Discussion sur la légitimité et la peur de mentir ou d’inventer. Un sujet vaste et compliqué, mais pourquoi ? Format audio. Disponible également sur Spotify et Podcast Addict (en attendant d’être diffusé ailleurs :) ) : « Et si on parlait de… [par Partielles] »
Kara: Bonjour et bienvenue dans ce nouveau podcast de Partielles, présenté par Epsi et Kara!
Epsi: Salut!
K: On a décidé de garder le nom qu’on a donné un peu par hasard la dernière fois: « Et si on parlait de… ». Le sujet du jour, c’est la légitimité. On vous propose encore un format podcast cette fois-ci, pas du tout parce qu’on a plus envie de faire de vidéos, loin de là, mais certains d’entre vous le savent peut-être déjà: on a eu énormément de difficultés à avoir internet dans notre nouvel appart’. Et ça y est, ça semble bon, mais donc voilà on n’a pas eu l’occasion d’installer, de préparer tout le matériel qu’il nous faut pour faire une vidéo traditionnelle. Donc voilà, on a une fois de plus juste allumé notre micro, ce qui est plus facile à mettre en place. Merci beaucoup pour l’accueil que vous avez fait à l’épisode précédent sur le rôle d’hôte. C’est super cool, ça nous fait vraiment plaisir que ça vous ait plu, c’était super chouette pour nous de pouvoir parler de façon un peu moins scriptée et plus libre, même si ça reste un peu stressant dans le sens de faire une erreur ou de mal dire quelque chose mais voilà. On est vraiment hyper contents que ça vous ait plu. On a bien reçu certains de vos commentaires qui disaient qu’un format podcast, ce serait cool, que ça puisse être plus facilement écoutable sur des plateformes de podcasts. Et on y avait déjà pensé la fois passée mais n’ayant pas internet, on n’avait pas du tout le temps de regarder à ça. À l’heure où je vous parle, je ne sais pas si ce sera fait pour cet épisode-ci, mais je l’espère. Mais voilà je vais regarder à ça ce soir, donc voilà j’espère que j’aurais eu le temps pour dimanche. Si vous voulez le savoir, aujourd’hui nous sommes jeudi mais voilà, ça nous fait vraiment plaisir de lancer un podcast au final. C’était un- c’était notre projet initial et puis finalement, on n’avait pas réussi à le mettre en place, on s’est dirigés vers YouTube parce que ça semblait plus accessible et donc voilà, finalement revenir à un format podcast, ça nous fait très plaisir. Et comme je vous dis, ça veut pas du tout dire qu’on veut plus faire de vidéos, loin de là. Cette intro était un peu trop longue mais bref, comme ça vous avez un peu les petites nouvelles. Et donc et si on parlait de la légitimité? La légitimité c’est un peu un grand concept et on a envie de parler de vraiment plein de trucs qui se rattachent de près ou de loin à la légitimité mais qui la touche de toute façon à chaque fois donc voilà, est-ce que tu as envie de nous faire une définition courte de la légitimité?
E: La légitimité, c’est se sentir confiant ou confiante vis-à-vis d’un sujet, se sentir qu’on a le droit de le ressentir ou d’en parler ou de vivre quelque chose et ça peut être très large. Et dans le cadre de la multiplicité, évidemment, c’est plutôt les problèmes de légitimité qu’il y a. Le syndrome de l’imposteur. Et donc généralement, ce fait d’avoir l’impression ou la peur de mentir, d’inventer, qu’une expérience ne soit pas- ne soit pas de la multiplicité, etc…
K: D’avoir l’impression d’en avoir trop ou pas assez, d’en faire trop ou pas assez, d’être trop heureux ou trop malheureux.
E: Oui.
K: D’être trop sincère.
E: Trop d’alters, pas assez, trop d’amnésie, pas assez.
K: C’est vraiment, ouais, c’est toutes ces choses qui font se poser des questions et qui font se dire « est-ce que c’est dans l’expérience commune et admise ou pas? » à la virgule près ou pas.
E: C’est ça. Et je pense que c’est un truc qui concernent énormément, énormément de maladies, de troubles, de juste expériences de vécus même qui ne sont pas du tout pathologiques si on peut dire ça comme ça. Généralement des trucs, pas qui sont invisibles mais qu’on ne voit pas, donc les gens ne savent pas voir. Que- si on reprend les maladies, que le corps médical ne sait pas voir. Plus que, je sais pas moi, se casser une jambe parce que si tu te casses une jambe en principe tu fais une radio, tu le vois, c’est clair que tu t’es cassé une jambe. Que des fois en fait tu t’es tordu la cheville mais ça se voit pas sur les radios et en fait t’as hyper mal mais personne te croit, y compris toi-même, tu te dis que tu en fais trop. Voilà. Et du coup, dans la multiplicité, dans le TDI notamment, c’est un sujet qui est vraiment, vraiment compliqué. Compliqué à gérer, compliqué à appréhender, compliqué de ne pas douter.
K: Est-ce que tu sais pourquoi c’est compliqué? Question qui a mille et une réponses.
E: Je pense vraiment qu’il y a plein de raisons. Je pense que parmi les raisons, il y a déjà le fait que c’est très stigmatisé et peu connu donc forcément, il y a énormément d’idées reçues qui circulent. Et si tu rentres pas dans les cases des idées reçues, tu te sens pas légitime alors que les idées reçues, c’est des idées reçues, c’est des exagérations, c’est c’est pas la majorité des cas du tout, c’est ce qui est- enfin voilà.
K: Oui.
E: La multiplicité a un côté fascinant malheureusement et ce qui est montré par exemple dans le cinéma, c’est- c’est des trucs les plus extraordinaires possible.
K: Oui qui sont bien bien loin de ce qu’est la majorité des vécus.
E: C’est ça, c’est ça. Donc je pense qu’il y a déjà ça comme problème- qui peut amener des problèmes de légitimité. Je pense qu’il y a le fait que ça reste, comme pour beaucoup de troubles mentaux, dans le cas du TDI, de l’ATDS et du TDI partiel, de psychophobie et de problèmes liés à la psychiatrie en général. Ne pas croire les patients et des choses comme ça.
K: Oui et tout ça intériorisé aussi.
E: Oui surtout. Et en plus il y a évidemment la notion, quand il y a un lien avec les traumas, de la honte, la culpabilité, le besoin de se cacher, le besoin de se détacher de tout ça qui fait que y aura toujours un peu une partie du cerveau qui dira non non non.
K: Oui et potentiellement du gaslighting du coup.
E: Oui et potentiellement du gaslighting. Je pense vraiment qu’il y en a plein des raisons et que c’est un gros mélange de toutes ces notions-là.
K: Et je pense que du coup, c’est de par ce mélange que les problèmes de légitimité, c’est un truc aussi commun. Je pense que parce qu’il y a pas une raison unique et juste une multitude de facteurs qui peuvent augmenter ça, c’est vraiment une majorité, et je dirais même une très très très grande majorité de systèmes, sont confrontés à des problèmes de légitimité quelle que soit l’intensité, la durée ou un peu la façon dont ça se- dont ça se manifeste quoi. Mais je pense vraiment que ça touche tout le monde* (astérisque). Évidemment, il y a toujours bien des exemples pour aller contre cette généralité parce que c’est pas possible de faire une généralité mais oui.
E: Une grande majorité pour le coup je pense quand même, au moins une fois quoi.
K: Oui c’est ça. Et un truc que je trouve qui est assez révélateur de ce truc de c’est aussi des biais ancrés de psychophobie ancrée et de façon dont la société et tous les jugements et les idées reçues font encore un truc en soi, c’est que j’ai l’impression que ça touche tous les systèmes* (astérisque) quels que soient l’âge, le nombre de temps depuis lequel iels ont pris conscience de leur multiplicité et/ou qu’y ait eu un diag ou pas. Mais j’ai l’impression que c’est un truc qui arrive pas tout le temps. Dans des trucs moins stigmatisés, j’ai l’impression qu’avoir un diag, ça peut être une espèce de reconnaissance et de validation qui fait du bien.
E: Oui un genre de libération.
K: Ouais tu vois de « ah en fait j’exagérais pas, ouf! ». Je sais que pour un diag physique que j’ai, j’ai eu ce truc-là du je- ça se voyait pas spécialement mais le fait d’avoir été voir un spécialiste qui a dit oui c’est ça, d’avoir un petit diag, ça m’a vraiment aidé à déculpabiliser et à me sentir mieux et à- j’allais dire m’autoriser à me plaindre mais c’est pas vraiment ça mais ça m’aide à mieux gérer comment je le perçois et comment j’ai envie d’en parler à mon entourage, voilà. Mais j’ai l’impression que dans le cas de la multiplicité, c’est pas si, si, si limpide.
E: Non pas forcément.
K: On avait fait un sondage qu’on n’a jamais analysé. Si vous avez participé à ce sondage, on ne l’a pas oublié, enfin si on l’a un peu oublié mais enfin bref ça arrivera sûrement un jour, ne vous inquiétez pas, mais on sait pas quand. Et j’ai plus les chiffres en tête là mais je pense que il y avait une question comme ça, qui disait « est-ce que votre légitimité à- s’est améliorée depuis le diag? » et- attendez je vais faire pause et je vais aller vérifier ce chiffre comme ça je dis pas n’importe quoi. Voilà donc pour le contexte, c’est un sondage qu’on a posté sur les réseaux sociaux et donc il y a 81-82 systèmes qui ont répondu. Et donc la question c’était « est-ce que votre légitimité s’est améliorée, est restée la même ou s’est dégradée après votre diagnostic? » et la réponse à cette question c’est: pour 50% des personnes qui ont répondu, ça s’est amélioré, pour 45% des personnes non pour 43% des personnes, c’est resté inchangé et pour 7%, ça s’est dégradé. Et donc ouais ça fait 50% quand même. Ça fait- ouais tu vois, on peut dire ça fait genre 50/50 quoi à peu de choses près. C’est quand même vraiment… voilà bref. Ouais voilà bah bref c’était trop long mais tout ça pour dire: c’est pas le diag qui change vraiment. Enfin si pour une personne sur deux.
