vivre chaque vie que j’ai envie de vivre, vivre chaque relation, passer ma vie à la fois, lire à la fois, écrire à la fois relationner, à la fois. Je voulais tout faire en même temps, et je veux toujours tout faire en même temps et j’essaye de tout faire en même temps. Et du coup, c’est hyper frustrant et j’arrive pas à lâcher parce que c’est important pour toustes, pour toustes les personnes, donc pour toutes les personnes en nous quoi. donc le rapport au temps est hyper galère et le rapport au corps aussi parce qu’on a un seul corps que pour les trois quarts des alters c’est pas leur corps. Donc la connexion au corps est très très compliquée et que très très souvent quand je me croise dans un miroir, c’est pas moi, c’est pas moi. Et quand c’est moi en plus ça me plait pas En plus quand c’est moi, mon corps me plait pas parce que parce que voilà, j’ai un problème aussi de vision de moi même, même quand c’est mon corps. Du coup c’est un petit peu ardu de déjà d’en prendre soin du corps. Pour la majorité d’entre nous, le corps c’est juste un véhicule et c’est tout quoi. C’est pas ce n’est pas quelque chose qui compte vraiment. Et j’ai des alters qui sont en train de râler derrière en me disant que oui mais non et qu’il y en a d’autres qui essaye d’y faire attention. Il y a les mamans en moi qui celles qui ont eu des enfants qui trouvent que notre corps a fait un boulot fantastique sur plein de trucs et du coup, ça nous a aidé un petit peu à nous relier plus à lui. Mais la majorité du temps, c’est hyper compliqué quand même, surtout quand on a compris Il y a pas très très longtemps que visiblement le corps était la majorité du temps géré par un alter qu’on connait pas en fait et que c’est pour ça aussi qu’on communique si mal avec notre corps. C’est que c’est qu’en fait c’est pas forcément la personne qui est au front, qui gère les mouvements. Et ça, ça nous a fait bizarre de nous rendre compte de ça. Il y a deux ou trois semaines, Donc voilà le partage du temps et du corps, c’est la merde
[Kara] Meilleur conclusion du monde
[Mirah] J’suis d’accord le temps aussi est un gros souci. Elle a toujours été, moi petite mon symbole, c’était l’escargot. Et et j’ai encore beaucoup de mal avec le temps c’est ou les journées sont trop longues ou elles sont trop courte. Ça dépend qui est là, quoi. Et et par rapport ah merde, j’ai oublié ce que je voulais dire. Attend,t’as parlé du temps et t’as parlé, Atoll t’as parlé du temps et de quoi d’autre encore ?
[Atoll] Du rapport au corps
[Mirah] Ah oui, et du rapport au corps. Et c’est pareil. Ouais le rapport au corps Il y a d’un côté le fait qui plait pas parce qu’il correspond pas à l’image qu’on a à l’intérieur et puis il y a aussi la souffrance du corps quoi. Donc si on peux l’esquiver et on peut éviter d’être dans le corps et l’oublier quoi le plus possible et en même temps, on s’est rendu compte que c’était important d’être dedans parce que c’est ce qui nous permettait l’expérience terrestre. Et après, au niveau du partage moi je suis pas encore trop, trop bien calé sur qui est qui, qui fait quoi à l’intérieur de moi. Par contre, ce que je peux dire, c’est qu’il y a souvent plein de coconscience à l’intérieur et les parts les plus hautes, les niveaux de conscience les plus hauts sont assez intrusifs dans les niveaux les plus bas et du coup essayent de relever le niveau s’il y a un problème ou quoi que ce soit. Et je crois pas qu’il y ait de disputes pour prendre le front. Je n’ai pas l’impression quoi, mais par contre là, on ne peut pas définir qui sera là ou qui sera pas là. Mais il y a toujours les plus hauts niveaux de conscience qui sont en coconscience et qui aident
[Kara] Ok, moi pour le partage du temps, ça se fait en plusieurs phases. Vraiment, au début de la prise de conscience, j’ai été, comme souvent, très dans le contrôle. Je, ça me semblait important de savoir et de contrôler et de à chaque instant, savoir qui est qui et qui est ou. Et c’était impossible et donc hyper fatigant et hyper chronophage. J’avais mis en place des espèces de moyen mnémotechnique pour savoir qui était qui, qui peuvent vraiment être des trucs cool, qui sont ça peut être intéressant de savoir qui front et qui est co conscient par exemple en posant des questions et en voyant, en fonction du panel de réponses à qui ça pouvait être lié ou en en faisant des actions par exemple. Il y en a qui sont bien plus capables de se lever pour aller chercher un truc dans la cuisine et d’autres pour qui il faut vraiment que j’en ai très envie, tu vois pour avoir ce courage de mettre l’impulsion pour me lever, pour aller chercher un bête truc et donc c’est intéressant de savoir à un certain moment. Mais au départ, c’était vraiment très contrôlant. Et très envahissant, ou à chaque moment que je ne savais pas était angoissant, c’était vraiment nul. Je déconseille et c’est au fur et à mesure qu’il y a eu un espèce de travail sur le non, mais c’est pas grave et c’est OK et c’est normal d’être flou. Et en fait c’était je pense aussi un peu un biais lié à ce qu’on en connait et à ce qu’on voit sur internet de ces systèmes qui sont hyper délimités et je pense que c’est loin d’être la majorité et donc maintenant on est maintenant on s’en fout mais du coup ça a, ça a dû passer par des questionnements personnels. Pour moi, en tant qu’hôte ou j’ai du pour accepter que ce soit pas grave de ne pas savoir accepter que j’étais quelqu’un