Dans cette participation, les troubles de l’humeur seront abordés dans le prisme de la multiplicité (le TDI pour notre part). Au travers de notre prise de parole, on souhaite monter que la multiplicité peut se mélanger avec un trouble de l’humeur, et que les deux ne sont pas incompatible. En espérant que cela aidera d’autres personnes en questionnement, ou à déculpabiliser de la vie avec ces troubles de l’humeur.
Diagnostic, trouble de l’humeur et trouble psychotique, récit de psychose et de reviviscence traumatique, bipolarité et schizo-affectivité, mention de scolarité, professionnel de la santé, traitement médicamenteux et effets secondaires, conduites à risques, crise suicidaire, mention de pensée suicidaire, phase dépressive et maniaque, auto-traumatisassions et traumatisme, crise d’angoisse, hallucination, mention de harcèlement.
Transcription écrite:
Bonjour à tous, Nous sommes un système TDI appelé Ambroisie. Le corps a 21 ans, et nous sommes étudiant(e)s en master. Nous souhaitons ici aborder le thème des troubles de l’humeur et précisément vivre avec un trouble de l’humeur en étant multiple, étant donné que cela nous concerne directement. On va vous partager notre expérience. Ce n’est donc pas une vision globale, mais bien notre expérience. Mais ça peut peut-être aiguiller d’autres personnes. Notre participation va se développer en trois axes. Le premier, dédié à notre expérience, et le diagnostic. Ensuite, sur comment ça impacte notre système et conclure sur les hallucinations dissociatives et psychotiques. Pour vous poser le contexte, nous avons été diagnostiqué par un centre expert bipolaire. Ils ne savent pas exactement si nous avons “juste”, entre guillemets, un trouble bipolaire de type 1 ou alors un trouble schizo- affectif de type bipolaire. Mais ce qui est clair, c’est que nous avons un trouble de l’humeur. Je vais expliquer rapidement ces deux troubles pour les personnes qui les connaissent mal ou pas du tout, car on entend beaucoup de choses à ce sujet. La bipolarité est un trouble de l’humeur chronique. Elle se caractérise par une alternation de phase dite maniaque et de phase dite dépressive. Le tout, lors de ces phases, peut être accompagné de symptômes psychotiques en phase aiguë de la maladie. La différence principale avec le trouble schizo-affectif de type bipolaire et que ce trouble associe des symptômes d’un trouble bipolaire et des symptômes d’une schizophrénie. On ne sait pas nous préciser exactement le trouble de l’humeur que nous avons. Donc on va utiliser comme terme “trouble de l’humeur avec symptômes psychotiques”. Comme ça, nous ne nous trompons pas. Nous allons vous parler un peu plus de nous, pour que vous compreniez mieux comment on a fini dans un centre expert. Très jeune, on a très vite compris qu’il y avait un problème. Dès notre plus jeune âge, on a toujours été dans un état qualifiable de dépression. Non diagnostiqué à l’époque, jusqu’à nos années fin lycée où on a pu souffler un peu. On a commencé à avoir des “délires” petite, des voix, des formes, des ombres, des silhouettes, l’impression d’être observé, suivi. On a dû faire un long travail pour différencier, entre autres, les symptômes dissociatifs et les symptômes psychotiques. Cela n’a alerté personne dans notre entourage. On a commencé à prendre peur au collège avec les hallucinations visuelles. On a donc osé en parler à notre mère en lui notifiant qu’on ne voyait que des ombres. On ne voulait pas forcément trop l’inquiéter. Résultat elle nous a emmené voir un ophtalmologue qui n’a évidemment rien trouvé. Et donc la conclusion a été qu’on n’avait aucun problème. En résumé, on a vécu la majorité de notre vie dans un état dépressif, accompagné de symptômes psychotiques. On a osé, sous l’impulsion de notre cousine et de notre copain, à aller voir une psychologue au service de santé universitaire. Dès la fin du premier rendez vous, elle nous a notifié le fait qu’elle allait transmettre notre dossier à une collègue médecin pour nous rediriger vers un psychiatre. Lors de ce rendez vous avec le médecin, toujours du Service de santé universitaire, on nous a directement parlé de schizophrénie. On n’a pas interrogé nos variations de l’humeur, ni une potentielle multiplicité. Pour elle, hallucinations = schizophrénie. Alors que c’est bien plus complexe que cela. On a été redirigé vers un psychiatre, celui ci nous a mis sous paroxétine, qui est un antidépresseur fréquemment donné car on était dans un état de détresse assez significatif. Le seul hic, c’est qu’on ne savait pas que nous avons un trouble de l’humeur. Forcément, quand on met une personne avec un trouble de l’humeur sous anti-dépresseurs, un virage maniaque peut arriver. Et pour nous, la manie est arrivée. Notre infirmier de l’EIPP qui est l’équipe d’intervention précoce dans les troubles psychotiques, a commencé à nous suivre durant la même période, a su déceler la phase maniaque car c’est un suivi régulier que nous avons avec lui. Toutes les semaines, nous nous voyons et il a vu notre