E: Oui mais enfin je pense que ça peut parce que- mais comme n’importe quel diag, ça permet, ça peut permettre de s’autoriser du coup à mieux comprendre son trouble, des trucs comme ça. Et donc à mettre des choses en place pour, pour améliorer les choses quand on en souffre. Mais je pense que c’est pas un truc magique qui fait que du jour au lendemain, tu as plus de problèmes de légitimité. Et ben oui un sur deux, c’est quand même, enfin dans ce sondage-là quoi, je ne sais pas comment c’est pour les autres choses mais j’ai l’impression qu’effectivement la légitimité, ça reste un sujet qui est quand même-
K: Compliqué.
E: Comme pour beaucoup de sujets mais pour la multiplicité, c’est compliqué, compliqué.
K: C’est ce que j’allais dire: je n’ai pas l’impression que pour les autres diag, que ce soit physiques ou psy, ce soit magique non plus, genre « tink-tink-tink ».
E: Bien sûr.
K: Mais voilà, je sais pas. Faudrait- tu vois faudrait faire des sondages par truc.
E: Oui c’est clair! Donc pour prendre mon expérience personnelle: ça faisait vraiment longtemps que j’avais conscience de certaines expériences que je vivais qui étaient- qui faisaient partie de la multiplicité et du TDI même mais j’aurais pas pu mettre ces mots-là dessus à ce moment là parce que je connaissais pas le TDI, je savais pas du tout ce que c’était, j’avais vu des psys qui n’avaient pas du tout parlé de ça ni rien. Et donc bref je disais des choses comme « j’ai quelqu’un d’autre dans ma tête » ou des trucs comme ça et j’en ai jamais douté. J’en ai pris conscience, je sais pas, j’étais jeune ado et j’en ai eu conscience pendant 10-15 ans et de tout ce que je décrivais, j’en ai jamais douté. Et puis, après une énième tentative de me confronter à la psychiatrie, j’ai finalement eu un diagnostic de TDI et sur le moment j’ai juste fait un gros rejet quoi. J’étais pas, je n’étais pas prête à accepter ce diag.
K: Pourquoi?
E: Je sais pas déterminer exactement pourquoi. Je pense que… Donc je savais qu’il y avait un truc et ce que j’appelais- j’appelais ça à ce moment-là un dédoublement de personnalité et quand je cherchais sur internet, je trouvais évidemment pas d’information à ce sujet. Tout ce que je trouvais c’était soit des trucs complètement, complètement rien à voir, soit des trucs effectivement sur le trouble dissociatif de l’identité. Et à l’époque, parce que je vous parle d’un temps, c’était genre une page Wikipédia et un reportage un peu malaisant sur Youtube mais pas grand chose de plus. Reportage stigmatisant et désinformant d’ailleurs mais bref. Et donc l’image que j’en avais, c’est pas ça. Du tout.
K: Oui ce que tu- ce qui était accessible facilement, c’était que les idées reçues.
E: Oui oui c’est ça. Et c’est pareil quoi, j’ai été diagnostiquée avant la sortie de Split et quand Split est sorti bah pareil. Je crois que quand Split est sorti, j’étais encore dans ces phases où je doutais énormément et où j’acceptais pas encore ce diag, et vraiment ça m’a pas aidé quoi. Ça m’a pas aidé à me dire « c’est ça, c’est ce truc-là que j’ai », non, non, non, non moi je suis pas d’accord avec ça, non c’est pas possible. Voilà. Parce que, oui, parce que, ouais, c’était toutes ces idées reçues et tous ces- le validisme intériorisé et la psychophobie intériorisée. Parce que j’avais l’impression de ne pas souffrir comme ces gens-là qui avaient un TDI, qui avaient ce truc qui était dit hyper rare, dit hyper exceptionnel, dit causé par des trucs hyper blah blah. J’avais l’impression que c’était pas du tout mon cas et que moi j’étais juste instable à me plaindre mais pas qu’il y avait cette raison-là derrière. Ouais. Et je suppose que c’est aussi parce que il y a une part évidemment de déni comme dans beaucoup de domaines. Et dans le TDI notamment il y a du déni comme je disais au début par rapport au fait d’accepter que potentiellement il y a eu des expériences négatives derrière.
K: Oui et un truc a sûrement dû jouer et je pense qui est quand même fréquent, c’est- c’est un sujet à part, on pourrait en parler pendant mille ans mais c’est déjà hyper difficile de trouver un pro qui connaît et reconnaît le trouble et qui est capable de le diag, même si les critères sont pas très compliqués mais juste de dire ok, de le voir dans son champ des possibles, mais c’est encore mille fois plus compliqué de trouver quelqu’un pour te suivre et t’accompagner. Et ça a pas été ton cas.
E: Non.
K: Tu vois peut-être que si la psychiatre, elle t’avait accompagnée dans ce processus de découverte, d’acceptation de la multiplicité, ç’aurait été différent.
E: Oui.
K: Voilà tu vois.
E: C’est clair. je pense que ça- je pense que ça aurait été difficile quand même mais si j’étais tombée effectivement sur une psychiatre qui avait pu m’accompagner mieux dans la déstigmatisation du TDI aussi, ça aurait mis certainement moins de temps à ce que j’accepte et à ce que je parte à la découverte de mon système sans en avoir peur pour commencer à améliorer les choses quoi, à ce que je cherche à communiquer etc, plutôt qu’à rejeter et à vouloir garder le contrôle et des trucs comme ça quoi.
K: Oui c’est ça. Donc en fait ouais, ça a mis plus de barrières d’avoir un diag parce que tu t’es confrontée à la stigmatisation et aux idées reçues alors qu’avant c’était juste comme ça.
E: C’est ça.
K: Avant vous étiez plus d’un et juste voilà.
E: J’avais conscience- j’avais conscience d’une alter, même si je pouvais pas mettre ce mot-là dessus parce que je le connaissais pas, donc j’aurais pu avoir conscience que j’étais multiple, même si j’avais pas ce mot-là. Mais avoir un TDI m’a fait- m’a mis cette idée en tête que ce n’était pas normal. Et je savais que ce n’était pas normal parce que j’avais encore jamais rencontré vraiment quelqu’un comme moi -donc qui était plus d’un dans sa tête.
K: Ou en tout cas, qui t’en a parlé.
E: Ou qui m’en a parlé, ça c’est clair, parce que j’en ai certainement rencontrés mais je le savais pas.
K: Statistiquement, c’est probable.
E: Et ces personnes ne le savaient pas non plus pour moi vu que j’en parlais pas non plus, c’est assez logique. Mais- et donc je savais qu’il y avait un truc bizarre, je savais- je me suis posé ce genre de questions que j’entends parfois passer ou des trucs comme ça du « est-ce que je suis folle? », tu vois. Avec cette même idée reçue du « les fous ne savent pas qu’ils le sont donc t’es pas fou ». Si c’est une forme de- tu vois, c’est une différence mentale voire c’est un trouble la multiplicité quand c’est le cas- dans le cas d’un TDI ou un truc ainsi donc si c’est une forme de folie. Mais la folie c’est pas forcément ne pas avoir conscience des trucs, être instable, être dangereux, être- tu vois toutes ces idées reçues et validistes qu’on a sur la folie quoi.
K: Oui c’est ça, c’est- on en revient à cette conversation sur se réapproprier le terme fou-folle et redéfinir son sens et pas « est-ce qu’avoir un trouble, c’est être fou? », bah potentiellement oui.
E: C’est ça et c’est pas une insulte en fait de base. Après c’est un truc qui met longtemps à se déconstruire et je pense que c’est totalement ok de dire non, je suis pas fou, dans cette idée négative qu’on a de la folie. Je pense que c’est un truc qui prend du temps.
K: Oui je pense que c’est un sujet à côté, c’est un-.
E: Oui mais bref. Donc en fait, quand j’ai eu mon diag, je pense que j’ai percuté et ça m’a percutée le fait que c’était un problème. Qu’au-delà du fait que c’était une bizarrerie chez moi, c’était un problème. Un problème à régler. Un truc dont il fallait s’occuper, un truc qu’était pas normal, vraiment qui était- tu vois, qui devait être envahissant, qui devait être soigné, qui devait être guéri, qui devait être réparé. J’ai vraiment pris une claque comme ça je pense.
K: Alors que concrètement, ton quotidien il n’avait pas changé.
E: Non.
K: T’as pas été diag parce qu’il se passait des trucs- genre t’as pas été diag parce que tu perdais le contrôle ou parce que tu avais fait des trucs dangereux pour toi-même, t’as pas été diag dans un moment crise. T’as été diag parce que, à force de chercher et à force de voir des gens, quelqu’un a fini par mettre le doigt sur le bon truc.
E: Oui c’est ça, parce que j’ai fini par-.
K: Par orienter la discussion comme il fallait?
E: Non, par avoir conscien- confiance dans le fait d’en parler vraiment. J’en avais déjà parlé à des psys avant et c’était juste passé sous tapis ou rien de spécial. Et avec celle-là je lui ai vraiment dit « j’ai ça, qu’est-ce que c’est? ». Et en fait la réponse m’a pas plu haha. Mais voilà, à ce moment-là comme je dis j’aurais pas pu dire « je pense que j’ai un TDI » ou un truc ainsi mais je pense que si j’avais eu les informations à ce moment-là, c’est ce que j’aurais dit. « Je pense que j’ai un TDI, je pense que je rentre dans les critères » et des trucs comme ça. J’avais pas ces mots-là donc c’est pas que j’ai fait mais voilà. Avant ça, donc j’avais conscience d’une alter et on communiquait ensemble. Et la vie n’était pas forcément facile mais on communiquait ensemble. Que, après le diag, ça a été plus dur parce que, comme c’était pas normal, c’était pas normal que je lui parle, c’était pas normal qu’elle ait un nom, c’était pas normal qu’elle existe et donc je l’ai rejetée et ça a empiré les choses. Pendant un an, un an et demi, ça a été plus dur parce que j’ai rejeté beaucoup plus fort. Voilà. Mais ça c’est- je pense vraiment que c’est par ce côté psychophobie, validisme intériorisés du « c’est un problème à résoudre ».
