On discute de comment on se protège sur les réseaux sociaux et de comment on réagit à différents types de réactions et messages qu’on peut recevoir quand on parle de la multiplicité sur Internet.
[Kara] Bonjour et bienvenue dans ce nouvel épisode de “Et si on parlait de”, notre petit podcast où on se pose simplement pour parler d’un sujet. Si vous êtes sur YouTube, vous pouvez voir nos personnages à l’écran, malgré le fait que ce soit en fait un format audio. C’est parce que grâce à la 3D, on peut maintenant les enregistrer en même temps.
Bref, c’est quand même notre format podcast habituel. Et aujourd’hui, on vous propose un condensé d’une discussion qu’on a eue et qui a pour thème : comment se protéger si on expose son trouble dissociatif de l’identité sur les réseaux sociaux ?
On s’est dit que c’était cool de parler de ça parce qu’on en a déjà beaucoup parlé, mais un peu plic ploc à plein d’endroits et pas de façon condensée.
Mais déjà, avant toute chose, pour revenir un peu à nos vies, avant Partielles, moi, j’avais eu plusieurs jobs dans l’animation ou dans le travail social et donc le côté animation de groupes, gestion de beaucoup de personnes en même temps et un peu facilité à parler même à des inconnus, c’était un truc que je connaissais et que je savais faire, enfin qui m’effrayait pas en tout cas.
Et Epsi aussi avait une expérience complètement différente de la mienne et très complémentaire.
[Epsi] Oui, nous, on avait déjà eu de l’expérience, notamment sur les réseaux sociaux et dans le domaine associatif, vu que, notamment on gérait les réseaux sociaux d’une association et donc on avait déjà eu ce côté recevoir des questions, animation de pages et d’espaces, aider à régler des problématiques, rediriger vers différents espaces, …
[K] Répondre aux mails.
[E] Répondre aux mails et sur vraiment différents aspects à quoi, que ce soit donner des informations ou recevoir des “plaintes” entre guillemets ou des choses comme ça.
[K] Ouais et t’avais aussi eu une expérience antérieure un peu entre guillemets “gestion de communautés”.
[E] C’est vrai. Ouais, parce que j’avais un site sur un jeu vidéo très connu et du coup ouais. Plus l’animation de communautés en ligne aussi, c’est vrai.
[K] Du coup, on partait pas de zéro dans notre représentation de à quoi ça pourrait ressembler. Et je pense que ça nous a vachement aidé. Et aussi, je pense qu’un truc qui a toujours été clair pour nous, c’est quel était notre objectif et pourquoi on le faisait. Je pense que les premières semaines de réflexion sur la création du blog, ce n’était pas très clair de si on voulait faire et de l’informatif et du perso ou juste de l’informatif. Mais c’était sûr que l’informatif, c’était au cœur du truc, quoi.
[E] Ouais, c’est clair que ça a été l’objectif depuis le départ de donner de l’information sur le TDI et partager éventuellement notre expérience, mais surtout donner de l’information, de base, c’est vrai. Le but de Partielles, ça a toujours été de donner les informations que nous, on avait eu du mal à trouver et dont on avait eu besoin avant.
Et ça nous, au tout début, on illustrait un peu plus, avec des exemples personnels, ce qu’on recommence à faire d’ailleurs. Mais ça n’a jamais été notre objectif de départ de parler juste de notre expérience. On a toujours cherché à plutôt généraliser et je pense que les deux sont importants, sur Internet, qu’on puisse et avoir des témoignages et avoir de l’info générale.
Mais ce qui est sûr, c’est que c’était quand même assez clair pour nous au départ, quoi vraiment, le côté plus informatif.
[K] Ouais c’est ça et donc ça a permis un peu de dès le départ, savoir ce qu’on voulait dire ou pas dire en termes d’informations personnelles, sur le fait qu’on voulait rester anonymes et des choses comme ça, ça a toujours été clair et je pense que ça nous a vachement préservés. On s’est retrouvé dans des situations où on s’est dit “oh mince, j’aurais pas dû dire ça” qui ont engendré des trucs compliqués. Et oui, je suis tout à fait d’accord avec toi. Je pense pas que l’informatif soit meilleur ou que l’anonymat soit meilleur, mais je pense qu’en tout cas c’est une réflexion à avoir en amont pour pas regretter en fait et pour pas être mal à l’aise avec ça et tout.
