Dans cette vidéo, on aborde le rôle de persécuteur-ice : explications et discussions.
Dans cette vidéo, on aborde le rôle de persécuteur-ice : explications et discussions.
Kara: Bonjour et bienvenue dans cette nouvelle vidéo de Partielles sur la multiplicité dont le TDI, présentée par Epsi et Kara. Attention: cette vidéo va aborder des sujets sensibles liés à la thématique des persécuteurs/persécutrices. Vous nous l’avez souvent demandé, on s’y met enfin: on va parler des différents rôles d’alters avec, dans la mesure du possible, une vidéo dédiée à chaque fois, sous forme d’explications, de discussions ou, comme ce sera le cas cette fois-ci, d’un combo des deux.
Epsi: Persécuteur/ persécutrice, qu’on va contracter par persécuteurice, est un rôle d’alter. Comme tous les rôles, il s’agit d’un terme qui sert à se comprendre, s’identifier et se faire comprendre mais il ne s’agit bien sûr pas d’un canevas strict. D’ailleurs, si le mot en lui-même vous déplaît ou déplaît à vos persécuteurices, n’hésitez pas à en utiliser d’autres. Si un mot, quel qu’il soit, est plus lourd à porter que sa simple définition, ça peut être bien d’en utiliser un autre pour être à l’aise. On utilise ce mot parce que c’est le plus connu et qu’on n’y met pas de connotation négative, mais on expliquera ça un peu après. N’hésitez pas à aller lire notre article sur les rôles pour en savoir plus sur cette grande notion qu’est le rôle des alters, on met le lien en description. Bref, persécuteurice, c’est un rôle qui peut désigner les alters qui agissent d’une façon, à première vue, disons dommageable ou hostile envers d’autres membres du système, envers le corps et/ou envers l’extérieur. Il peut par exemple s’agir d’alters qui blessent le corps, punissent d’autres alters, ont des paroles blessantes envers d’autres alters ou des personnes extérieures, mettent fin à des relations notamment avec des partenaires ou des thérapeutes, ont des comportements d’autodestruction, gardent ou retournent vers des relations abusives, etc…
K: Souvent, on interprète ça comme de la méchanceté, de la malveillance, on désigne les persécuteurices comme néfastes. En réalité, les persécuteurices agissent de cette façon par une forme de protection, d’elleux-mêmes et/ou du système, voire même de personnes extérieures. Ce sont généralement des alters qui ont intériorisé du rejet, de la colère, de la haine, du dégoût, de la peur, du regret ou d’autres sentiments négatifs, et qui ont développé des schémas d’actions, souvent involontaires, qui peuvent se présenter comme des impulsions incontrôlables, en réponse à ces ressentis. Persécuteurice est un peu une grande catégorie qui en regroupe plein d’autres, comme par exemple les perpetrators, qui sont plutôt des persécuteurices « hostiles », entre guillemets, envers l’extérieur. Et il est bien sûr possible d’avoir plusieurs rôles, donc par exemple: persécuteurice et gatekeeper ou même persécuteurice et hôte. Comme toujours, n’hésitez pas à aller vous perdre sur PluralPedia, où il y a des centaines de mots et de définitions, si vous avez envie de pouvoir vous définir avec plus de précision. Évidemment, pour les autres membres du système, et l’hôte en particulier quand il y en a un ou une, ces schémas de réactions peuvent être assez difficiles à vivre et donner envie de les repousser. Cependant, les repousser purement et simplement, ou les haïr, les ignorer ou les tourner en ridicule par exemple, ne fera qu’augmenter leurs sentiments négatifs intériorisés, notamment de rejet, et donc leurs comportements plus hostiles. Je sais: plus facile à dire qu’à faire parfois! C’est un travail mutuel mais vraiment, c’est possible. En effet, les persécuteurices sont généralement plutôt comme des protecteurices mais qui s’y prennent d’une façon ou avec une intensité inadaptée. Et ça peut prendre du temps mais iels méritent, comme tout-e autre alter, de la bienveillance et de la compréhension, qu’iels en aient conscience ou pas [rire].