K: Oui et ça fait un peu lien avec la création du blog. Peut-être que- on en a déjà parlé, si tu avais trouvé plus facilement des informations accessibles et déstigmatisantes, ça aurait sûrement pris moins d’ampleur. Et c’est vraiment ça la base de la réflexion autour du blog et c’est d’ailleurs bien moins le cas aujourd’hui.
E: Oui c’est clair parce que- vas-y.
K: Non vas-y.
E: T’allais dire quoi?
K: J’allais poser une question, vas-y.
E: C’est clair parce que, ce qui m’a aidée quand même à ce moment-là, c’est le fait que j’étais rentrée dans des groupes Facebook anglophones. À ce moment-là, il y avait vraiment rien en français, y avait pas de communautés en français, en tout cas pas accessibles facilement. Tu vois, il y avait sûrement des trucs mais j’y avais pas accès, bref.
K: Oui c’est ça, pas avant la 42e page de Google.
E: Oui c’est ça ou un Discord enfoui quelque part, bref voilà. Donc la première chose que j’ai eu d’accessible c’était ça, c’était les groupes Facebook anglophones. Et c’est grâce à ça que les choses se sont améliorées parce que il y avait moins- même si il y avait un peu des deux évidemment, il y avait des gens qui étaient très très dans ce truc de, voilà il n’y a qu’une seule personne, faut normaliser le fait qu’y ait qu’une seule personne, faut fusionner, des trucs comme ça. Mais à côté de ça, il y avait beaucoup de gens qui disaient aussi: la base c’est de commu- c’est d’essayer de communiquer avec tout le monde, c’est d’apprendre à les connaître, à les comprendre parce que les alters ont des besoins aussi et que c’est pas en les rejetant que ça va fonctionner, au contraire. Le but c’est d’essayer d’avoir une espèce d’harmonie, d’essayer de travailler ensemble et tout ça. Et c’est par le contact de ces gens-là, que je connaissais pas et la plupart du temps je comprenais à peu près pas ce qu’ils disaient parce qu’à ce moment-là je parlais vraiment pas bien anglais-.
K: Et c’est à ce grand moment où il n’y avait pas encore moyen de traduire vraiment facilement les posts sur Facebook, c’est vachement plus facile maintenant.
E: Et Google Translate était encore moins bon à moment-là. Bref je n’aurais jamais osé même poster à ce moment-là parce que- bref. C’est grâce à ça, c’est grâce à la déstigmatisation des concerné-es du coup que j’ai commencé à essayer de relativiser les choses et à aller plutôt, oui, vers la découverte et la communication avec mon système. Et depuis ça va vraiment mieux. Je dis pas que c’est parfait, loin de là, mais vraiment c’est plus du tout la même chose qu’à ce moment-là quoi.
K: Ouais je pense que ce que ce que côtoyer les communautés sur Facebook d’abord a apporté c’est que ça a mis en évidence que même si chaque expérience est unique, il y a quand même des trucs qui reviennent et il y a quand même des expériences vécues qui sont « communes » (entre guillemets). Et quel que soit le mot utilisé, un truc qui arrive fréquemment, c’est une expérience vécue par une personne A et une personne B explique exactement la même situation mais avec leurs propres mots parce qu’avant d’être dans les communautés et de savoir qu’y a un vocabulaire communautaire, en fait tu utilises un peu tes propres mots et t’as essayé de nommer les concepts comme tu peux et puis après, ça apporte des mots et donc ça apporte des définitions plus claires. Et ça aussi c’est une étape de pouvoir être compris et se comprendre sur ses expériences vécues par rapport au vocabulaire.
-Salut c’est Kara du montage, je sais pas du tout pourquoi mais les sept prochaines minutes d’écoute sont vraiment dans une qualité bizarre. Je sais pas du tout pourquoi donc voilà, on est désolé-es, ça revient bien après, ça dure plus ou moins sept minutes, voilà voilà.-
Et c’est pas parce qu’il existe du vocabulaire, qui est utile pour se comprendre, pour savoir qu’on parle etc entre concerné-es, que c’est essentiel- que c’est obligatoire en fait, c’est dans ce sens-là que je veux le dire. Il y a plein de mots qui ont des « vrais mots » (entre guillemets), et j’ai mis des guillemets, qu’on n’utilise pas et qu’on a gardé le vocabulaire intuitif qu’on avait, et il y a plein de mots où notre vocabulaire intuitif il était pas clair et on a adopté les mots de la communauté parce que c’était mieux. Mais ouais y a pas de- je pense vraiment qu’il faut voir les outils que la communauté apporte comme des outils et pas comme des obligations.
E: Oui c’est clair. Je pense que, je pense que pour certaines personnes -peut-être beaucoup de gens mais j’en sais rien-, t’arrives vraiment avec tes propres, tes propres explications de tes expériences, tu te rends compte qu’il y a des gens qui vivent la même chose que toi et qui ont mis des mots dessus et du coup, pour en revenir au sujet de la légitimité, parfois par contre tu tombes sur un mot que toi tu vis pas ça et du coup, ça te met en crise de légitimité.
K: Quoi genre si j’ai pas vécu 100% du truc, oui.
E: Genre du coup si toi tu as par un truc de la communauté, ça veut dire que tu- t’es pas légitime ou des trucs comme ça. Et je pense que ça se fait vraiment en étapes. D’abord tu doute un peu de toi, tu trouves des mots ou en fonction un peu dans l’ordre quoi, tu te rends compte qu’il y a des mots communautaires qui correspondent à ton vécu puis après tu essayes de rentrer dans le vécu communautaire- de rentrer tu vois, de-
K: Oui d’être concerné-e par 100% de ce que l’entièreté de la communauté ressent et dit et vit.
E: Et puis tu commences à t’en libérer et à te rendre compte que y a des trucs correspondent aux autres et d’autres pas, il y a des gens qui ont des trucs que toi ça te correspond pas, parce qu’en fait la multiplicité c’est extrêmement vaste. Les expériences de multiplicité, ça dépasse l’expérience individuelle de chacun-chacune, vraiment. Même si beaucoup de systèmes ont des points communs, tous, tous tous les systèmes sont différents, absolument tous. Que ce soit pour n’importe quoi, quoi. Le nombre d’alters, l’expérience de switch, l’amnésie, mais même l’individualité des alters, vraiment tout.
K: À fond, à fond. Et même si on parle que strictement des troubles avec diag, du TDI, de l’ATDS, du TDI partiel, eh ben il n’y a aucun critère diagnostique qui parle de ça. Tu vois, il n’y a rien qui- toutes les idées reçues et les trucs qu’on voit quand même encore régulièrement sur des trucs qui essayent de cloisonner la possibilité d’expériences, c’est pas vrai. C’est pas vrai dans le sens ça n’est pas un critère. J’ai encore vu ça sur Twitter il y a deux jours: « non mais plus de dix alters, ça n’existe pas ». D’où? Tu vois il y a aucune source- même si, même si tu veux uniquement faire confiance au DSM et à la CIM -c’est absolument pas ce que je pense mais même si tu veux-, c’est pas ce qui est dit. Du coup, pourquoi?
E: Oui non, voilà, les critères sont vraiment larges au final. Même si tu prends le TDI partiel, là qui est sorti du coup dans la CIM-11, où t’as une identité « dominante » -j’ai aussi mis des guillemets parce que j’aime pas trop ce mot mais bon- et d’autres qui ne switchent pas, ça ne dit pas si les autres doivent être développées, 2, 10, 100, si- tu vois, ça ne dit pas à quel point ces identités « non-dominantes » sont développées ou pas. Ça ne dit pas ça et c’est logique parce que ça dépend vraiment de chaque système, vraiment.
K: Oui c’est ça et pour en revenir deux secondes, je fais un peu un retour en arrière sur le vocabulaire, je pense que- j’ai fait un lien dans ma tête mais moi je le vois le lien je suis pas sûr qu’il soit limpide. Mais je vais essayer de remettre tous les points, de mettre les points qui m’ont fait arriver là. Le vocabulaire communautaire, c’est hyper cool pour savoir de quoi on parle et pour que ce soit clair et précis pour tout le monde. Avoir ses propres mots, ça permet de définir et de- c’est un premier pas vers un peu la communication parce que c’est conceptualiser des trucs que tu vis, c’est hyper cool. Et la suite de ça dans mon idée c’est -mais je l’ai déjà dit à moitié mais je vais le redire- quels que soient les mots que vous utilisez, ils sont ok et légitimes. Et je pense qu’un truc qui aide pas à la légitimité et- ça, voilà en quoi le lien est encore là, c’est- ça rebondit à ce que tu dis sur si tu vis pas 100% des trucs, tu es- c’est cette espèce de, je sais pas trop c’est quoi les intentions derrière mais, jugement ou de hiérarchisation ou de -je ne sais pas trop quelles sont les intentions des gens qui font ça derrière- l’utilisation des mots. Ce que je veux dire par là, c’est l’immense débat sur alters-parts-headmates par exemple. Je considère, et c’est mon avis personnel mais je trouve que pour ce coup, ce serait bien que plus de gens, enfin tu vois, ce serait bien que ce soit pas que mon avis mais c’est mon avis: je considère que personne n’a à les mots que les autres utilisent. Et ça va dans les deux sens. Je considère que personne n’a à dire « non mais vous êtes juste des parts et alters ou personnes ou headmate ou n’importe quoi, c’est nul, vous êtes juste des parts » et à l’inverse, si une personne veut utiliser le mot part et se considère tous comme des parts, c’est leur droit et leur problème. Et à l’inverse, personne n’a à dire « c’est méchant, c’est pas assez gentil pour tes alters de les considérer comme des parts ». Ce qui est important je pense, c’est qu’une majorité du système se sente bien avec ça mais c’est de la popote interne, c’est personnel comme truc et je pense que ça, ça peut avoir un impact sur la légitimité de beaucoup de gens. D’être- de se sentir, que ce soit à raison ou par peur, jugé-e par l’utilisation de ses mots. Genre, si j’utilise tel mot, qu’est-ce que ça va dire sur moi et comment ça va être perçu dans la communauté quoi.