évolution de l’humeur. On a dû rester environ deux mois sous paroxétine, on augmentait, donc progressivement la posologie. Puis on a commencé à de moins en moins dormir, à de moins en moins manger, jusqu’au moment où on dormait 5 h en deux jours environ. Et on a commencé à vouloir se lancer dans plein de projets artistiques, scolaires, etc… Des engagements qu’on ne pouvait finalement pas tenir et des modifications corporelles impulsives également que nous faisions seul(e). Donc piercing, tatouage,… Forcément, ça avait un grand risque d’infection. Et avec tout ceci, il y avait jumelé une grande consommation d’alcool et de drogue. On se croyait littéralement capable de tout faire vraiment. On avait l’impression d’avoir un don, une force innée que rien ne pouvait nous atteindre. Nos pensées étaient comme accélérées, on coupait la parole de beaucoup de monde et enfin, on ne s’est jamais senti aussi bien. Jusqu’au jour où, après un rendez vous avec notre infirmier, il nous rappelle l’après midi pour nous dire d’arrêter d’un coup l’antidépresseur sous la directive de notre psychiatre, car là selon les deux, ça n’allait plus du tout. Ce que nous avons fait volontairement car on se croyait plus malade tellement on allait bien. Donc pour nous, plus besoin de médicaments. Forcément, en arrêtant d’un coup, on a eu le revers de la médaille. Quatre jours après l’arrêt environ chez notre copain, on a fait une grosse crise su*cidaire et hallucinatoire. On a donc fini aux urgences psychiatriques de sa ville. Et là bas, on nous a prescrit de la rispéridone et du théralene pour dormir, car du coup, on dormait plus. Le petit “fun fact”, c’est que le psychiatre de garde que nous avons rencontré là bas avait compris pour notre multiplicité. Avec le recul, on se rend compte qu’il nous avait donné des techniques d’ancrage et des conseils sur comment vivre avec la multiplicité. Mais on n’avait pas du tout compris. Sur le coup, le résultat du traitement, c’est que ça n’allait clairement pas. Ça nous a déréglé nos hormones. On s’est retrouvé avec un mois de règles complet. Je faisais des choses que je n’aurais jamais fait avant et enfin, nous dormions au moins seize heures par jour. Ça a été vraiment un calvaire. Quand on est rentré voir notre psychiatre, il a directement mis un stop au traitement et on a commencé un régulateur de l’humeur et antipsychotique qui est l’ Abilify. A la suite de cet épisode, il nous a redirigés vers un centre expert bipolarité et c’est là qu’on nous a diagnostiqué un trouble de l’humeur. Au début, à l’annonce du diagnostic, on ne mesurait pas la portée de la chose. Puis après est venu une longue période de mal être à comprendre que ce serait à vie et que les prises médicamenteuses se feront quotidiennement. Ce qui est un peu déprimant pour être honnête. Mais malgré tout, on est content d’avoir décelé ça plus tôt car ça aurait pu être dramatique plus tard. Quant au diagnostic de TDI, c’est venu naturellement à force d’être en entretien avec notre psychiatre, le sujet est tombé vraiment naturellement. Il a commencé par nous dire que ce qu’on décrivait ressemblait à ce trouble avant de finir par nous le diagnostiquer. Nous allons maintenant aborder le quotidien, du moins comment cela impacte notre système. Ce trouble de l’humeur impacte notre système entier. Par exemple, en phase dépressive. Tous les alters sont touchés, mais j’ai remarqué en tant qu’hôte, que les fronts ne se faisaient pas par tous les alters. Et que ceux qui frontaient sont des alters de base avec déjà des émotions négatives qui leur sont rattachées. Par exemple, la dépression pour un de mes (nos) alters nommé Edouard. Mais je souligne le fait que tout le système est impacté. Et à contrario, en phase maniaque ou hypo maniaque, les alters qui front sont plus actifs et avec les symptômes d’une de ces phases. Plus de fatigue, plus de besoin de se nourrir ou le contraire. Plein de projets et une accélération de la pensée. C’est vraiment le corps qui passe d’un état à l’autre, pas juste un alter chez nous. Donc je ne dirais pas que des alters sont dédiés, du moins dans notre cas, à des phases, mais ils sont plus prédisposés à venir. Pour l’hôte, donc moi même, c’est très dur au quotidien quand je suis dans une phase de mon trouble, que ce soit la manie ou la dépression, ça me fait beaucoup culpabiliser par rapport au reste du système. J’ai l’impression de leur imposer ce trouble alors que pourtant j’ai conscience que ce n’est pas ma faute et que c’est le corps qui est comme ça. Mais je n’arrive pas à me sortir ça de la tête et vu que je suis là, la majorité du temps, c’est moi qui me retrouve à vivre vraiment les variations d’humeur ou les hallucinations, même si je ne suis pas la seule à les vivre, évidemment. En conclusion de cette partie, nous pouvons donc dire que non, les deux troubles ne sont pas incompatibles. Les switch d’humeur sont vraiment différents pour notre part, des switch d’alters. En fait, vu que ce sont des longues (plusieurs semaines) périodes de manie ou de