E: Pour « aider », entre guillemets, à ce que les relations s’apaisent avec les persécuteurices, le mieux est toujours d’essayer de développer la communication via des moyens qui conviennent à toutes les personnes concernées, mais aussi de cultiver petit à petit la confiance et les compromis. Même si vous n’êtes pas d’accord avec la façon de penser ou d’agir des persécuteurices, essayez de comprendre à travers leur regard peut petit à petit désamorcer les situations et permettent d’enclencher un processus de confiance mutuelle et d’entraide. En gros, essayer de les comprendre et de leur accorder des espaces sécurisés où leurs comportements sont permis dans une certaine mesure peut leur permettre de décharger le surplus, d’être plus à l’écoute des besoins réels des autres alters et d’être plus soft, ce qui renforce votre confiance en elleux et leur permet d’avoir plus de libertés et donc de mieux décharger, de s’ouvrir, et ainsi de suite. Souvent, les persécuteurices doivent apprendre ou conscientiser que leurs schémas ne sont pas ou plus nécessaire, et qu’il y a d’autres possibilités aujourd’hui que ce qu’iels ont emmagasiné par le passé. Et évidemment, ça peut prendre du temps et demander des techniques qui ne viennent pas toujours à l’esprit au premier coup d’oeil. Les persécuteurices ont généralement, entre guillemets, « des capacités » propres qui peuvent être très utiles au reste du système, en particulier quand iels sortent de leurs schémas plus hostiles, ce qui peut en faire des protecteurices remarquables. Par exemple: iels peuvent être plus alertes et avoir plus vite conscience des risques, iels peuvent être plus efficaces pour contrôler des switches qui pourrait être stressants, iels peuvent avoir une meilleure conscience ou capacité de déplacement dans l’innerworld, iels peuvent avoir moins peur d’agir, faire preuve de plus de rationalité, etc…
K: Voilà, on espère que c’est relativement clair. N’oubliez pas de vous définir selon ce qui vous convient et définir les membres de votre système selon ce qui leur convient. Maintenant, place à la partie discussion.
Discussion avec A.
Kara: C’est pour ça qu’on est aujourd’hui avec A. du système d’Epsi. Et, bah vous allez voir, elle est pas très loquace, mais j’espère qu’elle va pouvoir un peu nous donner son point de vue sur comment ça s’est passé pour elle et un peu, sans rentrer dans les détails, toutes les étapes par lesquelles elle est un peu passée pour, j’allais dire « changer de rôle » mais moi je considère pas vraiment que c’est un changement de rôle, c’est plutôt un upgrade de rôle mais bref on s’en fout. Ok. Ben est-ce que tu veux dire quelque chose, genre est-ce que tu veux te présenter?
A.: [rire] Non.
K: D’accord. [rire] D’accord mais donc du coup moi je vais vous faire une petite présentation parce que sinon, ça va être compliqué. Donc c’est A., pronoms elle, et voilà, c’est vraiment, dans leur système- et on en a parlé avec les autres membres du système d’Epsi avant, enfin croyez pas que je parle contre leur consentement, on a eu une conversation en amont, on a préparé les questions en amont, et voilà. -Est vraiment leur persécutrice principale, en tout cas l’a été, et a vraiment eu un rôle important et beaucoup, beaucoup de moments de front qui font que, bah voilà, elle est un peu, elle a plutôt vraiment protégé au fur et à mesure des années plus qu’autre chose. Mais du coup, est-ce que tu te souviens de comment c’était quand t’étais ado et que tu étais pas encore du côté très protection de la force quoi?
A: Vaguement. Qu’est-ce que tu veux que je dise?
K: Ben, tu vois, pourquoi tu pensais qu’elle était nulle? « Parce que c’était le cas » n’est pas une réponse. [rires]
A: Parce que la façon dont elle gérait les choses ne me semblait pas être la plus optimisée.
K: Parce que, selon toi, y avait genre des moyens de se mettre plus en sécurité ou d’être plus productif ou des trucs que toi, tu valorisais comme importants quoi.
A: C’est ça.
K: Et à ce moment-là, vous communiquiez pas/très mal.
A: Ouais.