quand même et que j’avais une importance, et la conclusion que j’en tire. C’est: c’est important que je sois dans les parages, c’est important que je sois en coconsciense et que je ne sois pas trop loin. Sinon ça tourne moins bien. Mais ce n’est pas important que non ce soit moi devant, seul et là, à gérer tout et 100% de la vie, on s’en fout, ça sert à rien, mais c’est bien que je sois pas trop loin. Mais voilà, il a fallu que je me rassure sur le fait que j’étais quelqu’un, parce que ça aussi c’est un truc dur à ce moment là, c’est de repasser ma vie, de faire une espèce de rétrospective de ma vie et de me rendre compte que c’était pas moi, que tous ces moments cool ou j’avais l’impression d’avoir été trop badass par exemple, c’était pas moi et tous ces moments ou j’avais l’impression d’avoir été hyper brillant. Ou enfin, vous voyez tous ces moments trop cool. Bon, ce n’est pas moi et du coup, ça a été compliqué. Pour tout ce qui a diminué la culpabilité, pour tous ces moments un peu nul ou ce n’était pas moi, c’était cool, tous les moments très brillants, c’était pas moi non plus et c’est pas grave et vraiment maintenant, je suis hyper content et conscient du fait que mon rôle à moi, c’est d’être un peu le ciment et la personne qui lie tout le monde et qui qui permet la communication et c’est un rôle hyper important. Mais oui, pour mon ego, au départ, ça a été un peu compliqué et pour le partage du corps et donc comment on partage le temps maintenant comme ça, comme ça vient et ça nous va. Et pour le partage du corps, c’est un peu pareil. Avant, on était très, ado je disais non mais moi je suis qu’une tête. Si les gens y trouvent que mon corps, c’est quelque chose tant mieux pour eux. Mais moi, je m’en fous quoi moi, je ne suis qu’une tête ce qui n’est pas top en soi. Mais voilà. Et maintenant, on est on a reréfléchi ensemble à comment on pouvait améliorer le corps pour qu’il soit plus accepté par la majorité, en fait. Et donc là, on est dans un truc de plutôt le rendre plus neutre, plus androgyne. On est dans des questionnements comme ça, lié à l’identité de genre, pour que ce soit plus simple en fait. Mais ça ne change pas que oui, il y a, il n’y a pas grand monde. Personne n’est très en adéquation avec le corps, mais je ne suis pas sûr que ce soit que lié à la multiplicité. Voilà
[Mirah] Moi si je peux rajouter par rapport au partage du temps, c’est hyper l’anarchie dans mes systèmes. Mais par contre voilà, on a mis au point une liste de choses à faire obligatoires tous les jours et on s’efforce, que ce soit n’importe quelle personnalité qui soit là, il y a le deal qu’on doit faire ce qui est marqué sur la liste et on doit cocher. Et après, par rapport au corps et à la façon de s’habiller, c’est vrai que selon qui est là, ça va pas être la même inspiration d’habits. Et pour régler le truc, mais ça en fait ça s’est réglé tout seul j’allais dire, même avant qu’on sache qu’on était plusieurs, c’est pas compliqué, quand on trouve un habit confortable, on l’achète de plusieurs couleurs. Donc du coup on a une garde robe avec 5-6 pulls, c’est les mêmes sauf qu’ils n’ont pas la même couleur. Et on essaye d’être neutres justement pour qu’il n’y ait pas de privilégiés. Parce que dans mon système, il y en a qui vont vouloir s’habiller hyper féminin, d’autres ça les met en danger donc hors de question. Donc là c’est des tenues passe partout qui passent inaperçues et juste ils choisissent la couleur en fait. [Kara] Bon conseil! Moi aussi ça fait longtemps que j’ai opté pour le confortable mais…
[Atoll] Oui pareil. J’ai toujours opté pour le confortable, juste un vêtement inconfortable c’est tellement- ça me surcharge tellement sensoriellement que juste en fait, je peux pas, voilà, je peux pas fonctionner avec des vêtements inconfortables. Si ça me sert un peu trop ou autre, ça va tout de suite être des cystites ou même simplement de la surcharge sensorielle donc. Et pareil, voilà, avoir les mêmes vêtements confortables en plusieurs exemplaires, Je me retrouve beaucoup là-dedans, sur ça. Et ouais, le corps ça me va quand on le sent pas trop en fait. Globalement, ça nous va quand on le sent pas trop, parce qu’il gêne pas trop.
[Mirah] C’est ça.
[Atoll] En même temps, on est vraiment la majorité à être hyper attachés à tout ce qu’on peut ressentir, tout ce qu’on peut percevoir au niveau sensoriel, parce que, à la fois, il y a plein de moments où ça nous surcharge, où ça nous agresse, parce qu’on est autistes. Et à la fois on ressent et on perçoit des choses si fort, et c’est tellement chouette, aussi, c’est tellement nourrissant à plein d’égards, que du coup, j’aimerais bien- J’avais beaucoup un peu comme toi, Kara, ce truc de « Bah moi, toute façon, je suis qu’une tête. » Et clairement oui, j’ai vraiment ce ressenti de « je suis qu’une tête » et en même temps ce corps me sert à nourrir ma tête, mais s’il pouvait ne pas exister, ça m’arrangerait, quoi.
[Kara] Oui, c’est ça.
[Atoll] Si je pouvais juste avoir des terminaisons nerveuses et les gérer comme je veux et pas avoir tout le truc de véhiculer un corps et compagnie, et devoir faire la maintenance, et tout ça, ça m’arrangerait beaucoup. Et on essaye d’évoluer là dessus, parce ce qu’en fait c’est aussi, entre ça et des traumas et tout, c’est ça que, je pense que c’est vraiment le le nœud de notre trouble alimentaire et on essaye de bouger là dessus en ce moment. Et voilà, c’est du boulot.