Et du coup, je pense que si c’était à refaire, je referais pareil de réfléchir d’abord collectivement avec toutes les personnes impliquées dans le projet, que ce soit en interne ou en externe, à c’est quoi l’idée et jusqu’où je veux bien donner des informations personnelles ?
[E] Ouais je suis d’accord déjà pour pas donner des informations personnelles qu’on pourrait regretter et aussi parce que je pense que c’est important d’être clair envers soi même et peut être aussi d’être clair avec son audience sur vraiment les objectifs qu’on a. Parce que il peut y avoir des gens qui viennent demander, viennent poser des questions informatives sur leurs propres expériences ou des trucs comme ça, alors que si notre objectif c’est de donner, c’est de juste partager son propre témoignage, on n’a pas forcément toutes les réponses, mais on peut avoir l’impression qu’on est censé les avoir parce que le syndrome de l’imposteur, parce que plein de trucs en fait. Et donc se retrouver à devoir donner de l’informatif alors que ce n’est pas notre truc, alors qu’on ne sait pas tout et c’est normal, etc… Alors que l’objectif de base c’était juste de partager son témoignage. Et inversement quoi. Avoir comme objectif de base de donner de l’informatif mais avoir des gens qui veulent des trucs perso et se dire est ce que je dis, est ce que je dis pas, même en privé, des trucs comme ça ? Je pense que ouais, c’est vraiment bien de réfléchir en amont avec les personnes impliquées, intra-système, et tout sur c’est quoi le but ? C’est quoi l’objectif ? Qu’est ce qu’on est d’accord de faire, pas d’accord de faire ? Pour être vraiment au clair soi même et pour le dire éventuellement aux personnes qui regardent quoi ou qui lisent.
[K] Je suis d’accord et je pense que le dire aux personnes qui regardent, c’est cool pour les personnes qui regardent et c’est cool pour soi parce que je sais que ça peut être tentant si c’est pas dit clairement que c’est une expérience personnelle de dire “mon vécu, c’est pas ça et du coup je me sens exclus par ton propos”, bah voilà ça peut générer des émotions négatives pour les deux parties, et pour la personne qui a regardé, qui s’est pas senti représenté, et pour la personne qui va recevoir des commentaires H24 sur le fait que son discours n’est pas assez exhaustif.
Je pense qu’être clair ça préserve pas du fait qu’il y ait des commentaires qui disent gnagnagnah, dans tous les sens possibles, mais au moins je trouve que ça permet de savoir qu’on a fait le mieux. C’est un truc qui a vraiment, qui est vraiment au centre de comment nous, on réfléchit. Évidemment qu’on n’a pas la science infuse. Évidemment qu’on ne peut pas inclure tout le monde à 1000% à chaque fois et qu’on ne peut pas, enfin tu vois qu’on ne peut pas être infaillibles en fait, mais on a la certitude que on a fait ce qu’on a pu avec les infos qu’on avait et les capacités qu’on avait.
[E] C’est vraiment ça; en accord avec nous mêmes sur le moment, quoi, ouais. Sans se dire après, “je le savais que j’’aurais pas dû faire ça mais je l’ai fait quand même parce que nanana”, voilà.
[K] Oui, c’est vraiment une des choses qui nous permet de passer à travers certains aspects négatifs qu’il peut y avoir autour de la création de contenus.
[E] Je pense du coup qu’on peut peut être parler de comment se protéger un peu de la haine qui peut arriver avec le fait de se visibiliser sur les réseaux sociaux.
La base, c’est vraiment de se mettre d’accord avec soi et de poser ses limites. Mais comme tu l’a dit, ça n’empêche pas qu’il y ait des gens qui viennent déposer leur haine en fait, c’est vraiment juste ça.
[K] Je pense qu’il y a un peu plein de trucs possibles, un peu dans diverses catégories. Dans les trucs faciles, il y a par exemple l’application Bodyguard, dont on en a déjà parlé plusieurs fois, qui permet de filtrer les commentaires méchants, quoi. Ca fait qu’ils sont pas affichés donc que vous n’avez pas à les lire. Et si vous allez dans l’application, vous pouvez quand même les retrouver. Et c’est pareil. Tous les réseaux sociaux ont un peux en fonction, ça n’est pas toujours bien fait ni suffisant, mais des trucs comme ça pour filtrer les messages avec des mots, vous pouvez filtrer des mots. Il est aussi possible, sur Twitter, j’en suis sûr, sur Insta je sais pas, de ne pas afficher les photos des messages des gens que vous ne followez pas. Il y a un peu plein de petites choses comme ça possible.