K: Et elle, est-ce que tu te souviens ce qu’elle pensait?
A: Elle avait peur, principalement.
K: Pour le contexte, elles étaient -et je dis « elles » parce qu’on parle de deux personnes spécifiques mais ça change pas les autres pronoms- elles étaient conscientes l’une de l’autre que d’elles deux. Et du coup, oui, en fait c’était un peu matérialisé contre toi mais en fait, elle avait peur, au-delà de tes actions, t’aurais peut-être même pu être doux comme un agneau, c’était la multiplicité qui faisait peur, en priorité.
A: Oui. Je pense que je représentais tout l’aspect négatif de la multiplicité et que beaucoup de choses ont été attribuées à moi juste parce que j’étais l’autre personne.
K: Oui, ça c’est un truc dont on a déjà parlé et que vous m’avez déjà dit toustes quoi, que chacune vous pensiez que c’était l’autre qui était responsable de tous les trucs qui dysfonctionnent, alors qu’en fait c’était infiniment plus compliqué et qu’il y avait infiniment plus de personnes impliquées dans cette histoire que juste vous deux quoi.
A: C’est ça.
K: Ok. Et du coup, en tant que bonne persécutrice, tu utilisais des moyens pas spécialement positifs comme la communication et les compromis pour essayer de faire passer tes idées.
A: C’est ça. [rires]
K: D’accord. Et est-ce que c’était fonctionnel? Est-ce que c’était productif?
A: Avec le recul, je ne peux pas dire oui.
K: Attends, c’est intéressant ça, tu peux diviser ta réponse en deux: qu’est-ce que tu pensais à ce moment-là si tu t’en souviens et qu’est-ce que t’en penses rétrospectivement.
A: À ce moment-là, c’était ma vision logique des choses. C’est ce que je pensais de façon rationnelle.
K: Genre « t’es nulle, on va faire comme ça, et tu veux pas? bah tant pis moi j’ai dit que c’est mieux »?
A: Exactement.
K: D’accord. Super. [rires]
A: Ma logique n’était pas forcément la bonne. Aujourd’hui, je sais que c’est pas la méthode qui fonctionne.
K: Parce que ça n’a pas fonctionné?
A: Oui et non. Sur le moment, ça pouvait avoir un impact si je prenais les choses en main. Je pouvais faire avancer des choses comme ça. Sur le long terme, ça a apporté plutôt des problèmes.
K: Parce que ça a eu un impact sur la la mauvaise confiance qu’elle pouvait avoir en toi et, un peu, ça t’a mis responsable de trucs qui foirent on d’avoir forcé des trucs qui étaient pas prêts, dans ce sens-là?
A: C’est ça.
K: Comment se faire haïr en deux leçons quoi. [rire] D’accord. Et est-ce que tu sais, est-ce que genre c’est la lassitude qui t’a fait changer d’optique ou est-ce que tu as eu un espèce de déclic ou est-ce que tu as eu une espèce de d’ouverture sur le fait qu’il y avait un autre, une autre possibilité quoi? C’est quoi le début du cheminement?
A: Le début du cheminement, c’est d’avoir essayé plusieurs fois et que ça ne fonctionne pas.
K: D’accord.
A: D’avoir pris conscience qu’elle avait la capacité de me repousser efficacement si j’allais trop loin. Et c’est un « elle » général. Et après, me rendre compte qu’en fait, ça venait pas forcément d’elle parce qu’on était aussi plus nombreux. J’aurais pu le penser avant [rire]. Ça a amené un recul sur le fait que mes réflexions pouvaient ne pas être bonnes de temps en temps. [rires]
K: Wawh, ça devait être chaud.
A: Une vraie claque.
K: Et attends, je rebondis juste deux secondes, mais du coup, oui c’est ça, ça fait quoi de se rendre compte que la personne que tu penses être faible et incapable de gérer des trucs est en fait capable de te mettre au placard toi? C’est quand même une belle preuve de force, tu vois.
A: Oui, tout à fait. Je l’ai toujours dit.
K: Ça doit pas être agréable. [rires]
A: Ça met les choses en perspective.