[Kara] Ouais, c’est vraiment une réflexion qui avance aussi lentement chez moi, ce truc du : Il est là le corps, c’est pas en faisant comme s’il n’existait pas qu’il va être le moins contraignant, en fait, c’est plutôt l’inverse. En s’en occupant pas, il est- Après, il sera toujours potentiellement douloureux, parce que parce que c’est comme ça, on a des douleurs chroniques, mais en faisant des trucs pour l’améliorer, potentiellement, il est mieux et en plus de ça, y a un peu ce paradoxe du : Si t’es trop pas ancré dans ton corps, tu peux pas être bien ancré dans ta tête non plus. Et du coup, ça, c’est un espèce de cercle vicieux qui augmente la dissociation et c’est nul. Il y a des moments, j’ai l’impression que la solution, elle se trouve dans mes pensées et qu’il faut juste que je réfléchisse à un truc et que je débloque un truc mental, alors qu’en fait, aller marcher, ça débloque le truc, mais c’est un réflexe que j’ai pas. Il faut… Tu vois ? Je cherche pendant des jours le truc qui me bloque et puis on va se balader en forêt et c’est débloqué. Voilà.
|Mirah] Moi, ça fait partie de mes rituels journaliers obligatoires, quoi, d’aller ou dans la forêt, ou dans la nature avec le chien, promener. Parce que justement, ça oblige d’être dans le corps et quand on est dans le corps, effectivement, il y a moins de problèmes que quand on est dans l’esprit. Enfin, c’est pas les mêmes.
[Kara] Ouais.
[Atoll] Moi c’est ça, c’est sur mes to-do list, mais j’arrive absolument pas à le faire. [rires]
[Kara] Non, moi non plus, hein… [rires] Moi j’ai une to do list où j’ai mis 4 fois sur 7, enfin 4 jours/semaine, mais c’est rare quand je coche quatre fois. Mais j’ai mis aussi 7 fois « penser à un truc positif par jour » et ça j’y arrive, tu vois. J’ai mis des trucs et facile et pas facile dans ma liste. [rires]
[Atoll] Il y a un côté de j’aimerais vraiment réussir à mieux gérer ce corps, mais en même temps il est un peu en bas de ma to-do list [rires] et dans ma to-do list, il y a des trucs que j’ai besoin de faire, que j’ai envie de faire et les choses que je dois faire qui sont indispensables. Et voilà. Et j’ai deux enfants neuroatypiques qui sont petits et voilà, et le quotidien très chargé. J’ai mon activité et du coup, je galère, en fait. J’arrive jamais au bas de ma liste, donc du coup, le corps, il passe toujours un peu à la trappe et là, j’essaie de le remonter dans l’ordre des priorités. Mais c’est pas évident parce que tout résiste et tout est urgent et tout est important. [Kara] Ah ouais, c’est clair que t’as moins de temps que moi, c’est sûr quoi, vraiment. Je pense pas que ce soit une histoire d’excuse ou pas, mais t’as 12 000 fois plus d’excuses que moi [rires], même si je suis d’accord. [Atoll] Oui, mais tu vois, même avant d’avoir des enfants et un couple, entre guillemets, « établi » et tout ça, même avant, j’avais quand même ce sentiment perpétuel de jamais avoir assez de temps, de jamais avoir le temps de faire tout ce que je voulais, donc je l’avais quand même, pas autant, mais je l’avais quand même quoi.
[Mirah] Ouais que nous, pour nous, la liste, elle est facilement réalisable à cause de la peur de mourir. Il y a tellement la peur de mourir par rapport au corps, dès que le corps nous fait mal, en fait voilà, on a peur. Donc du coup, cette peur là, c’est une belle carotte pour dire OK, mais il faut prendre soin du corps, absolument, donc il faut absolument faire ça, si on veut pouvoir rester le plus longtemps possible, quoi
[Kara] Je n’ai pas cette peur. Enfin si, potentiellement oui, mais ce n’est pas assez motivant. [rires]
[Mirah] Oui oui, ça dépend du degré, quoi. Oui, c’est très très, genre j’ai mal aux dents, ça y est peut être, on va mourir, on sait jamais. [rire]
[Kara] Oui, moi, je peux avoir des pensées irrationnelles, tu vois, de types hypocondrie, genre Je suis sûr, peut être, ça craint, j’ai peur, mais ça ne change pas que ça me mette pas à me mobiliser, quoi. [rires] C’est juste fatigant.
[Mirah] Ouais
[Atoll] Moi, le seul truc qui fait que ça commence à bouger, c’est parce qu’en thérapie, on discute de cette question de d’immobilisation nécessaire du corps, en fait, de par mon chemin de vie et de pourquoi. Et que du coup, en travaillant sur mon droit à bouger, de mon droit à être là, en fait, à exister, en travaillant sur tous ces sujets-là, mon rapport à mon corps change doucement. Alors c’est super compliqué parce qu’il faut que tous les alters, grosso modo, passent dans cette prise de conscience et que ça prend un temps infini et que donc il y a des déblocages qui se font suite à une séance de thérapie, que ça se bloque au bout d’une semaine, deux semaines, parce que, voilà, faut le temps que ça se fasse, faut le temps que tout le monde, un peu, passe sur ce sujet et c’est très très long et je sais que j’en ai pour plusieurs d’années. Mais je commence à certains moments, c’est loin d’être permanent pour le moment, mais à certains moments, je commence à juste avoir envie de faire des choses avec mon corps, chose que je n’avais jamais ressenti, en fait, vraiment. Genre envie, vraiment, d’aller marcher pour me promener, parce que ça me fait du bien et pas parce que je pense qu’il faut que je le fasse. Ça m’était jamais arrivé avant, il y a un mois. Avoir envie d’aller courir, je n’avais jamais ressenti ça, je déteste courir, en plus, je suis grosse, c’est compliqué. Et il y a un mois et demi, voilà, je suis allée courir juste parce que j’avais envie. Et du coup, de ressentir ce genre de choses, l’envie, quoi. L’envie de faire un truc avec ce corps qui existe et de juste pas l’ignorer, ça fait beaucoup de bien. Et c’est compliqué parce que c’est pas permanent au corps et du coup, c’est très frustrant.