[E] Ouais. Et puis le meilleur conseil que je pourrais donner, c’est de ne pas hésiter à bloquer et à pas répondre. Parce que la plupart du temps, ça sert à rien. On peut se dire qu’on peut expliquer ou que c’est juste la personne elle n’a pas compris ou des trucs comme ça, mais la plupart du temps, c’est vraiment juste un déversement de haine et c’est totalement ok de pas dépenser son énergie à essayer de donner des infos, d’éduquer un peu les gens qui de toute façon ne veulent pas et sont juste là pour vous embêter en fait. Du coup pas hésiter à garder son énergie et à bloquer, masquer, pas répondre et laisser couler et se dire que c’est pas, il faut pas le prendre personnellement en fait. Souvent c’est des attaques qui peuvent être très personnelles, parfois sous couvert d’idées reçues très générales et parfois pas. Ça peut être des attaques sur le physique, sur la voix, sur n’importe quoi d’autre et juste le prenez pas personnellement, c’est pas contre vous, c’est juste du déversement de haine et ça mérite pas ni votre énergie ni votre anxiété ni de vous dire que que vous devriez être meilleurs ou des trucs comme ça, juste ouais, si ça vous prend trop de ressources, vous avez pas besoin de vous en préoccuper, vous pouvez mettre ça de côté.
[K] Ouais, et si c’est des attaques plutôt liées à la multiplicité, la représentation de vos systèmes et comment ça, comment vous pourriez être des fake ou pas en fait, en clair, là aussi il n’y a pas de fondement. Et je sais que les commentaires les plus compliqués, c’est ceux qui ont l’air d’avoir des fondements mais non, en fait parce que les gens ils vous connaissent pas et je sais que c’est compliqué de savoir comment on connait quelqu’un par internet parce que on connait quand même certains aspects de la vie des gens sur internet
mais c’est quand même pas des gens qui vous connaissent. Et moi je trouve que l’exemple d’Orphan Black, c’est le meilleur exemple pour ça quoi.
[E] Du coup, je le répète vite fait dans une interview anonymisée que j’avais fait pour France TV Slash j’avais, on avait choisi comme surnoms, donc c’était anonymisé donc avec des faux noms et tout, et comme surnoms, mon système c’était les noms des personnages d’Orphan Black. Et il y a tellement de gens dans les commentaires de cette vidéo qui ont dit que c’était du fake parce que c’était des noms de personnages d’une série, déjà ça aurait pu être le cas mais même comme je le disais ça sert à rien d’éduquer des gens comme ça, mais en plus c’était tellement, c’était tellement anodin comme infos pour m’attaquer là dessus que ça montre juste à quel point les gens attaquent sur ce qu’ils veulent, ce qu’ils peuvent et n’importe quelle excuse est bonne pour dire ce n’est pas vrai.
[K] Voilà. Et un peu un truc qui peut aider si vous en avez la possibilité, je pense pas tout le temps, mais si genre vos espaces commentaires sont un peu tendus, déjà il y a des endroits ou on peut fermer les commentaires. Il ne faut pas hésiter si ça vous mets mal de les lire, vraiment, fermez-les parce que oui, c’est hyper cool d’avoir des commentaires positifs sur ce qu’on post et moi je comprends vraiment parce que c’est super motivant et ça pousse à continuer. Mais si ça fait plus de mal que de bien vraiment les fermer un temps, ça ne veut pas dire que c’est pour toujours.