K: Ouais, tu penses que c’est un peu cette période-là, où elle a eu vraiment la possibilité et qu’elle l’a fait, de te repousser vraiment, qui t’a un peu fait faire « ok… ».
A: C’est ça. Et après, ce qui a aidé, c’est qu’on a dû gérer une autre persécutrice et que la… [rires]
K: T’as trouvé plus méchant que toi! [rires]
A: On devait faire équipe, quoi.
K: Ok.
A: Elle a été obligée de me faire confiance.
K: C’est intéressant et c’est cool que ça se soit passé comme ça pour vous. Mais dans l’absolu, ce serait cool que les gens, ils soient pas obligés de passer par ça.
A: Ouais.
K: Genre, tu vois, ça serait, et je ne sais pas comment, mais oui, c’est un peu la- des événements compliqués comme le fait d’avoir été repoussée, sûrement plus que de raison, et le fait d’avoir dû gérer quelqu’un vraiment dans une période de crise pas facile, qui fait que vous avez et, enfin que toi tu as dû comprendre qu’elle était quelqu’un, genre de fort, et 2 qu’elle elle a dû comprendre que te faire confiance, ça pouvait être utile. Bah juste écouter ce conseil, je pense que c’est un conseil assez universel, mais je comprends qu’il faille un peu se planter pour que ça rentre, mais c’est dommage…
A: C’est souvent comme ça.
K: …mais j’entends. Ok. Et du coup, vu que moi je connais un peu l’ordre des événements, tout s’enchaîne un peu à ce moment-là. Il y a le fait de faire équipe autour de, de se protéger de cette persécutrice et puis c’est un peu, tout s’enchaîne quoi. Vous découvrez beaucoup plus de votre système et vous commencez réellement à communiquer mieux. À quel point ça eu un impact de communiquer de façon directe? Parce qu’avant ça, tu lui parlais mais elle te répondait pas.
A: [rire] J’allais le dire, j’ai toujours communiqué de façon directe. [rires]
K: Oui, après je n’y étais pas, mais je suis pas sûr que tu communiquais pour poser des questions et dire des petites pensées douces. [rires]
A: Non. C’est ce que je dis, j’étais directe. Elle écoutait pas, c’était pas ma faute. [rires]
K: Peut-être que si tu avais mis des gants…
A: C’est vrai.
K: Tu vois, mais donc ouais.
A: Mais j’ai pas vraiment changé de façon de parler, elle a plus changé de façon d’écouter.
K: Oui au moins elle peut te répondre, elle peut te dire « je m’en fous, je t’écoute pas ». [rire]
A: Mais j’ai appris que casser l’estime de soi de son hôte, ça ne sert à rien.
K: D’accord, pourquoi? Parce que tu l’as fait et ça a eu des conséquences nases ou quoi?
A: Parce que ça ne sert jamais à personne.
K: C’est vrai, globalement, ok.
A: Les hôtes se disent suffisamment qu’ils sont nuls, pas besoin de leur rappeler. [rires]
K: Ah bah d’accord on tire à balles réelles maintenant… [rires] Mais c’était vraiment compliqué pour toi de comprendre ça à l’époque, il y a dix ans, de comprendre que c’est en la valorisant et en lui disant qu’elle était capable qu’elle serait capable.
A: Oui c’était compliqué parce que j’y croyais pas puisqu’elle faisait pas les choses d’une façon qui me semblait pertinente.
K: Ah, oh, ah oui à ce point-là.
A: J’aurais pas pu lui dire quelque chose qui me semblait faux, je ne fais pas ça.
K: Ah, c’est très cohérent, oui.
A: C’est ce que je dis.
K: Ok, ok. Et après du coup c’est un cercle vertueux quoi. Plus de communication; plus d’écoute et du coup plus de confiance, l’hôte a, et les autres membres du système en général, plus de confiance, du coup moins de situations où tu as envie de dire « vous êtes nuls » et du coup, voilà.
A: Ouais.
K: Ok.
A: Une chose qui a amené plus de réflexion sur moi-même aussi, c’est de prendre conscience que j’étais une persécutrice.
K: Pourquoi tu t’es pas toujours autodéterminée comme persécutrice?
A: Non.