[Mirah] Ah mais c’est chouette, déjà, s’y a l’envie ! Parce que nous, y a pas l’envie, c’est la contrainte. C’est justement la peur de, qui fait qu’on se bouge. Mais sinon…
[Atoll] Ouais, vraiment, la majorité, 99,9 %, je suis vraiment dans la même situation. En tout cas une situation similaire à la tienne de ce que j’entends, de ce que tu dis. Et j’avais l’impression d’être face à une porte intérieure immense en métal, toute verrouillée de partout et que là j’ai réussi à bouger un tout petit truc sur la porte. Et que voilà, il y a un truc qui bouge, c’est pas complètement verrouillé et je vais pouvoir débloquer petit à petit, mais ça va demander du boulot, quoi.
[Mirah] Et moi, je vois. Tu vois, auparavant, enfin y a, ça fait qu’un an, on va dire que c’est vraiment mis en place. Mais avant, on était beaucoup dans l’immobilisme, pas bouger le corps, pas le ressentir, etc. Et à chaque fois qu’on essayait de le faire bouger, ça mettait le système nerveux en péril, enfin ça nous faisait péter les plombs, quoi. Parce qu’on sentait le corps et donc si on sentait le corps c’était dangereux et tout ça. Et on a trouvé des techniques, en fait, pour pouvoir accéder, quand même, à faire un peu d’exercice physique, pour maintenir le corps, de la marche et tout ça. Et des techniques pour calmer le système nerveux. C’est après avoir fait le sport, c’est on se pose un bon moment, avec les mains au niveau derrière la tête, quoi. On se force à prendre le temps de ressentir ce qui se passe et de calmer tout le bazar, quoi. Donc c’est trouver un équilibre entre faire bouger le corps, mais que ça ne nous stresse pas trop et petit à petit, ça commence à rouler pas mal, quand même.
[Atoll] Je vois qu’en fait, on met tous·tes en place plein de stratégies, quoi. Plein de choses pour essayer de vivre à la fois avec tout le monde qu’y a dans notre tête et le corps qui va avec. Je trouve ça super intéressant, en fait, de voir comment on gère tout ça.
[Mirah] C’est ça, ça nous oblige à trouver des façons de faire, quoi, pour pouvoir, que ce soit plus confortable et et c’est bien.
[Kara] Ouais.
[Atoll] Ouais, je trouve qu’on fait tous du bon boulot. On devrait s’auto féliciter plus souvent. [rires]
[Kara] Je suis d’accord. Et je suis pas sûr, mais peut être que je me trompe, que ça aurait été possible avant la prise de conscience, de mettre des choses en place efficace qui tiennent dans le temps. J’ai l’impression que tous les efforts que j’ai essayé avant, ils étaient arrêtés, ce qui est toujours le cas, mais vu que maintenant ils sont arrêtés par quelqu’un qui est conscientisé, on peut en discuter et on peut trouver des adaptations et on peut réajuster. Qu’avant, juste, c’était l’impulsion de quelqu’un de A qui a été stoppé par quelqu’un de B et juste ça s’arrêtait là. Il n’y avait pas de possibilité de réflexion.
[Mirah] Oui.
[Atoll] Mais complètement.
[Kara] Voilà. Donc ça c’est vraiment un truc cool que la prise de conscience a apporté, de pouvoir faire des changements durables, j’ai l’impression.
[Atoll] Oui. Avant, je me disais « Mince, mais je suis quelqu’un de pas constant. J’ai aucune volonté. Je ne suis pas capable. » Parce qu’en fait, oui, il y avait, voilà, un alter qui décidait que ça, c’était hyper important et qu’on allait faire comme ça. Et donc, pendant une semaine, deux semaines, je mettais en place une routine, quelque chose qui me faisait du bien aussi et puis patatras, ça s’effondrait. Je comprenais pas pourquoi et c’était extrêmement frustrant. Et puis du coup, super mauvais pour l’estime de moi et l’estime de nous.
[Kara] Oui, je suis tout à fait d’accord.
[Mirah] Pareil.
[Atoll] Et maintenant de pas savoir en fait, que c’est partagé entre plein, plein de versions de moi, en fait, ça me permet mieux d’accepter aussi. De me dire OK, je veux pas juste me taper dessus parce que j’ai pas réussi et juste essayer de comprendre pour qui c’était important ? Moi. Pour qui c’était moins important ? Pourquoi ? Et essayer de trouver quelque chose qui arrange un peu tout le monde, même si c’est pas toujours facile. [rires]
[Mirah] Oui, c’est ça pareil. Il y a plus de conciliation entre les personnalités. Avant, c’était comme ce que tu disais, pendant trois semaines, t’arrives à faire quelque chose et puis hop, après ça ne veut plus. Et manque de volonté, manque de tout ça. Et finalement, le diagnostic et la prise de conscience et la communication entre les personnalités, ça permet de médiatiser les objectifs. C’est à dire, « OK, tu ne veux pas faire ça ? Pourquoi ? Tu veux pas faire ça à cause de ça ? Bon, bah OK, aujourd’hui, on le fait pas pour te faire plaisir, par contre, demain, on fait un petit effort, d’accord ? » Et là ça avance vachement mieux. Pour nous, c’est plus fluide.
[Kara] Est-ce qu’il y a d’autres trucs qui ont changé en bien depuis votre prise de conscience pour vous ?
[Mirah] L’estime de soi, l’amour de soi. Parce qu’avant, je me pensais dingue et là, du coup, je suis pas dingue. Je sais pourquoi je suis comme ça et donc ça me permet de mieux m’aimer. Et enfin, quand je dis m’aimer, c’est d’aimer tout le monde, tout ce que je suis, quoi, toutes mes personnalités.