E: Oui c’est vrai.
K: Du coup voilà, c’est peut-être un aparté trop long mais bref. Ce que je voulais dire par là c’est: ce serait cool de ne pas être jugé-e pour les mots qu’on utilise.
E: Surtout tant que ce n’est pas oppressif.
K: Oui évidemment, évidemment!
E: Oui je suis tout à fait d’accord.
K: Voilà. Et vraiment dans les deux sens. Je l’ai déjà- ça m’a déjà posé des problèmes dans les deux sens. « Non mais vous n’êtes que des parts », « non mais tu peux pas dire que c’est pas une personne ». Non, tu peux pas me dire que je suis pas une personne, ça tu peux pas, mais fais ce que tu veux pour toi- même, chacun son problème tu vois.
E: C’est clair.
K: Mais donc bref pour conclure, c’était un peu très long, c’est vraiment, une fois de plus, après c’est pas une découverte, la pair-aidance qui t’a aidée, te rapprocher d’autres systèmes, pouvoir échanger des expériences avec des pair-es et avoir aussi les trucs et astuces et les tips de pair-es. E: Oui, oui. C’est vraiment ça qui a permis que ça aille dans un sens qui fait que ça va mieux aujourd’hui pour moi, pour nous. K: Donc si tu devais en faire une conclusion trop courte et du coup c’est pas bien parce que tu vois, c’est un résumé mais bon voilà, si tu devais c’est: les expériences communautaires et la pair-aidance qui t’ont aidée avec ta légiti- à mieux gérer ta légitimité et pas ton diag.
E: Oui.
K: D’accord. Tu fais partie de une personne sur deux.
E: Oui c’est ça haha. Je pense que- je pense que même si je n’avais pas eu de diag, ça aurait été dans le même sens grâce à la pair-aidance. Grâce au fait d’avoir lu des concerné-es et tout ça en anglais. Je pense que, que j’ai eu, que j’ai eu un diag ou pas, ça ne change rien tu vois.
K: C’est d’avoir été bien entourée, d’avoir écouté des gens qui avaient des valeurs qui correspondaient aux tiennent. Parce que là encore, moi je pense pas du tout qu’y ait un courant, je sais pas comment on dit ça mais tu vois, qu’y ait des pensées qui sont meilleurs que les autres. On en revient, je pense juste qu’il faut trouver des pair-es avec qui tu te sens bien et ne pas discriminer les autres, point.
E: Ça, c’est un peu la base.
K: C’est un peu comme ça qu’on arrive un peu au deuxième grand point dont on a envie de parler dans ce podcast concernant la légitimité. Et c’est ce que je vous disais dans l’intro, c’est de près ou de loin. Et nous on trouve que c’est de près mais peut-être que ça semble un peu plus de loin mais j’arrête de teaser, j’y viens. Et si on parlait -et c’est un « si on parlait » dans un « si on parlait », waouh! Haha. Et si on parlait des « fakes TDI »? Je l’ai dit.
E: Oui, parlons des « fakes TDI ».
K: Pour la définition, « fakes TDI », c’est un peu l’appellation commune qui en est ressortie pour, simplement, les personnes qui simulent avoir un TDI. Pourquoi « fakes TDI » c’est devenu un mot, moi j’ai l’impression- moi à la limite quand je l’imagine dans ma tête, je le vois en un mot. « FakeTDI ».
E: Moi aussi.
K: Tu vois c’est genre un hashtag. C’est un sujet qui revient quand même souvent sur le devant de la scène. Ouais, c’est un sujet qui revient souvent. Je suis pas sûr qu’il y ait une semaine où on entend pas parler de « fakes TDI ».
E: Quasiment tous les jours.
K: Déjà il y a tout le côté « fakes TDI » apporté par les personnes pas renseignées, comme les singlets, les trolls. Et j’ai pas vraiment envie de m’attarder sur cette partie-là, c’est pas vraiment cette partie-là qui nous intéresse concernant la légitimité parce que ben… Et je dis pas du tout que ça peut pas faire de- engendrer de crise de légitimité, c’est pas du tout ça que je dis. Mais j’ai pas grand-chose à vous en dire. J’entends que c’est compliqué, j’entends que n’importe quoi peut faire se sentir illégitime, même une micro poussière. Et c’est pas parce que c’est une micro poussières que vous en faites trop. Ce n’est pas parce que ça semble anodin que vous sur-réagissez. La légitimité, c’est compliqué. On vit dans une société très singlet-centrée et donc c’est compliqué. Mais oui, j’ai- je… je peux rien faire contre les trolls quoi. Le meilleur conseil que je peux donner vis-à-vis de ça, c’est: lisez juste les trucs qu’ils disent et juste, 99% du temps c’est vérifiable en quatre clics que c’est faux. Et c’est pas parce que c’est vérifiable que ça peut pas irrationnellement vous déclencher et vous faire vous sentir illégitime! Juste, ouais.
E: Mais oui ces gens-là qui disent « ah t’as vu Split », « t’as vu MHA », « moteur diesel », voilà ces gens-là, « t’es fou », bref. Ces gens-là, personnellement bien sûr c’est fatigant et en lire tous les jours c’est pénible et bien sûr ça peut toucher la légitimité mais ça reste des haters, des trolls, des gens qui n’y connaissent rien et faut les nier en fait. Faut les nier, faut s’éloigner de ça et pas essayer de leur répondre parce que, parce que ces gens-là veulent pas s’informer. Ces gens-là, c’est juste des gens qui n’ont pas des intentions positives du tout et qui, même si on essaye de leur donner des sources pour dire « renseignez-vous, en faite ça existe vraiment, je comprends que ça puisse être compliqué à appréhender au départ mais en fait c’est un vrai truc, tenez telle source, telle source, telle source »… Ils sont- ils s’en fichent, c’est pas leur but quoi.
K: Sur Twitter, hier, il y a un troll comme ça qui vraiment avait des propos hyper violents, méchants, insultants, qui disait vraiment « ouais les jeunes sur les réseaux sociaux, ils mentent tous ». Il a mis en lien une vidéo qui avait comme titre « Sur TikTok, énormément de fake DID », c’était en anglais, de « fakes TDI ». Et c’était une vidéo assez longue et ce que la vidéo disait c’était, en bref, « il y a certainement des fakes mais pas plus que dans n’importe quel autre trouble et non en fait, c’est plutôt cool que les jeunes aient un lieu d’expression ». Donc le type, il a mis un truc pour- enfin c’était- pour appuyer son propos qu’il n’avait pas regardé jusqu’au bout et qui donc le desservait à fond. Ça allait dans le sens de ce que nous on disait!
E: Oui, j’ai vu ce truc-là. C’est vraiment pas des gens qui veulent s’informer quoi, ça sert à rien.
K: C’est un peu le « quoi? 20 minutes de vidéo c’était trop long? tu as juste lu le titre? ».
E: Oui c’est ça, « t’as juste lu le titre ». Après ça, ça nous est déjà arrivé. Quand on a sorti la vidéo sur les séries, les deux dernières séries, la dernière vidéo qu’on a fait, « des personnages qui ont été un TDI dans les séries », il y a des gens qui ont dit qu’ils y croyaient pas, au fait que les personnages principaux de ces séries avaient un TDI. Juste sur base de la couverture.
K: Ah oui genre quoi Dr House a pas de TDI?
E: Genre « Gregory House n’a pas de TDI, n’importe quoi! » et c’est le « t’as pas regardé la vidéo », je suis sûre que t’as pas regardé la vidéo. Bref. Non mais ces gens-là, il faut les ignorer, ça sert à rien. À côté de ça, c’est clair que ne serait-ce que cette fameuse chasse aux « fakes TDI » sur TikTok, bien sûr elle vient de ce genre de personnes mais elle vient aussi de personnes concernées. Et c’est un peu, c’est un peu le côté vraiment dommage de la chasse aux « fakes TDI », c’est que c’est pas juste de la stigmatisation et des idées reçues qui viennent de personnes qui n’y connaissent absolument rien. À l’heure d’aujourd’hui, tu as vraiment un peu ce clivage, cette division dans la communauté du « les vrais TDI diag » et « les faux TDI autodiag » ou des trucs comme ça.
K: Ouais parfois même pas que. J’ai déjà vu des gens qui font un peu entre guillemets « la chasse aux fakes » mais qui sont pas contre l’autodiag.
E: Oui, d’accord.
K: Mais alors sur quels critères?
E: Oui c’est- bref la chasse aux fakes en général- oui c’est ça, t’as vraiment cette division dans la communauté entre les soi-disant « fakes TDI » et… non, t’as cette divisions dans la communauté des systèmes qui ont compris que c’était compliqué pour tout le monde et que voilà, la multiplicité c’était très vaste etc, et des systèmes qui, je pense, c’est vraiment mon avis, des systèmes qui n’ont pas compris, n’ont pas compris cette notion et du coup font de la chasse aux « fakes TDI.
K: Ouais je t’avoue que vu je suis pas du tout- enfin vu que je ne le ressens pas, vu que je ne chasse pas le fake, j’ai vraiment du mal à comprendre les raisons des personnes qui le font. Ça me semble pas très clair. De ce que j’en sais -et si quelqu’un veut donner son avis, c’est avec plaisir-, de ce que j’en sais, il y a ce truc du « les fakes, c’est irrespectueux » mais je comprends pas donc je te dis ce que j’en sais mais sache que j’ai pas compris. Donc vraiment, désolé si ce que je dis est pas vrai, juste voilà. Mais de ce que j’en sais, c’est irrespectueux de faker le TDI parce que c’est un vrai trouble, que les concerné-es ils souffrent, qu’ils sont discriminé-es, que c’est pas juste comique ni aesthetic, voilà. Mais j’arrive pas à comprendre cet argument parce que c’est pas les fakes qui sont discriminants, c’est la société, c’est le validisme.