K: Genre y a dix ans, tu faisais que des actions pas pour le bien du système- ah mais si, parce que tu avais l’impression que tu le faisais pour le bien du système.
A: Oui, toujours.
K: Ah, attends, ok, attends. Donc tu faisais des actions qui étaient considérées comme « méchantes », entre guillemets, en tout cas pas dans la bonne façon, mais t’avais l’impression que c’était pour le bien de tous.
A: Pas que c’était pour le bien, que c’était ce qu’il fallait faire. J’avais pas de notion de bien et de mal. C’était « c’est la chose à faire, je le fais ».
K: D’accord.
A: Il manquait des paramètres dans mes réflexions.
K: Mais du coup, bah c’est compliqué un peu à savoir un peu parce que, à l’époque, on ne parlait pas du tout avec le vocabulaire communautaire et on ne savait pas, tu vois, on- quand tu t’es présentée à moi il y a huit ans, je n’aurais pas pu dire « ah salut, c’est toi la persécutrice », on connaissait pas le mot quoi. Mais du coup, si je t’avais dit ça, tu l’aurais mal pris?
A: Non. C’est quand elle a commencé à se renseigner sur la multiplicité, et moi aussi vu que j’ai aidé, que les mots sont arrivés mais j’ai été considérée comme protectrice.
K: C’est vrai.
A: Jusqu’à ce qu’on retrouve le vrai protecteur de base.
K: C’est vrai. Et du coup là, pouf, un peu révélation sur le fait que l’étiquette qui t’avait été assignée n’était peut-être pas la bonne. Et là, ça a engendré des réflexions. C’est dans ce sens-là?
A: Ouais.
K: Ok. Et maintenant, comment tu te sens vis-à-vis de cette étiquette?
A: Je m’en fous.
K: Et maintenant qu’est-ce que tu penses de cette étiquette? [rires] Tu vois, tu dis que ça t’a fait réfléchir mais quoi? Ça a fait quoi?
A: Ça a fait réfléchir dans une notion d’excès ou de mauvaises méthodes. C’est un fait un peu connu quand on utilise le mot « persécuteur » que ce sont des protecteurs qui s’y prennent mal.
K: Oui c’est ça et donc l’avis de la généralité des systèmes t’a permis de mettre de la réflexion sur tes possibles actions quoi.
A: Ouais.
K: Je vois ce que tu veux dire, tu vois, pas dans ce sens-là parce que pas dans ce sens-là, mais oui je vois. Et du coup, maintenant que tu as eu tes réflexions, c’est quoi ta place maintenant, comment t’agis?
A: Toujours de la même façon. [rire]
K: Mais du coup, comment tu sais que c’est trop? Vu que tu sais que tu peux être trop, comment tu sais que c’est trop ou comment tu sais qu’il faut y aller?
A: Je dirais que je sais que je dois y aller quand la réaction est plus importante que la réflexion. Si la réaction doit être plus vive, plus rapide, plus nécessaire à la survie ou à un instant de crise qui amène plus une réaction qu’une réflexion, je réfléchis pas et j’y vais.
K: Ok.
A: Mais si on peut prendre le temps d’y réfléchir, en général il faut il réfléchir parce que sinon, s’il y a une réaction trop vive qui n’était pas nécessaire, ça amène de la peur.
K: Ok. Et la peur ça engendre quoi?
A: [rire] D’autres mauvaises réactions.
K: Ok. Tu es plus à même maintenant en fait d’être moins dans l’impulsion et de réfléchir mais ça change pas que t’agis avec impulsivité mais plus impulsivement.
A: C’est ça.