[Atoll] Moi, ce qui m’a permis- j’avais beaucoup l’impression d’inventer, d’être en train de faker en fait. Comme je changeais, y compris d’émotions très très facilement, ça pouvait être un effondrement total, depuis j’ai compris qu’en fait, c’était des shutdowns ou des meltdowns autistiques, parce que voilà. Mais ces moments de crises d’anxiété majeure que j’ai très fréquemment, je comprenais pas comment c’était possible que je puisse être au fond du trou et en un claquement de doigt, parce que c’est l’heure d’aller chercher les enfants, ou parce qu’il y a telle ou telle chose hyper importante à faire, je- enfin ouais, switch en fait, maintenant j’ai compris. Mais à l’époque, je ne comprenais pas comment je pouvais clac, en un claquement de doigts, changer complètement de façon d’être, de caractère, de même plus me comprendre, pourquoi j’étais dans cet était-là et l’intensité de ce que je ressentais quelques secondes avant. Et voilà, et être en état de fonctionner pour assurer les trucs à faire. Et c’était quelque chose qui était très compliqué au niveau de ma légitimité à être moi parce que je me disais: mais en fait, je suis en train d’inventer, je me fais- je joue une comédie, voilà, je comprenais pas en fait ce qui se passait. Et maintenant, de pouvoir mettre des mots, parce qu’en plus, avec la prise de conscience, est venue la communication entre une partie des alters, pas avec tous, mais en tout cas une bonne partie maintenant, il y a communication, voire communication quasi-permanente avec quelques-uns. Et ça, ça a vraiment aidé. Et autre chose qui est lié à ça, qui a vraiment aidé, c’est de me dire je suis jamais toute seule. Et comme l’angoisse de solitude est quelque chose de très, très, très présent, l’angoisse d’abandon, de rejet, ce genre de choses, de me dire quoi qu’il arrive, on est ensemble et on fonctionne ensemble. Et maintenant, ça fonctionne à peu près bien quand même. Ça fonctionne de mieux en mieux et on se soutient les uns les autres. Ben c’est hyper- C’est vraiment quelque chose qui réconforte beaucoup d’entre nous.
[Kara] Je suis vraiment d’accord avec tout. Je relate vraiment fort et je dirais que, aussi, ça m’a permis de mieux définir des limites pour se respecter et du coup de mieux les respecter. Je sais pas si c’est très clair, mais vu qu’avant il n’y avait pas de communication, il n’y avait pas ni les mêmes attentes, ni, même au-delà des attentes, y avait toujours ce truc d’aller trop loin, soit pour faire plaisir, soit parce que la société a dit que c’était comme ça qu’il fallait le faire, mais du coup de ne pas respecter ses limites et émotionnelles et corporelles, etc. Et ça, ça a vraiment été amené par la communication et cette déconstruction de, comme je disais avant, du non, on aura pas la vie tradi qu’on pensait qu’on aurait et c’est ok. Voilà. Et du coup ben je regrette pas du tout d’avoir pris conscience en fait. Je- Qu’on soit clairs, dans un monde idéal, je préfèrerais ne pas avoir de traumas. Mais c’est pas être multiple mon problème, c’est pas qu’on soit plusieurs qui me pose problème au quotidien, c’est les traumas et les troubles associés aux traumas.
[Mirah] Pareil.
[Kara] Mais la prise de conscience en soi, ça a vraiment amélioré mon quotidien. Parce que les inconvénients et les troubles associés, je me les payais déjà avant la prise de conscience, juste, maintenant, il y a une espèce d’explication, mais pas qu’une explication sur pourquoi, genre pourquoi j’agis comme ça. Mais, tu vois, tu dis au moins on n’est pas seuls, et en plus même d’être pas seuls, moi je trouve que je sais- ça m’a permis de conscientiser que j’étais capable, pas de tout faire mais vous avez compris dans l’idée, parce que je peux savoir qui sait faire quoi mieux- Je sais mieux savoir qui sait faire quoi, qu’avant j’avais peur parce que je- il y avait ce côté trop changeant. Je savais jamais avant de réaliser une tâche si aujourd’hui j’allais pouvoir la faire ou pas. Maintenant, je sais un peu mieux anticiper et donc j’ai plus confiance dans mes capacités, dans nos capacités.
[Atoll] Oui, complètement. Je trouve que autant individuellement, il y a énormément d’alters qui ont un gros, gros manque de confiance et d’estime, autant certains pas du tout. Et ça aide tous les autres. Et puis, le fait d’avoir conscience de nous et d’échanger ensemble et de se soutenir, ça fait une sorte de cohésion en fait et de, ouais, de soutien en fait.
[Kara] Tout à fait.
[Mirah] Une collaboration.
[Atoll] C’est ça, une collaboration. Et c’est plus facile, enfin ça a toujours été beaucoup plus facile pour moi d’être en empathie et en compréhension avec les autres, tandis qu’envers moi-même, c’est quelque chose d’extrêmement difficile, je suis très, très, très peu- Je suis très exigeante envers moi-même et très peu douce envers moi-même. Et de prendre conscience que il y avait d’autres personnes en moi et que c’était des personnes en fait, qu’elles avaient le droit de vivre et d’exister, ça m’a permis aussi d’être plus douce envers ces parties-là. Donc, il y a beaucoup d’alters qui, quand ils sont au front ou en coconscience, ont du mal à être doux et douces envers elleux-mêmes. Mais avec les autres, ça va à peu près. Et puis ça a amélioré les relations aussi. Que chacun ait le droit d’exister, ça a amélioré les relations entre nous. J’avais un alter qui était clairement persécuteur, très froid, qui était hyper dur à vivre, mais depuis toujours, depuis aussi loin que je me souvienne. Et dès qu’il s’est brutalement montré comme existant vraiment, avec son nom et tout ça, eh bien, c’est devenu un super allié. Et en fait, il n’a plus du tout, du tout, ce rôle persécuteur que j’avais jusque là, qui était pour moi une voix dans ma tête, qui jugeait qui caractérisait tout ce que je faisais, qui trouvait que je faisais pas de la bonne façon. Et en fait, depuis qu’on discute, on trouve des solutions ensemble et du coup, la relation a totalement changé.
[Mirah] Pareil!