E: C’est ça. Le TDI n’a pas attendu TikTok pour être discriminé et pour causer- enfin voilà, comme n’importe quel trouble en plus tu as quand même vraiment le validisme qui fait que tes difficultés elles sont pas prises en compte, tu as du mal à finir tes études ou trouver un boulot ou le garder, tu as du mal à t’en sortir dans la vie, tu as du mal à avoir des soins adaptés, etc.
K: Et même les interactions sociales.
E: C’est ça, dans les relations, c’est compliqué, des trucs ainsi. T’as du mal à avoir un accompagnement correct, à ce que ta santé mentale, ta santé tout court soit prise en compte.
K: Et je suis vraiment d’accord avec ça. Sur toutes les difficultés de ce que les troubles psys et même les handicaps en général apportent mais j’en suis absolument d’accord, y a aucun moment où je remets ça en question. Mais oui, j’arrive pas à comprendre en quoi c’est parce qu’il y a des gens qui « fakent », et j’ai mis des guillemets, que c’est pire.
E: Je vois pas le lien non plus. Comme je dis, tout ça n’a pas attendu TikTok ou même Insta, Youtube, Twitter pour que ça arrive. C’est vraiment un- en plus le TDI, c’est quand même un trouble qui était vraiment très très peu connu, qui est toujours très mal connu et ça change rien que des systèmes soi-disant « fakent » ou en tout cas, ne montrent sur TikTok ou autres que des trucs entre guillemets « positifs » tu vois.
K: Oui.
E: Pour moi ça change rien. C’est pas ça qui fait. Parce que le problème, il est vraiment- en fait le problème des difficultés liées au TDI, il est systémique. Tu vois, c’est un problème qui est très vaste, c’est un problème qui vient vraiment de la société. Ne serait-ce qu’avoir un diag, ça reste quand même un coup de chance ou un privilège.
K: À fond.
E: Quel que soit- déjà quelle que soit la maladie, le trouble, ou tout ce que tu veux mais le TDI encore plus quoi. Il faut l’argent, il faut la situation, il faut généralement être blanc, il faut avoir le vécu vraiment très précis mais t’as pas intérêt à être précaire ou des trucs comme ça sinon c’est pas possible.
K: Oui ou à avoir des comorbidités qui sont plus visibles sinon tu vas être diag de tes comorbidités mais jamais du TDI.
E: Oui ou à avoir autre chose. Et encore, il faut réussir à tomber sur un psy qui ne le confond pas avec la schizophrénie, sait ce que c’est, n’en a pas une vision stigmatisée, etc… c’est vrai- qui sait que ce n’est pas rare, voilà.
K: Qui ne croit pas que c’est à cause de TikTok maintenant, il faut quand même se le dire.
E: C’est ça voilà.
K: Et ce que je veux dire par ça, c’est pas « il n’existe aucun professionnel compétent », non, ce que je dis c’est: l’accès au diag est un privilège.
E: Oui, ou un coup de chance, oui, vraiment. Et donc oui je comprends pas cette chasse aux « fakes TDI » de la part d’autres systèmes notamment. Surtout- je trouve que c’est ça qui fait le plus mal quoi, c’est ça qui personnellement pourrait me remettre en cause ma légitimité ou de trucs comme ça. Ce qui me fait le plus mal c’est vraiment quand d’autres systèmes font de la chasse aux fakes. Parce que c’est le purée, c’est déjà tellement difficile de faire reconnaître ton vécu, comment? Comment tu peux te dire qu’aller remettre en doutes d’autres gens, c’est pertinent? Tu vois?
K: Ouais à fond, je suis d’accord. Et encore plus, moi je trouve c’est quand, c’est quand ça, c’est quand ça s’appuie sur quelque chose qui est pas loin de la vérité, tu vois? … Non, t’as pas compris, attends je t’explique. Genre bah tu vois c’est ce que je te disais, le troll là il a mis une vidéo qui en fait allait dans l’autre sens, j’ai perdu 20 minutes à regarder cette vidéo en anglais, au final qui n’était pas si mal, et au final voilà, j’ai rien, j’ai pas de réflexion à faire avec ça. Juste, il a essayé de me troller, il était sûr de lui mais c’était démontable en 4 secondes et voilà. Ce que je trouve vraiment douloureux, c’est des arguments qui sont mais je te dis proches de la vérité. Comme essayer de mettre des limites et des barrières sur des symptômes. Bah par exemple, un truc, c’est quand il y a une espèce de culpabilisation sur le niveau de souffrance. Tu vois? Sur, genre parce que c’est, parce que c’est lié à un critère diag. Un critère diag du TDI c’est « il faut mal le vivre », tu vois, ça doit cause une détresse clinique significative. Mais « significative » ça veut rien dire et puis c’est personnel. Et donc tous les trucs de chasse aux fakes sur « ça montre que les bons côtés », « ça- c’est pas que être joyeux », etc, tu vois ça fait poser des questions genre « est-ce que je souffre assez? ». Tu vois, il y a une base de vrai.
E: Dans les critères diag, oui.
K: Oui, dans l’argumentaire utilisé par les gens qui font la chasse aux fakes, quand il y a une base de vrai, je trouve ça hyper plus déstabilisant, c’est vachement plus difficile de balayer ça d’un revers de main en disant « t’as même pas regardé ta vidéo », tu vois. Pareil, quand ça vient toucher un peu aux traumas et sur la légitimité et la gravité des traumas. Ou quand ça vient toucher à l’amnésie, tu vois, tous ces trucs qui ont une base de vrai pour faire du faux. Pour faire des expériences limitantes alors que c’est pas vrai. Enfin tu vois, c’est comme je te dis pour l’histoire de la détresse significative, ça dit pas- il n’y a pas, y a pas une liste à cocher quoi. Détresse significative, c’est pas vous avez du mal avec les trucs d’hygiène, vous avez pris seulement deux repas aujourd’hui et pas trois, enfin c’est pas un truc à points et où, si tu as dix points-.
E: Votre température est de 38,2.
K: Si t’as 10 points, tu souffres assez, si t’en as 9, tu souffre pas assez, non. C’est personnel la souffrance, c’est un truc de ressentis. Et donc ouais, moi je trouve ça vraiment chaud, ouais parce que c’est pas juste balayable. E: C’est clair, surtout que cette histoire de souffrance, ça reste, quand t’as un TDI ou quand t’es multiple en général mais quand t’as un TDI, généralement le masking il est quand même vachement fort quoi, enfin il peut l’être, donc tu peux ne même pas te rendre compte que tu souffres. K: Oui, tout comme tu peux ne même pas te rendre compte que tu oublies.
E: Oui donc c’est vraiment, voilà.
K: Oui et c’est- ouais, c’est ça qui me, ouais, en plus du fait que, en tant que concerné-e, il est censé logiquement dans mon coeur y avoir une espèce d’entraide et de connaissances par essence des difficultés qui du coup fait un peu « oh bah pas merci les gars », il y a potentiellement une plus grande information et ça c’est bien, mais utilisée à des fins pas bien…
E: T’es expert de ton propre trouble, dans le sens de ton vécu et de tes expériences avec ton trouble. Je dis pas que la multiplicité c’est toujours un trouble, loin de là mais ici on parle plus spécifiquement du TDI donc voilà. Mais même de ta multiplicité, bref, ça change rien. Mais ça veut pas dire que tu es expert du trouble en général tu vois. Et vraiment je suis la première à le dire parce que, bah notamment quand j’ai été diag comme je le disais mais même dans les mois qui ont suivi à ce moment-là, j’étais pas expert du TDI hein, loin de là. Et en soi, je me considère toujours pas expert du TDI.
K: Non parce qu’on apprend tous les jours.
E: Mais maintenant j’ai plus de connaissances et d’informations « universelles » et de différentes sources qui me permettent d’avoir une information plus claire sur le sujet.
K: Oui et en tout cas, enfin si je devais ressortir un grand concept de ce que j’en ai appris et de en quoi je suis de plus en plus sûr et certain au fur et à mesure des années, c’est: tu ne peux pas quantifier la multitude de possibilités. C’est ma plus belle certitude.
E: C’est ça.
K: C’est pas parce que je n’ai pas entendu parler d’une expérience qu’elle est improbable.
E: Ou impossible.
K: Oui ou impossible. Juste, je n’en ai pas entendu parler et voilà.
E: Oui. Et à côté de ça, souvent les gens qui font un peu de la chasse aux fakes aussi, c’est des gens qui se « cachent », si je peux dire, derrière la psychiatrie. Et ça pour le coup, personnellement du coup, je suis sûre que la psychiatrie n’est pas experte non plus. Parce que, bah parce que ça s’est prouvé en fait. Déjà dans mon propre parcours psy mais bon ça, c’est une expérience personnelle. Dans le parcours psy d’énormément de gens, déjà d’énormément de personnes qui ont un trouble en général mais d’énormément de personnes qui ont un TDI, ATDS ou TDI partiel ou bref. Et dans- quand je vois comment les études sont faites, le passif du TDI-.
K: Bah-.
E: Oui ?
K: Pardon je t’ai coupée.
E: Vas-y, vas-y.
K: Bah oui, 90%, enfin 90% des études, c’est vérifier si le TDI c’est vrai ou c’est faux. C’est pas- faut arrêter, c’est pas étudier le TDI. Et je dis pas qu’il n’y a pas d’études qui étudient le TDI, me faites pas dire ce que j’ai pas dit, mais déjà c’est relativement récent et en plus de ça, si tu regarde vraiment, sur ces 20 dernières années, une majorité c’est- il y a toujours un groupe test pour savoir si les gens ils ont pu faker, s’ils ont pu inventer, s’ils ont pu remettre les mêmes trucs. Même l’étude sur l’IRM qui prouve que, pas chez tout le monde mais chez certaines personnes, on peut voir des trucs à l’IRM, même là il y avait un groupe pour voir si c’était possible que, en n’ayant pas de TDI, c’était possible de voir la même chose à l’IRM.
E: Oui c’est ça.
K: C’est quoi l’intention?