Sur YouTube nous tous nos commentaires, ils passent par la validation avant. Je pense que la haine appelle la haine et donc des gens qui vont voir qu’il y a déjà des commentaires méchants sous une vidéo vont plus facilement se le permettre etc. Que nous on filtre tout, les commentaires sont pas visibles avant qu’on ne les ai validés manuellement. Bon, il est clair que en fonction de l’audience, c’est pas possible pour tout le monde, mais pour nous c’est toujours possible et j’espère que ça le restera longtemps. Et je pense même que si ça ne devient pas possible pour nous parce que notre audience serait trop grande, ce que je nous souhaite, dans un certain sens, je pense qu’on demanderait à des gens de faire de la modération avant nous, avant que ce soit publié, en restant sur le même principe. C’est le conseil que j’allais donner mais j’ai formulé ma phrase dans deux sens différents. Même sur tous les réseaux, il est possible d’avoir des amis et des proches qui vont venir voir et modérer et nettoyer vos espaces commentaires avant que vous puissiez les lire. S’il y a des moments ou c’est vraiment tendu et ou il y a beaucoup de haine quoi. Et un autre truc que moi j’ai fait il y a un certain temps déjà, mais qui si j’avais su à quel point c’était cool, je l’aurais fait plus tôt, c’est que j’ai coupé toutes les notifications qui concernent Partielles sur mon téléphone. J’ai mes notifications perso, par exemple sur Insta j’ai mon Insta privé des trucs comme ça. Mais aller sur les réseaux de Partielles, c’est un choix que je fais. Je me sens bien et du coup je clique et je vais voir mes notifs sur partout. Ça ne sonne pas et donc c’est pas tout le temps et je me dis pas tout le temps il y a un nouveau commentaire est ce qu’il est gentil, est-ce qu’il est méchant ? Est ce que je dois y répondre ? Je le fais quand je le sens. Et il y a des moments ou, comme tout le monde, je scroll 70 fois par jour et du coup, je vais voir Instagram 70 fois par jour et je vais voir s’il y a des notifications 70 fois par jour. Et il y a des moments ou juste je le fais pas de la journée. Et ça m’a vraiment beaucoup aidé et beaucoup aidé à lâcher prise sur ce qui pouvait un peu se passer sans moi. Ça aussi, ça a été un truc de est ce qu’il y a quelqu’un qui va dire quelque chose sur nous et est ce que ça va prendre de l’ampleur en mon absence ? En fait, non. C’est rare et il se passe rarement des choses vraiment hard, en l’absence, il y a toujours bien quelqu’un qui vient vous dire s’il se passe quelque chose dans tous les cas, et c’est en tout cas pas avec les notifications qui s’accumulent, que ça va vous permettre de le gérer de façon plus adaptée de toute façon, selon moi.
[E] Oui.
[K] Et c’est un peu un truc que j’ai mis en place après avoir essayé un truc qui est souvent conseillé, qui a pas marché pour nous, qui est d’avoir des horaires et des jours de congé, que ce soit si vous êtes dans la création de contenus, l’exposition à temps plein, comme un travail ou pas, mais de par exemple pas aller checker ses trucs juste avant de dormir ou pas le week end ou des trucs comme ça. Nous on a essayé pendant longtemps et ça marchait pas pour nous, parce que c’était plus facile d’avoir des horaires qui sont “quand on se sent capables de” que des horaires imposés. Et voilà.
[E] Ouais, je suis d’accord, c’est vraiment un truc qu’on entend souvent de la part des gens qui font du contenu, de prenez votre week end et faites vous des horaires de travail. Mais je pense vraiment que et dans nos capacités d’organisation et par rapport à qui front ou pas, ce n’est pas possible pour nous. Je ne peux pas dire- j’ai des alters qui ont plus facilement, qui travaillent plus facilement sur Partielles et qui font plus facilement certaines tâches. Je peux pas dire, je réponds aux mails tous les vendredis de 14 à 16, je ne peux pas dire si l’alter qui fait ça, il sera là. Je pense que ça joue en partie. Et ouais sur la fatigue, les douleurs ou des trucs comme ça qui font que je peux péter la forme le week end et pas du tout la semaine. Et voilà.
[K] Ouais, et vraiment couper les notifs, ça a permis que ce soit pas tout le temps pour autant. C’est vraiment quand je le sens.
Voilà, ça c’est un peu sur les trucs, sur comment se préserver. C’était le grand chapitre, comment se préserver.