[Atoll] Et pareil, pour des alters qui auraient choisi des vies- qui, à part certains à certains moments, nous ont fait vivre des vies très différentes, qui là actuellement se sentent totalement coincées dans la vie actuelle qu’on a et que jusque-là j’écoutais pas et juste je subissais quand elles étaient au front, tout ce qu’elles ressentaient, ce qu’elles vivaient, à quel point c’était- ça leur correspondait pas. Maintenant, de savoir qu’elles existent vraiment, qu’elles ont le droit aussi d’avoir leur façon de voir les choses, on essaie de trouver des solutions. Alors après y a des choses irréconciliables et effectivement, pour moi, le souci principal, ce n’est pas la multiplicité, c’est plutôt les traumas, les chocs et tout qui ont engendré la multiplicité. Mais en tout cas, actuellement, la multiplicité est aussi un souci parce que je suis dans une période où ça fait plusieurs mois où j’aurais besoin, une partie de mes alters aurait besoin de changer nos conditions de vie, nos conditions relationnelles, etc, et en fait on ne peut pas. Juste, on est bloqués parce qu’une partie des alters ont immensément besoin du cadre actuel et d’autres en ont immensément horreur et auraient vraiment, vraiment besoin de changer de façon de vivre. Et on n’arrive pas à concilier quoi. Donc ça prend du temps et c’est très frustrant pour tout le monde et pour le moment du coup on bouge pas. Donc la multiplicité- mais la majorité du temps, la prise de conscience de la multiplicité dans tous les cas, est positive.
[Mirah] Oui, surtout par rapport au persécuteur comme tu disais. Au début, nous, on avait très peur des persécuteurs et même qu’ils frontent par rapport aux personnes qu’on pouvait rencontrer. Et depuis peu, on va dire, depuis quelques mois, on se rend compte que le fait d’avoir mieux communiquer, eh bien qu’ils sont là pour protéger et du coup, on a moins peur. [Atoll] Oui, je pense que la peur c’est surtout- je pense que ce n’est pas trop faux cette phrase un peu de sens commun qui dit qu’on a peur de ce qu’on ne connaît pas. J’avais toujours eu peur de ce qu’il y avait à l’intérieur de moi. C’est quelque chose qui était vraiment présent, mais depuis tout, tout, d’aussi loin vraiment que je me souvienne quoi. De peur d’un truc sombre en moi et tout. Et plus je creuse et plus je comprends et plus on communique et moins j’ai peur. [Kara] Oui, pareil. Enfin, moi, j’étais dans le déni du déni du coup, moi, je n’avais pas conscience qu’il y avait un truc potentiel- je n’avais pas conscience qu’il y avait un truc en moi mais je ne voulais pas rester seul. J’aurai- je disais: je préfère être mal accompagné que seul. Ce qui est quand même extrêmement triste. Mais j’aurais- enfin c’est pas j’aurais, c’est je faisais tout pour qu’y ait toujours quelqu’un chez moi, pour être toujours avec des amis, pour aller à 15 000 endroits. Même les trajets en voiture, j’appelais tout le temps quelqu’un avec un kit mains libres, mais j’appelais tout le temps quelqu’un pour pas être seul avec moi-même. C’était trop flippant. Je ne faisais pas ça. C’est plus du tout le cas. Maintenant, je n’ai plus du tout de problème à faire des trajets en voiture seul. [Atoll] Il y en a qui me disent qu’ils se reconnaissent beaucoup, beaucoup là-dedans. Il y a des parties de nous qui sont encore vraiment beaucoup là-dedans. Ce truc remplir, remplir, remplir, pas être seule, pas être tout seul.
[Kara] C’est ça.
[Atoll] Pas toustes mais beaucoup ouais.
[Mirah] Nous, c’est vraiment l’inverse, quoi. Et presque même des fois, d’être avec du monde, ça nous dérange parce qu’on ne peut pas être entre nous.
[Kara] Depuis toujours?
[Mirah] Ah oui, oui. Depuis toujours. La phobie sociale quoi. Elle a été très présente. Alors avant, plus jeune, beaucoup moins, surtout à l’époque où j’étais en couple. Là, le fait d’avoir la sensation d’être protégée par mon mari à l’époque, ça nous permettait de pouvoir sociabiliser, on va dire. Mais j’avais quand même vraiment beaucoup, beaucoup, beaucoup de mal. Et c’est vrai que des fois, enfin c’est souvent, moi mes personnalités elles me le disent clairement: on s’ennuie avec les autres, on préfère rester ensemble. Et quand je dis les autres, c’est les humains, quoi Et c’est dur, c’est vraiment dur de sociabiliser. Et à côté de ça, il y a quand même des personnalités qui adorent discuter, comprendre- en fait parler aux humains pour comprendre leur fonctionnement dans l’esprit, dans les comportements, etc. Donc ça, ça va nous plaire. Mais si on se retrouve avec des gens qui parlent de la pluie et du beau temps ou des derniers trucs qu’ils se sont achetés, on s’ennuie vraiment et intérieurement, ça râle, ça râle et ça dit ouais, on serait mieux sans eux, quoi. Et puis toujours cette insécurité permanente, en fait liée à l’autre.
[Kara] Je relate à fond, avant je pensais ça, mais je ne pouvais pas m’empêcher. C’était mieux, c’était quand même mieux qu’être seul. Et maintenant, ça a vraiment changé, mais après, j’ai vraiment changé la qualité de mes relations aussi et fréquenter des meilleures personnes, ça change vraiment tout.
[Atoll] Ah oui, ça c’est clair. [rires]
[Kara] Et du coup, est ce que vous osez en parler ? Est ce que vos proches sont au courant de votre multiplicité ? Est ce que si vous rencontrez de nouvelles personnes, vous en parler ou est ce que ça reste compliqué ? Qu’est ce que vous faites ? Comment vous gérez ? Et avec les anciennes personnes et avec les nouvelles personnes ?
[Mirah] J’y vais ou t’y vas ?
[Atoll] Vas-y, Mirah, vas-y.