E: C’est ça et à côté de ça, une des personnes les plus influentes au niveau des théories sur le TDI, notamment celui de la théorie de la dissociation structurelle, ça reste un abuseur. Et un abuseur avéré, condamné, donc enfin… Voilà, je pense que non, je ne peux pas considérer à l’heure actuelle que la psychiatrie est seul experte du TDI, je peux pas parce que le passif du TDI est trop grand. Et donc se cacher derrière « la science a dit que » alors que comme on l’a dit, dans le DSM en fait c’est pas si limitant que ça, même l’ATDS c’est pas limité du tout.
K: Non, c’est un fourre-tout ce truc. E: Oui, l’ATDS c’est un peut un fourre-tout et c’est pas méchant pour le système ATDS, pas du tout. K: Non, non, pas du tout, pas du tout, je parle vraiment juste des critères diag qui sont très, très larges.
E: Je veux dire, voilà, à un moment, se cacher derrière la science, je comprends, j’entends et c’est un besoin que j’ai eu. J’ai eu besoin de comprendre par la science d’où ça venait, tu vois, personnellement. Parce que, parce que ça fait partie de mes besoins et puis je m’en suis détachée aussi parce que je me suis rendu compte qu’en fait, tout n’était pas cohérent du tout et que ça essayait de te faire rentrer dans des cases -évidemment, la psychiatrie-, plus que ça n’essayait vraiment de donner des réponses.
K: Et là encore, je pense que, je vais répéter un peu ce que j’ai dit sur parts et alters et headmates, c’est ok d’en penser ce qu’on en veut. Si la science et la psychiatrie, ça te convient, ça te plaît et que tu trouves ça cool et que ça répond à tes questions, eh bien tant mieux, reste-y.
E: Mais n’entraine pas les autres si ça ne leur convient pas.
K: Oui c’est ça. Donne tes informations- c’est toujours la même chose, c’est ok d’informer mais c’est pas ok de limiter et contrôler. Moi je comprends pas pourquoi- je ne comprends pas pourquoi science et expériences communautaires ne peuvent pas cohabiter; pourquoi il y a une espèce de guerre.
E: Je sais pas. Je ne sais pas pourquoi il y a cette espèce de guerre et je pense que c’est un débat qui serait vraiment beaucoup trop long. Mais je pense que, je pense que la science en termes de mental notamment, pas que, même en termes de physique mais, la science en termes de mental, elle est quand même pas si aboutie que ça et en termes de TDI, quand tu vois le passif et même l’actif, même le présent, c’est pas glorieux non plus quoi. Voilà. Et je pense que ça vient du fait, entre autres, que il y a toujours un peu ce côté fascination autour du TDI. Évidemment tu as ces gens qui disent « oui tu vas te cacher derrière des alters alors que tu commets des crimes », on fera un podcast sur la responsabilité du système, je pense que c’est une bonne idée parce que voilà, avoir un TDI n’est pas non plus un totem d’immunité pour ne pas être une crevure. Voilà, se cacher derrière ses alters, le problème ne vient pas du TDI et n’indique pas non plus du fake, ça indique que la personne n’est pas dans les meilleures conditions pour être une personne bienveillante actuellement, bref. Mais je pense que le problème qu’y a derrière tout ça, c’est aussi parce que le TDI est très généralement associé aux traumatismes d’enfance, tu vois. C’est pas systématiquement le cas, etc, mais il y a quand même un lien qui est assez avéré entre les deux, on a déjà parlé dans des vidéos et tout. En général, on associe très fort TDI et traumatismes d’enfance et je pense qu’il y a vraiment une diffi-.
K: Tu peux peut-être expliquer pourquoi tu dis « en général ».
E: En général, c’est pas, c’est pas toujours, toujours le cas. Déjà parce que on peut pas le prouver, parce qu’on peut pas faire des tests dessus. Parce qu’il y a des systèmes qui répondent aux critères du TDI mais qui- les traumatismes, c’est pas un critère, c’est quelque chose qui est généralement lié mais ce n’est pas un critère diagnostique donc il y a des systèmes qui répondent aux critères diagnostiques sans les traumas, vu que les traumas c’est pas un critère diagnostique. On peut évidemment ne pas s’en souvenir et des choses comme ça, parce que l’amnésie traumatique merci.
K: Vu que c’est généralement lié à des traumas d’enfance, tu pense qu’il y a un lien avec cette espèce de chape de plomb sur les traumas infantiles et sur la discrimination et le pourquoi c’est pas cru.
E: Oui, je pense vraiment qu’il y a un lien avec ça. Et dans le fait de se croire soi-même et dans le fait que la société, et même la science-.
K: Parce que quoi, tu vois, ouais c’est ça, c’est ce qui fait que l’idée reçue sur le fait que c’est rare quoi. Accepter que c’est pas rare, c’est accepter qu’il y a beaucoup plus de violence et d’abus que ce qu’on pense, enfin que ce qui est dit ouvertement.
E: C’est ça. C’est pas simple à accepter de la part de la société, pourtant c’est le cas.
K: Alors que pourtant il y a quand même des études qui sortent maintenant. Tu vois un sur cinq.
E: Oui mais je pense que c’est un lien qui est pas toujours fait et- mais qui est sûrement inconsciemment fait quand même qui- voilà, ça reste difficile à accepter par notre société que 1 enfant sur 5, ce qui veut dire que 1 abuseur à chaque fois, potentiellement, tu vois, ou un qui en abuse plusieurs mais ça change rien. C’est quand même beaucoup, un enfant sur cinq, et on parle que de ce type de traumas-là. Voilà. Parce que, en fait les types de traumas, y en a plein. Et y a les traumas « considérés comme graves », je n’aime vraiment pas ce mot parce que je n’aime pas la hiérarchisation de la souffrance.
K: Je comprends pas trop bien le principe, c’est exactement- je pourrais dire exactement la même chose. J’entends ce que les gens en disent mais je le comprends pas par moi-même et du coup je comprends pas.
E: Non mais je pense que, je pense que un trauma ça restera toujours personnel et voilà. Tu réagis- un truc qui traumatiser quelqu’un va pas traumatiser quelqu’un d’autre, et c’est ta propre réaction émotionnelle qui détermine si ça ne te laisser une marque ou pas. Il y a des événements, des types d’événements qui ont tendance à laisser des marques chez plus de gens. Mais il y a des gens qui n’en garderont pas trace, et vraiment pas, et il y a des gens que oui. C’est la même chose. À côté de ça, tout peut être un événement traumatisant et tout événement répété peut devenir traumatisant ou l’être dès le départ et devenir un traumatisme complexe, etc, voilà.
K: Oui et donc tu penses que ça peut être un facteur qui joue sur le fait d’être dérangé-e par le fait qu’il y ait beaucoup, pour revenir à l’exemple on a donné, de comptes TikTok.
E: Oui je pense que ça, je pense que ça joue de se dire ben non en fait il y a d’autres gens qui sont traumatisés par d’autres trucs, par les mêmes, qui vivent pas la même chose et oui en fait le TDI c’est pas rare parce que, malheureusement, potentiellement, les abus c’est pas rare, et les traumas surtout c’est pas rare.
K: Oui c’est ça je n’arrive pas bien à ressentir quel mal ça fait qu’y ait beaucoup de comptes qui expriment des expériences différentes, qui montre que les beaux côtés ou pas, ou qui montrent que les mauvais ou qui- enfin évidemment, dans la multitude de comptes qu’y a sur TikTok et sur les réseaux sociaux en général, je me reconnais pas dans tous. Mais c’est pas le but. À un moment, je me reconnais pas dans tout Youtube. Je me reconnais pas dans tout le contenu, je me reconnais pas dans tous les Youtubeureuses autistes non plus, il y en a que je préfère et d’autres que j’aime moins. Mais est-ce que pour autant, ils devraient pas exister, ils me font du mal, bah non.
E: Non c’est clair. Et est-ce que pour autant tu connais vraiment leur vie et tout, voilà.
K: Bah ça me vient pas à l’idée en fait.
E: Oui. D’autant plus que, un moyen qui est quand même bien pour essayer de mieux gérer une multiplicité qui nous poserait des difficultés, c’est justement de laisser s’exprimer les alters, essayer d’apprendre à les connaître, à les comprendre, etc.
TikTok, ça reste juste un outil dans ce cas-là.
K: Un outil on adéquation avec son temps quoi.
E: Oui c’est ça, il y a plein de systèmes qui font ce genre de vidéos pour les vues parce que ça les éclate ou des trucs ainsi mais il y a plein de systèmes qui font ça pour communiquer entre alters, et c’est totalement ok. Et surtout, encore une fois, le TDI n’a pas attendu TikTok pour être lié à des traumas. Les traumas n’ont pas attendus TikTok pour arriver-.
K: Et pour être discriminés.
E: C’est ça. Tous ces trucs-là, ça a pas attendu une visibilisation du TDi, c’était déjà là.
K: Oui c’est ça.
E: Et c’est se tromper d’ennemi que d’attaquer ces gens-là en fait, je pense. C’est se tromper de lutte, selon moi.
K: Je pense aussi et surtout que bah donc, pour nous et je te dis peut-être qu’il y a des gens qui ont d’autres arguments mais je, actuellement je les vois pas. Pour nous, c’est pas donc ouais ces gens-là qui font du mal mais c’est les gens qui mettent des arguments ou qui mettent juste- ou juste qui font des gens en plus sur la délégitimisation, qui eux font du mal aux concerné-es vraiment.
E: C’est ça. Et je pense vraiment que, pour en revenir du coup à la légitimité effectivement, faire de la chasse aux fakes, et je dis pas qu’y a pas de fakes, comme on l’a toujours, oui y en, ils sont minoritaires, et on s’en fiche un peu en fait, ils n’apportent rien, ils se lassent totu seuls et puis voilà, c’est fini, y a pas de problème. Et c’est pas ces gens-là que non plus qui sont à l’origine du manque de soins, du manque de prise en charge, du manque de reconnaissance, de la stigmatisation, etc, etc. Mais faire la chasse aux fakes, oui.
K: Ce serait plus facile au final, que ce soit juste un pauvre, une pauvre personnes sur TikTok qui soit responsable de tout, on lui dirait « arrête s’il te plaît » et voilà.