K: C’était compliqué à structurer. Ok. Je pense qu’un truc qui a beaucoup aidé votre système aussi, tu vois tu dis que toi tu parles pas vraiment de façon différente et que t’agis pas de façon différente même s’il y a moins d’impulsions, c’est si toi tu as appris à voir que et tu pouvais être excessive et que les autres avaient des capacités, même si différentes des tiennes, en tout cas existantes, pour eux c’était de comprendre que tu étais comme ça, que c’était pas méchant en soi, que ce n’était pas contre eux spécifiquement mais que c’était juste ta « façon d’être », entre guillemets, quoi. Je sais que, par exemple, le MBTI, trouver ton type MBTI et pouvoir te relier à des personnages de fiction qui te ressemblent, a été un truc un peu qui a fait « héhé, c’est trop elle! ah bah oui, on comprend mieux là », tu vois? Je sais que ça a beaucoup aidé, vraiment de se dire: ok, ces alters-là en plus de pas voir les choses de la même façon que moi parce que peut-être ils sont un peu bloqués dans des moments T, bah en plus potentiellement, ils ont pas du tout le même genre de rôle que plein d’autres, et du coup c’est logique qu’ils aient un caractère -potentiellement et pas pour tout le monde mais- très éloigné de celui de l’hôte par exemple. Parce que, ben je pense que simplement, si les persécuteurices avaient un caractère un peu très copié/collé des hôtes, bah ça serait pas très utile.
A: Certes.
K: Mais donc oui, je pense que ça c’est un truc qui aide vraiment, c’est de se rendre compte à quel point les différences, même de conceptions, de valeurs, de, ouais, de notions de bien ou mal ou d’absence de notions de bien et mal, peuvent être différentes.
A: Et c’est dans tous les sens. Sans les notions de valeurs, de bien ou mal des hôtes par exemple, j’aurais eu des problèmes.
K: Oui alors que tu aurais pu penser que non.
A: Ouais. J’ai des capacités que les hôtes n’ont pas et vice versa.
K: Oui et ça bah c’est un peu pareil pour tous les membres de système mais c’est un peu la grande conclusion. Et je pense que c’est encore plus le cas dans ce genre de d’opposition de caractères qu’il peut y avoir entre hôtes et persécuteurices, c’est ensemble qu’on agit bien et c’est en cumulant nos forces ou en se relayant ou en tout cas en communiquant pour faire des compromis que ça marche quoi.
A: Je pense vraiment que les persécuteurs portent des masques. Comme tout le monde.
K: C’est-à-dire?
A: Un masque qui se la pète, qui a peur de rien, qui gère, qui sait. C’est faux. Enfin, c’est une perception. Et les perceptions sont vraies mais ça reste des perceptions.
K: Mais attends, parce que tu vois, moi je vois vraiment bien ce que tu veux dire, mais est-ce que tu penses que c’est conscient ou que c’est inconscient? Ça doit dépendre des gens.
A: C’est aussi conscient que le masking du reste du système.
K: Est-ce que tu penses que le nom des rôles a impacté ça? Genre est-ce que le fait d’être « LA protectrice », tu t’es mis la pression?
A: Non.
K: Non, est-ce que tu t’es dit que tu devais protéger? Non, tu te le disais déjà de base.
A: Ouais. Je pense aussi qu’il y a beaucoup de gens qui se trompent sur leurs protecteurs et leurs persécuteurs. [rire]
K: Je pense que c’est parce que les persécuteurices prennent trop de place. Ils sont plus facilement devant.
A: Ils réagissent.
K: Alors que les protecteurices…
A: Ils agissent. Et souvent de façon plus interne.
K: Oui.
A: Je pense que c’est pareil même pour les persécuteurs qui s’attaquent au corps et pas forcément vis-à-vis de l’extérieur, ils réagissent aussi et ils réagissent sur le corps.
K: Ouais tu dirais que la grande différence c’est ça, c’est réagir ou agir.
A: Ouais.
K: Et encore maintenant, même si tu as compris que tu peux être excessive et toutes ces choses que tu as compris et qui font que tu es vraiment beaucoup plus proche de la protection que de la persécution, ton instinct ça reste quand même de réagir plutôt que d’agir.
A: Ouais.
K: Mais- ouais, c’est ça, la conclusion, c’est ça: t’as intellectualisé ce qui est instinctif et donc tu peux mieux contrôler tes réactions.
A: Ouais. Et j’ai compris qu’il y avait des choses que je ne comprenais pas mais qui avaient de l’importance pour d’autres.
K: [rire] Genre les sentiments?
A: Par exemple. Les perceptions, les interprétations.