[Mirah] OK. Alors, moi c’est vite fait, parce que dans mon entourage, y a mon fils. Donc lui, il a été au courant dès que moi j’ai été au courant, donc on peut en parler sans problème. Après, pour ce qui est de l’extérieur, comme nous on n’a pas de connaissances, de truc comme ça, donc on n’en parle pas. Mais si on a la chance de rencontrer des humains et de pouvoir communiquer avec eux, c’est toujours dans un cadre précis et à ce moment là, la personnalité qui est au front pour ce genre de choses est capable de dire « Bah oui, on a une multiplicité, ça se passe comme ça » et on peut faire référence justement aux traumas qu’on a et aux schémas qui se mettent en place, etc. Mais jusque là, j’ai essayé, si, avec le voisinage. Ca fait deux ans que j’habite là où je suis et j’ai essayé, par exemple avec mon voisin, d’en parler, quand je me suis senti assez à l’aise. Mais c’est compliqué, parce que l’autre en face comprend pas forcément. Et puis du coup, on a pas envie de rentrer dans les détails. Et puis, c’est tellement rare de faire un café, de boire un café avec le voisinage, qu’on préfère rester seul, en fait. C’est encore un challenge d’apprendre à s’ouvrir, mais du coup, on n’a pas tellement la possibilité d’en parler, hormis sur YouTube ou là, on en parle. Mais voilà, sinon, c’est tout quoi. Au niveau de cette expérience de dire « on est multiples ».
[Atoll] Et tu veux en premier, Kara ?
[Kara] N’importe ! D’accord ! Donc nous, avec les vieilles personnes, dans le sens les personnes avant la prise de conscience, c’est compliqué. Et il y a encore beaucoup de gens qui sont pas au courant ou qui sont partiellement au courant. En fait, qui pourraient être au courant s’ils voulaient un peu réfléchir, mais parce que les gens ne le font pas et qu’ils ne le font pas. Mais à côté de ça, je ne le dis pas ouvertement non plus. Donc voilà. Et donc, ces gens là, je fais juste rien, en fait. Je ne le dis pas, mais je ne démens pas non plus. C’est un espèce de truc en suspens « Est ce qu’ils savent ce qu’ils savent pas ? » Je ne sais pas trop. Voilà. Et il y a, à part ça, il y a quelques personnes qui sont pas au courant de Partielles du tout, mais c’est vraiment des gens assez éloignés. Ça n’aurait aucun intérêt de leur dire, je leur dis pas plus, je leur parle pas plus de la multiplicité que n’importe quoi d’autre, donc voilà. Et à part ça, pour les nouvelles personnes, on essaye vraiment, l’idée de base, le leitmotiv, c’est de ne plus relationner, que ce soit amicalement ou pas, avec des personnes qui ne sont pas capables de comprendre qu’on est plusieurs. Et de pas se faire de mal à tisser un lien pour au final être déçu, parce que ça nous semble plus possible de ne pas être ouvertement multiple. Mais covid oblige, ça c’est essentiellement passé en ligne et vu qu’en ligne on est que dans des communautés chouettes et de multiples, ou en tout cas de neuroatypiques, ça a jamais posé de problème. On n’a pas encore rencontré de nouvelles personnes IRL, dans notre ville, ou quoi. Du coup voilà, donc ça c’est la théorie et j’espère que dans la pratique, j’y arriverai, mais ce n’est pas encore arrivé. Voilà.
[Atoll] Et moi, ça dépend des cercles. Donc, quand j’ai eu ma prise de conscience, j’ai eu plusieurs semaines/mois de renseignements intensifs, voilà. Tout ce que je voyais sur le sujet, je lisais, etc. Et c’était une période un peu compliquée avec mon compagnon, en plus, à plein de niveaux. Et je venais, enfin j’étais en cours, enfin je venais d’avoir mon diagnostic d’autisme et je me disais mais je peux pas lui parler de ça aussi. Il va me dire que je délire complètement et il va pas me croire et pas lui en parler en fait. Et puis, quelque temps après, par petites touches, il y a une de nous qui a décidé de lui en parler un petit peu, juste un petit peu. Et en fait, il a hyper bien réagi. On a été, en fait, on ne s’attendait pas à ce que juste il l’accepte totalement normalement comme ça. Et ça lui semblait juste totalement logique. Et en fait, c’est parce que lui aussi, en fait, il y a une forme de multiplicité qui est moins catégorisée, délimitée que la nôtre, quand même. Parce que nous, il y a vraiment des personnes différentes et c’est très manifeste à pleins de moments, tandis que lui n’a pas ce sentiment là. Mais par contre, il y a plusieurs lui même, quoi. Et donc pour lui, c’est juste un fonctionnement normal. Et pour lui aussi, tout le monde fonctionne comme ça. Donc quand on lui parle de ça, c’était juste un cran au dessus de ce qu’il vivait, quoi. Donc c’était pas un soucis, en fait. Et du coup, il accepte vachement bien, en fait, notre multiplicité. J’étais, en fait, c’était pas du tout ce à quoi je m’attendais, alors qu’en plus c’est quelqu’un de tolérant et tout ça soit plein de choses, juste, je pensais que ça allait poser des soucis, en fait, pas du tout. Et même il s’amuse à troller différents alters et à nous faire réagir. Et c’est très très rigolo, parce qu’en fait, y a une interaction qui se fait avec pas mal d’alters, en fait. Il y en a plusieurs avec lesquels il n’y a pas vraiment d’interaction parce qu’ils sont plus- ils sont quasiment jamais au front. Mais voilà, il y a des petits moments de bugs et de blagues et de rigolades ensemble sur ces sujets là, donc c’est vraiment chouette. Mes enfants sont encore petits, donc je leur en parle pas. Je pense que j’aurais aucun souci à leur en parler quand ils seront plus grands. S’ils ont envie d’en discuter, il y aura pas de soucis pour moi. Par contre, ma famille n’est pas au courant. Aucun membre, que ce soit IRL, en fait, personne n’est au courant ou