[E] Un autre truc que je pense qui est important à aborder quand on commence à se mettre sur les réseaux pour parler de sujets comme des problématiques de difficulté, santé mentale ou santé tout court, ou de trucs comme ça, c’est que potentiellement, du coup, il y a des gens qui vont avoir des questions ou vont se reconnaître dans ce qu’on dit ou vont avoir besoin de s’exprimer. Et c’est totalement ok. C’est totalement normal et c’est très humain, ou non-humain en fonction des alters ou pas [rire]. Mais ce que je veux dire, c’est que je pense vraiment que c’est important de se préparer à avoir ce genre de message. Je sait que quand on a fait justement la vidéo de France TV Slash, c’est quelque chose qu’une autre personne qui a fait une interview a dit parce qu’elle avait sorti une BD sur un trouble. Et ce qu’elle avait dit, c’était ça. Il faut bien se préparer au fait que, en gagnant en visibilité, il y a des gens qui vont potentiellement envoyer des messages et poser des questions. Et là, on en revient à ce qu’on disait au début de l’importance de choisir, de se mettre d’accord avec soi même sur si on faitd de l’informatif ou pas et dans tous les cas, des questions, il y en aura certainement parce que c’est un besoin pour les gens, quoi. Je pense que c’est important de s’y préparer parce que potentiellement, on s’y attend pas. Soit on s’attend pas au nombre de messages qu’il peut y avoir, soit on s’attend pas au type de messages qu’il peut y avoir. On s’attend pas non plus forcément à ses propres réactions vis à vis de ça. C’est là, je pense, ou nos expériences passées nous ont aidé. Comme je disais moi, j’avais déjà répondu à des messages privés, je pense que c’est en partie ce qui m’a aidé et le fait qu’on ait choisi de faire de l’informatif et donc qu’on avait, qu’on a toujours, qu’on essaye toujours d’avoir les renseignements pour pouvoir renseigner les gens. Ce qui aide parce que il y a eu des moments, surtout au début ou on n’avait pas les réponses aux questions et donc on savait pas quoi répondre à certains trucs juste parce qu’on ne connaissait pas ou qu’on n’était pas assez renseigné, ou surtout parce qu’on n’était pas assez sur des informations qu’on avait encore pour, pour se sentir légitimes à répondre.
[K] Oui, c’est ça, et il reste plein de domaines, par exemple sur les spécificités des soins de santé français ou on n’a pas les réponses.
[E] C’est ça. Voilà. Pour se préparer à ça, je pense que l’important, c’est de déterminer ses propres limites pour commencer, parce que on n’est pas cap-, on n’est pas forcément capable ou pas tout le temps de lire des témoignages de gens qui parlent de problématiques qui sont similaires aux nôtres ou pas. On n’a pas toujours l’énergie de recevoir ça en fait. Et attention, je ne dis pas du tout aux gens qui nous envoient des messages personnellement que ça nous pose un souci. Au contraire, nous, c’est totalement ok, mais il y a des gens qui ne sont pas capables et nous, on sait que quand on n’est pas capable de recevoir, on lit pas et c’est tout.
[K] Et dans les choses qu’on a mis en place par exemple, qui est vraiment très respecté, je dirais pas à 100 %, mais vraiment c’est pas mal. C’est dans le formulaire qu’on a mis sur le site avant de nous envoyer un mail, il est bien spécifié si votre texte contient des trigger warning, mettez les trigger warning et ça aide à fond de savoir un peu de quoi le message va parler. Et puis on est deux. Et si on voit que les trigger warning de par exemple toi tu le sens pas, c’est moi qui le lit et des choses comme ça quoi. C’est un choix. C’est un choix délibéré d’accepter de lire des mails qui ont potentiellement des sujets compliqués. Mais c’est ok que ce ne soit pas le cas en fait. Partager son avis, son vécu ou même de l’informatif sur les réseaux sociaux, n’est pas censé être un lien qui implique de répondre à des DM.
[E] Et du coup, il ne faut pas hésiter à poser ses propres limites, même en répondant “désolé, je ne me sens pas à l’aise de lire ou de répondre à ce genre de message”. C’est pas méchant, vous avez le droit de faire ça, c’est totalement ok. Mais je sais que c’est très difficile parce qu’on est souvent des personnes gentilles, on a envie d’aider, on a envie de bien faire. Parfois, on a un peu un passif de ne pas avoir été écouté ou des trucs comme ça, et donc d’avoir envie de permettre aux gens de s’exprimer. Mais parfois, malheureusement, on respecte pas ses propres besoins en faisant ça et donc c’est important d’essayer de faire attention à soi en priorité, surtout en fonction des objectifs que vous vous donnez. Mais dans tous les cas, même si vos objectifs, c’est informer, répondre à des questions, c’est aussi ok de poser ses limites et de dire voilà, aujourd’hui je peux pas, ce message là je ne peux pas. Et s’il y a besoin, il y a d’autres supports, d’autres plateformes, d’autres endroits, d’autres espaces ou les gens peuvent poser leurs questions et vous pouvez les renvoyer vers ces différents endroits, que ce soit une autre personne ou un groupe, un Discord ou d’autres trucs comme ça, quoi.