E: Plus de problème! Et à côte de ça, faire la chasse aux fakes ben justement au contraire, parce que du coup il y a de la désinformation qui circule, il y a les systèmes qui se tirent dans les pattes et des trucs comme ça, enfin je veux dire, il y a vraiment des systèmes qui sont agressifs avec d’autres systèmes sur le « ton vécu n’est pas légitime », « ton vécu ne correspond pas à ce que moi je pense que la science elle dit ou moi je pense que ça devrait être comme ». Et au final, ça met vraiment des gens mal et il y a des gens qui lisent ça. Et je pense vraiment à tous les anonymes-là qui partent jamais qui en souffrent certainement énormément et qui du coup retardent eux aussi, comme moi je l’ai fait quand j’ai pris conscience de mon diagnostic à cause déjà de toutes ces idées reçues que j’avais en tête, qui retardent le fait d’améliorer leur situation s’ils sont en difficulté.
K: À fond. E: Et donc vraiment, je vois pas l’intérêt de la chasse aux fakes, à part tacler la légitimité des personnes concernées, ça sert à rien selon moi, vraiment. Et j’entends qu’il y a des gens qui pensent qu’ils donnent le bâton pour se faire battre parce qu’ils rendent ça visible ou des trucs comme ça et donc les haters et les trolls peuvent les attaquer avec des choses concrètes. C’est pas le cas. Les haters, ils vont quand même attaquer, sur quoi que ce soit. Personnellement, j’ai fait une vidéo qui est très soft je trouve, la vidéo de France TV Slash, où on voit pas ma tête, mon discours est clair, je montre bien que j’ai pas 15 ans, -et pas de problème avec les personnes de 15 ans, on va y revenir- et cette vidéo est attaquée. Parce que le problème, comme je le disais, c’est pas, c’est pas ça, c’est vraiment le TDI est stigmatisé, point.
K: Oui c’est ça, il y a des gens qui parlent de l’importance de tes traumas alors que tu n’en parles pas dans la vidéo.
E: Oui, c’est ça. Je parle d’une base traumatique dans la vidéo alors- je n’exprime pas du tout mes traumas en fait dedans, et les gens considèrent que je n’ai pas, je n’ai pas vécu assez grave ou que j’ai vu Split alors que, comme je dis, j’avais pas vu Split quand j’ai été diag, etc, etc, voilà. Il y a même des gens qui aujourd’hui disent que le nom que j’ai donné, donc un nom anonyme, à ma little dans la vidéo, c’est le même nom qu’une Youtubeuse- que le nom d’une little d’une Youtube plus connue aujourd’hui. Mais dans le sens c’est moi qui fake alors que la vidéo date d’avant. Parce que, comme on disait, les gens ils se renseignent pas, ils font pas attention à ce genre de choses, mais les haters ils sont là et c’est pas en faisant de la chasse aux fakes que ça va régler ce problème-là, pas du tout. La stigmatisation du TDI, elle vient de la fascination, de la stigmatisation en général, du validisme, de la psychophobie, de toutes les idées reçues qui circulent et de vraiment ce problème systémique qui existe et qui ne peut selon moi être combattu que par une information relativement correcte, de la bienveillance et de la pair-aidance entre les systèmes. Parce que pour moi c’est vraiment le truc qui peut aider, c’est la pair-aidance. L’aide entre des personnes qui vivent la même chose même si c’est pas strictement, comme on le disait, la même chose parce que c’est pas possible parce que tous les systèmes sont différents, tout le monde a un tips qui pourra aider un autre système qui pourra aider un autre système qui pourra aider un autre système. Voilà, pour moi, c’est vraiment, c’est vraiment ça l’essentiel et c’est vraiment perdre une énergie considérable que de faire de la chasse aux fakes alors que le problème n’est pas là.
K: Et je vais le rappeler parce que c’est toujours important de rappeler les choses un peu à chaque fois: à aucun moment on dit « si vous êtes en danger, n’allez pas consulter de professionnel-les ».
E: Bien sûr.
K: C’est pas qu’on dit. À aucun moment. Aucun.
E: Et si vous en ressentez le besoin ou l’envie, allez consulter des professionnel-les, bien sûr.
K: À fond.
E: Bien sûr. Mais si vous n’en n’avez pas besoin, pas envie, que c’est pas le moment ou des trucs ainsi, n’y allez pas maintenant, c’est tout, ou n’y allez pas tout court.
K: Ouais et moi je dirais même, surtout, une fois de plus, ne vous permettez pas de l’imposer aux autres.
E: Y a que si y un vrai danger que à ce moment-là bon, trucs comme ça.
K: Oui mais tu l’imposes pas à un inconnu enfin tu vois, comment tu peux savoir qu’un inconnu est en vrai danger, non c’est à tes proches tu vois. Évidemment, si tu sembles être en danger, je te dirai- c’est pareil si tu sors pas de ton lit parce que tu as une maladie physique pendant cinq jours, je vais dire « tu irais peut-être bien voir un toubib quand même », c’est pareil mais c’est pas Jean-Michel sur Twitter qui va dire d’aller voir un toubib. E: Non. K: On est d’accord, merci.
E: C’est clair, t’es pas dans ma maison, t’es pas dans ma vie, tu sais pas quand est-ce que j’ai besoin d’aller voir un toubib ou pas.
K: Et pour rebondir sur ce que tu as dit de « 15 ans », un truc qui me dérange encore plus et qui vraiment, là pour le coup- tu vois, tout ce que je t’ai dit avant, je l’ai dit beaucoup de fois, j’ai dit je comprends pas. Et je suis triste des conséquences que ça a sur plein de gens et tout mais la base c’est je comprends pas. Mais là, par contre, c’est plutôt- ça m’énerve et je comprends pas, mais c’est un jeu comprend pas du « je comprends pas! », c’est un je comprends pas énervé, c’est: à quel moment l’argumentaire qui dit « c’est que des jeunes, des ados, des gamins », c’est censé être un argument? À quel moment, en tant qu’adulte ou de personnes un peu plus âgée ou de, on s’en fout que vous soyez majeur-es ou mineur-es mais tu vois, en tant que personne pas ado ou un peu moins ado, ça semble être un argument cohérent et un truc à faire d’aller tacler des enfants? C’est quoi le but? On en revient, qui fake, qui fake pas, je m’en fous, mais à quel moment se dire « ah je vais aller les harceler pour les traumatiser parce que bon, tu as menti sur le fait d’être traumatisé-e, ben je vais te traumatiser moi alors, comme ça ce sera fait, tu mentiras plus ». Non, c’est un raccourci hein, je dis pas si on harcèle des gens, il va avoir un TDI, arrêtez, j’ai rien dit. Mais c’est quoi le bail? Je comprends pas. Et là vraiment, cet argument qu’ils disent « c’est que des ados qui font ça pour l’attention », et quoi? En tant qu’adulte, tu vas taper sur les gamins? Ben non.
E: Et vraiment c’est pas pour faire de l’âgisme du tout parce que je considère vraiment que les ados peuvent avoir conscience d’eux-mêmes, etc, etc, et je considère pas que les adultes n’ont pas la même conscience d’eux-mêmes que certains ados et inversement mais oui, ce principe-.
K: Je parle du fait que ce soit un argument.
E: Oui oui. K: Que le pourquoi ils fakent, c’est parce que ce seraient des ados. E: Oui oui c’est clair et j’ai vu des systèmes qui sont fiers de parler en tant que plus âgés pour tacler ces mêmes ados. Tu vois ce que je veux dire ? K: En tant qu’adulte responsable, on est censé-es protéger des enfants. C’est le concept hein. C’est le problème de la société, on protège pas assez les enfants, on en revient, la chape de plomb tout ça, la boucle est bouclée. E: À quel moment tu peux être fier-e de dire « j’ai 28 ans et je vais taper sur des gamins de 13 ans »?
K: Aucun, d’ailleurs je le fais pas.
E: Voilà, c’est ça. Même si, même si dans ton for intérieur, tu te dis que, même si, tu les laisses tranquille.
K: Tu swipes.
E: Mais tu vas pas les harceler.
K: Et encore. Même au-delà de les harceler, même aller leur dire en tant que inconnu, je pense que tu mens, c’est déjà du harcèlement, il y a le fond et la forme. Et même si c’est pas du harcèlement à proprement parler, ça va déjà faire souffrir.
E: C’est ça, ça va déjà les faire souffrir, ça va juste faire souffrir, montrer qu’on peut pas faire confiance aux gens, montrer potentiellement peut pas faire confiance aux adultes, montrer qu’on peut pas faire confiance aux autres personnes concernées, etc, etc. Et donc-.
K: Pousser à l’isolement encore plus.
E: Pousser à l’isolement et donc des problèmes de confiance potentiellement qui sont déjà là vont être renforcés ou vont se créer et donc vraiment, je vois pas l’intérêt et j’y vois même un désintérêt certain. Qui est, non, déjà on ne fait pas de mal aux autres mais en plus, tu ne considères pas comme un argument de taper sur des jeunes ou des enfants.
K: Mais oui. Voilà bon, bref, c’était un peu animé aujourd’hui hein. Après c’était un sujet compliqué, on avait beaucoup de chose à en dire, ça faisait longtemps qu’on avait envie de prendre la parole à ce propos mais je ne savais pas trop comment, nos vidéos qui sont plus formelles s’y prêtaient pas trop, on avait vraiment envie d’en discuter et donc voilà, on est vraiment contents que ce soit arrivé. N’hésitez pas à donner vos avis respectueusement dans les commentaires avec plaisir. Et du coup, un peu pour conclure, comment elle est ta légitimité aujourd’hui?
E: Meilleure quand même haha. Vraiment quand même meilleure, ça fait quand même, ça fait quand même un certain nombre d’années maintenant donc bon, et heureusement pour moi. Mais après il y a des systèmes qui après plusieurs années ont toujours des problèmes de légitimité et c’est totalement légitime, ça m’arrive encore de- ça m’arrive encore de douter dans des moments vraiment de crise, je peux encore douter. Par contre il y a un truc qui reste et vraiment pour le coup, c’est mon expression, je pense, des problèmes de légitimité.