K: C’est vraiment cool que tu aies pu adapter ça à toi, enfin à toi aussi. Tu aurais pu te dire « ouais d’accord tout le monde a des perceptions mais pas moi ». [rires]
A: Ça n’aurait pas été logique.
K: Ok. Ben merci beaucoup!
Conclusions avec Epsi
Kara: Re, c’est encore nous. Après réécoute, on s’est dit qu’il avait peut-être des choses à rajouter, des choses qui ont été dites qui étaient intéressantes mais qui manquaient de profondeur ou qui avaient besoin d’être approfondies en tout cas, donc voilà, nous revoilà. Voilà, en écoutant sa version, tu as eu envie de rajouter de trucs?
Epsi: Je sais qu’à un moment, elle dit qu’elle n’a pas changé de façon de s’exprimer mais que j’ai changé de façon d’écouter. Et c’est vrai mais elle a quand même changé ce qu’elle dit, elle a changé de façon de réfléchir. C’est un peu ça ce qui ressort de notre relation et de nos années passées qui ont été un peu chaotiques, c’est qu’on a évolué toutes les deux.
K: Ouais et quoi tu penses que pour que ça fonctionne bien, il faut qu’y ait une espèce d’évolution des deux côtés. Si genre elle avait pas changé son contenu mais que juste toi tu avais changé ta façon d’écouter, ça aurait quand même pas marché ou quoi?
E: Oui, je pense! Je pense qu’y aurait quand même eu des moments où j’étais trop sensible pour recevoir ce qu’elle me disait et où, voilà. Je pense vraiment que c’est une ouverture des deux côtés qui a permis que ça évolue petit à petit dans le bon sens et qu’on en arrive à une entraide aujourd’hui qui fait que je la considère plus comme une protectrice que comme une persécutrice. C’est pas le cas de tous les membres de mon système mais- ça n’empêche pas ce qu’elle est au départ, mais oui, je considère quand même quelle nous protège vraiment.
K: Oui, oui tout à fait mais on en parle par deux fois dans l’échange avec elle. Et je suis assez d’accord avec elle sur le fait qu’elle reste plutôt dans la réaction que dans l’action comme elle dit et- ce qui veut pas dire qu’elle n’est pas du tout capable de vous protéger et que du coup ça n’en fait pas une protectrice, c’est pas du tout dans ce sens-là que c’est dit. C’est dans le sens, un peu, je sais pas comment le dire avec des mots, comment elle est « codée »? Mais c’est trop informatique-
friendly. [rires]
E: Oui c’est son fonctionnement de base.
K: Oui c’est ça, tu vois.
E: Oui et c’est un truc qu’on a dû aussi apprendre ensemble. Moi, où je trouvais qu’elle était froide, distante et où elle faisait peur et où elle a des capacités sociales assez limitées [rires], que je considérais comme nulles à une époque, et où elle me considérait comme fragile, trop sensible, faible, etc… À force d’ouverture, on s’est rendu compte que c’était des forces des deux côtés.
K: Oui mais à côté de ça, l’écart s’est s’est diminué aussi quoi. Elle est quand même plus sociable.
E: Un petit peu.
K: Et t’es quand même plus sûre de toi.
E: Oui. Mais ma sensibilité et ma gentillesse « naturelles » je vais dire, sont une force de notre système. Et son côté carré et direct sont une autre force de notre système.
K: À fond.
E: Mais ça a mis longtemps à ce qu’on comprenne ça et que ce soit pas opposé mais que ça devienne un mécanisme qu’on utilise ensemble…
K: Complémentaire.
E: Et complémentaire, oui.
K: Ben voilà, j’espère que c’est plus clair et j’espère que c’était complet. Merci beaucoup d’être resté-es jusqu’ici et à bientôt. Je vous glisse une scène coupée juste après parce qu’elle m’a fait rire, je pouvais pas ne pas vous la mettre. À bientôt!
Scène coupée avec A.
Kara: C’est un test son, est-ce ça fonctionne? Est-ce que c’est bien? Vas-y, dis quelque chose.
A.: Quelque chose.
K: [soupir] Plus long.
A: Quelque chose de plus long.
K: Merci.