[K] Oui, une ligne d’écoute.
[E] Oui. Ou, si nécessaire, une ligne d’écoute. C’est bien que t’en parle. Ça nous est arrivé, ça nous arrive encore d’avoir des personnes qui envoient un message alors qu’ils sont vraiment en grande détresse. Là encore, c’est pas votre place et c’est ok que ce soit pas votre place, et de le faire respecter, de répondre à des messages vraiment d’appel à l’aide, et de renvoyer vers les services appropriés.
[K] C’est même important de le faire d’un point de vue légal.
[E] C’est aussi important de le faire d’un point de vue légal, mais même aussi d’un point de vue personnel, mais renvoyer vers des lignes d’écoute spécialisées, vers les services d’urgence et d’autres trucs comme ça, c’est ok et il faut le faire si c’est nécessaire.
Dans les autres genre de messages qu’on reçoit et je sais que ça arrive un peu “de plus en plus” entre guillemets avec la viabilisation du TDI, ça arrive d’être contacté par des journalistes, que ce soit pour filmer un reportage, pour un témoignage, pour un article ou des trucs comme ça, c’est fréquent, ça arrive en tout cas que des journalistes prennent contact pour parler du sujet. Il y a plein de moment ou évidemment ça se passe hyper bien, il n’y a aucun problème, il y a beaucoup de bienveillance, et tout. Mais malheureusement, ça arrive aussi que vous soyez contacté seulement pour un peu du voyeurisme ou des trucs comme ça, il nous est déjà arrivé de répondre à des questions et de se retrouver face à une question qui nous a mis un gros trigger. La question étant c’est quoi spécifiquement vos traumas d’enfance ?
[K] Y en a d’autres hein mais c’est un peu la question fréquente.
[E] Oui, c’est un peu la question fréquente qu’on a eue, et on a eu d’autres trucs, vraiment des questions assez personnelles, voire très intrusives..
[K] Et aussi très qui remettent un peu en cause qu’on dit quoi. On nous pose une question, on y répond et c’est un peu “Ah bon ? Et vous êtes sûr ?” et bah pose pas de questions si tu ne veux pas répond- si tu veux pas respecter ma réponse en fait.
[E] C’est ça. C’est pas toujours évident. Et je sais pas les journalistes, c’est un peu une notion de pas d’autorité, mais on a un peu quand même envie de faire les choses bien parce que ça va être écrit, parce que ça va être enregistré ou des trucs comme ça. Bref, on n’est pas toujours à l’aise. Il faut faire attention sur ce genre de truc. Il faut faire attention aussi à son droit à l’image. Parce que, beh parce qu’on peut être tenté quand on a envie d’informer, parce que le TDI c’est méconnu, on a envie de déstigmatiser, on a envie qu’un message de bienveillance passe et donc on se dit oui, j’accepte, alors qu’en fait on n’est pas forcement à l’aise de le faire et on montre son visage alors qu’on pourrait le regretter, on revient à ce qu’on disait au début. C’est vraiment important de faire attention à soi. Et nous, ce qu’on fait avant une “interview” entre guillemets, notamment à l’oral, c’est qu’on demande toujours les questions, ou en tout cas la thématique des questions à l’écrit avant. On y répond pas par écrit. On ne prépare pas spécialement les réponses, mais on peut voir si les questions ont un côté un peu tendancieux ou si c’est ok, c’est juste des infos de base et des infos de base sur nous et pas de problème. Ou si c’est un peu trop personnel ou voire voyeuriste malaisant quoi.