dépression et que nos switch sont moins longs, sauf cas exceptionnels, on arrive à percevoir la différence. Alors sur le sujet du traitement médicamenteux pour le trouble de l’humeur, je dirais qu’il n’affecte pas vraiment le système. Du moins, nous ne percevons pas de changement avant ou maintenant, sachant que nous avons pris conscience de notre multiplicité après qu’on nous a mis sous ce traitement. Donc on n’a pas de point de comparaison précis. Je n’ai pas su trouver des chiffres sur la comorbidité entre multiplicité et troubles de l’humeur. Mais de ce que j’ai pu voir sur les réseaux sociaux, ce n’est pas si rare finalement. Avant d’aborder les hallucinations. On voudrait parler de l’auto-traumatisation lors des phases critiques de la maladie, ce qui peut modifier le système. Lors des phases maniaques, on peut par exemple avoir des comportements qu’on n’aurait pas en temps normal, des comportements à risque, de l’excès, de l’irritabilité et le sentiment de toute puissance, donc facilement, une fois qu’on redescend de cette phase, on se rend compte de ce qu’on a fait, ce qui peut facilement nous auto traumatisé de par nos actions et les situations dans lesquelles on se met, ou la réalisation de ces actions comme en dépression. Et je vais donc vous confier un exemple personnel. Lors de ma dernière hospitalisation pour des idées noires, violentes, et scénarisées. A cause des pensées que j’ai eu et des images mentales, des scénarios très détaillés. Cela a causé la création d’un nouvel alter, qui est une fictive qui est apparue pour nous solutionner le problème de ces idées noires. Tout ça pour vous dire que lors des phases, on peut s’auto traumatiser et cela peut causer des changements dans le système. Un sujet que je voudrais aborder et qui nous touche particulièrement, ce sont les délires qui viennent avec ces troubles. Et comment différencier des hallucinations dites psychotiques et dissociatives ? Il nous arrive encore d’être dans le flou et de ne pas savoir différencier les hallucinations dissociatives et psychotiques. Et c’est normal. Les délires chez nous surviennent quand nous sommes plutôt stressés et angoissés comme une période d’examens ou un impératif administratif. Lors de ces crises, notre esprit s’éloigne de la réalité et on peut avoir des hallucinations psychotiques comme dissociatives. Les deux peuvent se mélanger également. Nos hallucinations psychotiques ne concernent certes pas que moi dans le système, mais étant là, le plus souvent, c’est moi qui en est le plus. Elles sont très désorganisées et n’ont “aucun sens”, disons. Et surtout, elles ne sont pas vraiment rattachées à un souvenir traumatique. Pour vous citer un exemple pour les deux cas, les deux se sont passés à ma fac. La première fois que j’ai eu une crise à la fac, elle était psychotique. J’étais dans ma salle de classe. Puis, à un moment, j’ai commencé à faire une crise d’angoisse et j’ai commencé à entendre une voix qui ne provenait pas d’un de mes (nos) alters, me disant que quelque chose de grave allait se produire. Puis je me suis rentré dans la tête, finalement que la fac allait s’écrouler. J’étais persuadée que nous allons tous mourir écrasés. J’étais paralysée, je sentais le sol vibrer, des bruits suspects, etc Bref, une expérience “fun” à vivre. Et la seconde, encore moins “fun”, a été une crise de reviviscence traumatique qui avait le même début, finalement : une crise d’angoisse, puis une des alter qui commence à prendre le contrôle du corps. Et elle se répète en boucle “qu’il va arriver”. Puis ensuite, de la tachycardie commence. D’autres alters se manifestent dans notre tête, certains nous rassurent, d’autres en rajoutent une couche. On avait l’impression de revivre le harcèlement scolaire de l’époque qu’ils allaient arriver nous persécuter. Puis ça s’est mélangé avec d’autres souvenirs traumatiques dont on taira le fait de façon volontaire. Mais c’était affreux à vivre pour tout le monde. On voyait ces personnes de l’époque, on entendait leurs pas, leurs voix, on croyait être revenues au collège. Littéralement. Et comme hallucinations dissociatives plus “légère” entre guillemets, nous pouvons citer les voix que nous entendons de nos alters, comme des cris, dans l’épisode précédent, par exemple, notre protecteur principal dans des moments de crise qui nous rassure, ou encore on le voit physiquement dans la pièce avec nous, parfois. Tout ça pour dire que les deux peuvent coexister. Les hallucinations psychotiques et dissociatives, tout comme la bipolarité, le TDI ou la multiplicité, et les troubles de l’humeur en général. Vous n’êtes pas seul(e)(s) dans cette situation. Nous savons à quel point jongler entre un trouble de l’humeur et la multiplicité est complexe. Nous vous envoyons plein de bonnes ondes et de courage. On espère sincèrement qu’on n’a pas été trop brouillon dans nos propos et que c’était suffisamment clair pour vous. Merci de nous avoir écoutés. C’était le système Ambroisie. Passer une bonne journée.
Session présentée par:
- Ambroisie