presque, je pense. Dans les gens que je vois fréquemment IRL, mes amis proches, tous mes amis proches sont au courant, y compris ceux que je vois, celleux que je vois de temps en temps, IRL, voire beaucoup. Mais l’entourage moins proche, non. Mon entourage moins proche, j’me le sens pas, ouais, je me le sens pas. Je pense que, je suis assez militante sur plein de choses, sur mon féminisme, sur l’autisme. Et donc ça déjà c’est une bonne façon de checker les relations, je trouve. [Kara] C’est déjà un premier tri. [Atoll] C’est ça, c’est déjà un premier tri et je ne ressens pas, enfin, pour le moment, en tout cas, on ressent pas trop le besoin d’affirmer notre multiplicité à tous les niveaux, quoi. Enfin, avec tous les cercles sociaux. Par contre, en ligne, oui, il n’y a pas de souci sur des communautés, que ce soient des communautés de personnes multiples, mais aussi d’autres communautés, des communautés de personnes autistes ou autres, c’est quelque chose que j’assume bien et j’en parle et quand il y a des personnes qui se posent des questions, je donne des ressources, on discute, enfin voilà. Donc voilà, ça dépend. Mais globalement, les personnes importantes sont au courant. [Kara] OK. Ouais, que moi, vraiment, il y a des amis IRL, enfin, je vous dis, il y a des gens à qui je parle quasiment tous les jours, qui juste ne font pas le lien. Oui, c’est ça. Au départ, après la prise de conscience, il y a eu cette part du « Mais maintenant que moi je sais, ça veut dire que tout le monde va le savoir. » Comme si c’était un truc hyper visible, et donc il y avait vraiment beaucoup de masking et de contrôle, vraiment à ce moment là. Mais maintenant, plus. Je suis, à mon avis, aussi switchy qu’avant la prise de conscience, mais ça a toujours été normal pour ces proches. Et donc juste, non, enfin, voilà. Personne, personne ne fait le lien, mais tout le monde me dit « Super chouette ta vidéo de dimanche. » Du coup, voilà ! [rires]
[Atoll] Sur cette question d’en parler, pas en parler et tout, il y a des personnes dont je suis moins proche, voilà, des connaissances, des potes, des choses comme ça, avec lesquelles il y avait pas trop d’enjeu, parce que pas des gens que je croise régulièrement, voire que je croise jamais, parce que c’est des gens que j’ai rencontrés à un moment donné, puis qui sont ailleurs en France, ou autres, à qui j’ai envoyé, par exemple, la vidéo de Partielles sur le coming out, j’ai fais le test avec deux relations, de leur envoyer la vidéo, de leur dire « Après, voilà, si t’as des questions, c’est OK. » Et c’est chouette, j’ai trouvé ça, j’ai trouvé que c’était une bonne expérience de faire ça comme ça, parce que du coup, la personne elle est tout de suite dans : « Qu’est ce que c’est ? » Et, enfin ça pose et ça évite de dire le soi même et de répéter, en fait. Et c’était assez confortable pour des relations style connaissances, quoi. [Kara] C’était vraiment le but et c’est cool que ça ait marché pour vous. [Atoll] Par contre, il y a des personnes, genre ma famille, non pas la famille que j’ai construite, pas mon compagnon, mes enfants, mais ma mère, mes frères, mon père. Ils seront sûrement jamais au courant, en fait. Je pense que je leur dirai absolument jamais. [Kara] Du coup, merci beaucoup à toutes les deux et plus, d’avoir participé à ça avec moi. Juste pour conclure, est ce que vous avez un conseil, un truc à dire pour toutes les personnes qui seraient au début de ce cheminement qui, avouons le, est vraiment une période vraiment chiante et compliquée, de début de prise de conscience, encore plus à l’âge adulte, quand on croit que sa vie est tracée et en fait, pas spécialement. [Atoll] Moi, j’ai envie de dire « Tu n’es pas seul·e. Dans ta tête, d’accord, tu n’es pas seul·e. Mais tu n’es pas seul·e aussi à l’extérieur, quoi. Il y a d’autres personnes qui vivent les choses de la même façon, en tout cas d’une façon approchante. Il y a des communautés, il y a des ressources, il y a des endroits où creuser, où échanger sur ces sujets. » Et moi, c’est vraiment une des choses qui m’a fait le plus de bien dans les mois suivants.
[Mirah] Et moi, ce que je pourrais dire, c’est surtout ne pas hésiter à demander de l’aide, à oser parler et puis après, aussi, d’un point de vue travail personnel, c’est pas hésiter d’utiliser tout ce qui est possible pour arriver à comprendre son système, ses personnalités, tenir des cahiers, faire des listes, faire des vidéos, des enregistrements ou ce genre de chose, quoi. Et puis aller voir des professionnels sur le sujet, quoi. Et quand je dis professionnel, c’est pas forcément des psys, c’est, moi je sais que Partielles m’a apporté énormément. Et sur Internet aussi, j’ai écouté des vidéos de Muriel Salmona qui m’a permis de comprendre des choses hallucinantes, quoi. Et ça aide, ça aide.
[Kara] Oui, je suis tout à fait d’accord. Et moi, j’ai envie de dire, même si les récits qu’on entend sur Internet sont essentiellement rapportés par des personnes plus jeunes, c’est juste parce qu’Internet est un truc qui touche plus les jeunes. Mais on peut prendre conscience à n’importe quel âge et il n’y a pas de mauvais âge pour prendre conscience. J’avais 27 ans et vous aviez plus de 30 ans et plus de 40 ans et c’est OK. Et il y a des gens qui découvrent leur multiplicité en étant à la retraite, parce qu’ils n’avaient pas eu le temps d’y penser avant et qui ont des prises de conscience à 70 ans et c’est OK. Et voilà. En fait, on a plein de choses à apprendre les uns les unes des autres, quel que soit l’âge. Et il y a des récits de gens plus vieux, ça existe, juste c’est moins visible.