[K] Oui, ça aide vraiment. Et vraiment c’est une minorité hein. Dans tous les contacts avec des journalistes qu’on a eu, je pense qu’il y a une majorité de bonnes expériences mais pas une entièrement bonne expérience. Je pense que dans les autres trucs qu’il faut garder en tête, il y a aussi le fait que vous ne savez pas à quel point la magie du montage va opérer et donc à quel point si vous avez parlé 30 minutes, ça va être condensé en cinq minutes. Et parfois, ce n’est pas de la faute des journalistes, c’est pas du tout malveillant de leur part. Juste, bah c’est l’émission, le truc qui doit durer ce temps là. Et parfois il y a des raccourcis qui sont faits qui du coup collent plus exactement avec votre propos. Et voilà, il faut le savoir. Et parfois aussi peut être que le temps que vous aurez donné n’aboutira jamais à rien. Genre l’article sera pas fait, l’interview sera jamais diffusée, ou des trucs comme ça quoi. ça arrive et là non plus, c’est pas spécialement de la faute du journaliste à qui vous avez eu à faire, mais de chef plus haut et de truc comme ça, quoi. Du coup, voilà, il faut le savoir. Parce que moi, la première fois qu’on a fait un truc qui est pas sorti et que j’ai juste pas eu de nouvelles, ça m’a rendu triste un peu, je me suis dit punaise, pourquoi je le fais ? Ou des trucs comme ça, quoi. Mais en fait non, je pense que c’est commun.
[E] Ouais, il y a plein de trucs qu’on sait pas, les budgets, les autorisations, le calendrier de diffusion, voilà.
Et enfin, dans les derniers messages un peu particulier qu’on reçoit y a très souvent des auteurs, autrices qui veulent créer un personnage ayant un TDI et qui veulent faire ça bien et qui du coup demandent si c’est possible de relire un livre ou des trucs comme ça. Encore une fois, ça, le fait de relire comme ça, de base, c’est un métier. Après, il y a beaucoup de choses qui sont un métier. Mais ce que je veux dire, c’est que encore une fois, on peut avoir envie de le faire parce que c’est important d’avoir des bonnes représentations et donc voilà. Mais si vous n’avez pas le temps, pas l’envie, pas l’énergie ou des trucs comme ça, c’est aussi ok de dire non parce que ça prend vraiment de la ressource en fait, de relire tout un bouquin pour s’assurer qu’il n’est pas stigmatisant, alors que c’est compliqué de voir une bonne représentation pas stigmatisante.
[K] Et si vous avez un statut d’auto entrepreneur ou autre, c’est un truc qui est rémunérable quoi. C’est un métier dans le sens ou les maisons d’édition sont censées payer pour ça. Et je ne dis pas que les maisons d’édition ont toujours un budget pour ça, mais ça devrait être le cas. Et donc évidemment, il y a une différence entre relire un petit truc et relire un roman. Mais voilà.
Voilà, pour conclure, je pense qu’il ne faut pas hésiter à utiliser les aides matérielles qui sont mises à disposition par les sites ou autres applications pour s’aider à se préserver. Pas hésiter à mettre des choses en place qui vous conviennent et pas ce qui est censé être fait ou je ne sais pas ce que les autres font. Mais c’est un vrai truc et c’est un gros truc qui prend du temps et que c’est complètement à vous de déterminer le temps que ça peut vous prendre fait. C’est pas possible partout, mais c’est aussi OK de dire moi je ne fais pas de réponse aux messages privés, je ne suis pas capable et je n’ai pas envie du coup de fermer les DM ou c’est possible de le faire et de mettre une réponse automatique qui dit je ne réponds pas aux DM là ou ce n’est pas possible de les fermer.
[E] En résumé, si vous avez envie de vous lancer sur les réseaux sociaux, faites le parce que c’est cool, que c’est cool de parler de tout ça, c’est cool de partager les expériences, c’est cool d’avoir plus de visibilité, plus de diversité dans les représentants qu’il y a, dans les créations de contenu et tout, vraiment, c’est super. Mais le plus important, ça reste toujours quand même, prenez soin de vous parce que parfois on s’y attend pas, mais ça amène des contraintes et certaines difficultés. Et voilà, respectez vous, mettez vous d’accord avec vous même, ce qui n’est pas toujours facile quand on a un système, on le sait, et voilà. Comme ça, vous pourrez continuer plus longtemps ou arrêter plus vite si c’est nécessaire. Et, ben, vous faites pas mal en fait, c’est vraiment ça le plus important.
[K] Merci beaucoup d’être resté jusqu’ici. On se retrouve dans quinze jours à 18 h ici. Je ne sais pas trop comment sur la chaîne secondaire et le reste du temps sur les réseaux sociaux. Et à bientôt.
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