K: Ouais, je pense que, je pense que plus tu avances dans la, dans l’acceptation, et plus tes problèmes de légitimité deviennent ciblés. Potentiellement, ce n’est pas une généralité, mais tu vois, je pense que il y a- au début tu peux être un peu déclenché-e par tout et puis après, tu as un peu tes trucs déclenchant de prédilection.
E: Oui c’est ça, c’est ça. Personnellement, c’est vraiment très rare que je pense que mes alters n’existent pas ou que j’invente ou que je me convaincs ou bref, c’est vraiment devenu très très rare ça, ce genre de trucs. Par contre, il y a une idée en arrière-plan qui reste et je sais d’où elle vient. J’ai une idée en arrière-plan qui dit que le TDI, ça n’existe pas.
K: Pas que le TDI, la multiplicité.
E: La multiplicité aussi, oui, c’est ça, que le fait d’être plus de, le fait d’être plus qu’un dans sa tête.
K: Général, ok.
E: Voilà.
K: Quelle que soit l’origine.
E: Et c’est vraiment, et c’est vraiment drôle et c’est vraiment là qu’on voit la multiplicité: ce qui est assez comique encore une fois hein, c’est que vraiment on pense pas ça, c’est pas du tout ma pensée, vraiment et d’ailleurs je peux en même temps me dire que la multiplicité, ça existe pas et en même temps, tous mes amis multiples, je les crois totalement et je sais qu’ils sont multiples et je les vois et tout, vraiment, voilà et j’en côtoie quand même pas mal des personnes multiples maintenant, bref. Voilà. C’est vraiment une graine d’idée qui reste, qui de temps en temps pousse un peu plus fort, qui redevient une graine et qui vient de, je pense, bah déjà la société singlet-centrée, la stigmatisation du TDI, qui vient d’un passif psychiatrique que j’ai eu, voilà, et un peu de tout ça. Il y a des moments où, il y a des moments où bien sûr, les haters ça me touche, la chasse aux fakes, ça me touche et il y a des moments où « la science a dit que », ça me touche, évidemment, ça peut arriver à n’importe qui, bah ça m’arrive à moi de temps en temps. Et donc j’ai cette idée de temps en temps qui reste et je pense que c’est ce que je disais, je pense que c’est mon expression des crises de légitimité. Je pense qu’il y a des gens qui doutent sur d’autres sujets, moi c’est celui-là. Et ça s’exprime pas, ça reste très en arrière-plan, ça reste très dans ma tête, il y a des moments où j’y pense, y a des moments où c’est plus fort mais ça reste en moi.
K: Et très loin.
E: Oui, ça reste loin, ça sort pas de, ça pas de ma tête quoi et ça sort pas- ça va, ça vient même pas vraiment au conscient. Et vraiment, c’est vraiment comme une idée envahissante qui peut arriver.
K: C’est ça, tu dirais pas de- tu peux pas dire que c’est une pensée de quelqu’un.
E: Non non même pas ça vient pas vraiment de quelqu’un.
K: C’est plus subtil et loin, loin, loin dans l’inconscient que ça.
E: C’est ça, c’est vraiment une pensée de l’inconscient. C’est peut-être un fragment, c’est possible, peut-être un alter qui se développera un jour et peut-être qu’on pourra communiquer et s’expliquer sur ce sujet, peut-être, peut-être pas.
K: Peut-être qu’il parlera de ses traumas et de ton passé psychiatrique.
E: C’est ça, c’est pas encore l’heure, c’est pas encore l’heure, c’est ok. Voilà et donc vraiment, j’ai envie de dire, je les comprends ces doutes, je les ai eus, je les ai vécus, je les vis encore, comme je dis, j’ai des pensées en arrière-plan comme ça qui peuvent arriver. Et je doute jamais des autres personnes multiples, je doute entre guillemets de « ma propre multiplicité » parce que comme j’ai dit, je peux en même temps penser que la multiplicité ça n’existe pas et en même temps avoir totalement confiance dans le fait que la multiplicité ça existe. Voilà, je les comprends ces doutes et je pense que la légitimité ça touche tous les systèmes et pas seulement du coup dans ce principe de inventer ou pas, de pousser ses symptômes ou pas, ou des trucs comme ça. Je pense que c’est, ça peut être beaucoup plus large parce que comme je dis, c’est très inconscient chez moi et ça vient très de la psychiatrie et des idées reçues parce que, comme je dis, le documentaire de Youtube par exemple, il diffuse vraiment des informations- de la désinformation tu vois.
K: Oui le vieux documentaire que tu as vu sur Youtube y a des années.
E: Oui le vieux documentaire de Youtube. Voilà bref donc vraiment, je les comprends ces doutes et je comprends du coup dans l’absolu que tous les systèmes vivent ces doutes et que ça s’exprime de différentes façons. Il y a des gens, je pense, qui vont exprimer ces doutes en n’ayant pas confiance en eux, il y a des gens qui vont exprimer ces doutes en sur-cherchant des informations, sur-cherchant des termes, sur-cherchant dans la science et des trucs comme ça, et il y a des gens qui, je pense, vont exprimer ces doutes en attaquant d’autres systèmes par besoin de rassurer leur propre légitimité je pense, tu vois. Et c’est dommage. Et autant je comprends qu’on puisse avoir des doutes, autant je comprends pas qu’on puisse faire ça. Tu vois personnellement, si ces doutes devenaient vraiment envahissants, si le contenu de Partielles pouvait en être affecté parce que vraiment, c’est justement parce que j’ai pas trouvé ces informations, on n’a pas trouvé ces informations quand on les cherchait et qu’il n’y avait pas de ressources en français vraiment à ce moment-là et tout ça, qu’on a créé Partielles et qu’on a cherché à le rendre le plus inclusif possible parce que la multiplicité comme on disait, c’est vraiment tellement vaste, et on n’en avait aucune idée quand on a créé Partielles, et pourtant voilà.
K: Oui on en avait qu’un soupçon d’idée quoi.
E: Oui qu’un soupçon d’idée et on développe ces connaissances tous les jours.
K: À fond. Il y a tellement de trucs… Mon anglais n’est vraiment pas bon, je sais pas si vous l’avez compris à force mais il y a tellement d’articles dans mes machins à lire en anglais que juste je comprends pas assez subtilement. Il y a tellement de choses qui existent sur lesquelles j’aimerais encore me renseigner et juste, l’accès à l’information reste compliqué pour moi quoi.
E: Et donc voilà, le but de Partielles, ça a toujours été ça, la multiplicité et le TDI, et être inclusif et essayer de vraiment, essayer vraiment de donner de l’information et de donner l’information essentielle qui est: votre expérience est légitime. Parce que vraiment la- toutes les expériences sont légitimes en termes de multiplicité, point. Et tous les systèmes sont différents, etc. mais je sais que-.
K: Oui c’est ça parce que, on en revient, pas parce qu’on pense que personne ne fake ou personne n’exagère mais parce que il n’y a pas d’intérêt à dire le contraire, il n’y a aucun argument selon nous qui pourrait aller dans cette balance.
E: Non, c’est clair. Et c’est ça que je dis, si un jour, ces doutes devaient prendre trop de place, devaient- comme je dis, se l’heure arrive et que c’est en fait un alter et qu’il vient devant et des trucs ainsi, si un jour ces doutes devaient prendre trop de place et devaient affecter le contenu qu’on fait sur Partielles, que je fais sur sur Partielles, que ça dure 15 jours, trois mois ou trois ans, je pense que j’arrêterais de faire du contenu. Je pense que si je me rendais compte que mes doutes personnels affectent ce que j’essaie de faire, ce qu’on essaie de faire en donnant de l’information avec Partielles, je pense vraiment que j’arrêterais. J’espère que j’arrêterais en tout cas mais je pense vraiment que ce serait le cas. Parce que mon but est pas là tu vois.
Parce que vraiment, je les comprends ces doutes et je comprends à quel point on peut avoir envie de dire « ça je me reconnais pas alors c’est pas vrai », « ça je veux pas y croire alors c’est pas vrai », « ça je préférerais que ce soit faux alors c’est pas vrai », tu vois. Vraiment je peux comprendre tout ça mais je laisserais pas faire tu vois. Parce que, parce que ce serait mes propres doutes et que voilà, je veux pas laisser mes doutes me faire faire de la chasse aux fakes ou des trucs comme ça ou me faire dire- ou me faire donner des informations limitantes alors qu’elles ne sont pas ou des trucs comme ça.
K: À fond, et ce qui veut pas dire qu’on a l’impression de donner des informations à 100% précises non plus, pas du tout. On fait de notre mieux et, tu vois, tu as dit « on a toujours essayé d’être le plus inclusif possible » et c’est tout à fait vrai, c’est vraiment là la bonne formulation. On a toujours essayé d’être le plus inclusif possible mais on est 100 mille fois plus inclusifs aujourd’hui qu’y a trois ans.
E: Oui c’est sûr.
K: Parce qu’on avait moins de connaissances et donc voilà, notre ligne directrice ne change pas mais comment ça se représente est tellement plus grand quoi.
E: Oui c’est sûr, et vraiment, avec Partielles tu vois, j’ai envie qu’on donne une information qui est la plus juste possible. Tu vois, sur base et de la science et du discours des concerné-es. C’est vraiment l’objectif: donner de l’information sur le TDI, sur la multiplicité et tout, et je pense vraiment qu’un nos grands axes, et on ne l’a pas cherché au départ mais c’est ce qui ressort aujourd’hui, c’est permettre aux gens de préserver leur légitimité fragile, tu vois. En donnant bah justement une information qui est oui, plus vaste et plus, voilà, qui est plus dans le sens « oui, c’est légitime » parce que c’est légitime.
K: Oui, après déjà en ayant fait le choix d’être très impersonnel, c’est logique qu’on donne une information plus vaste. Il y a très- même s’il y a énormément de petits morceaux de vécu mais dispersés un peu partout, y a pas, il n’y a pas d’histoire de a à z quoi et donc bah oui, rien que par ça, c’est logique. Mais oui je pense que c’est parce que c’est ce en quoi on croit au fond.
E: Oui c’est ça, parce que je pense que c’est vraiment, c’est vraiment quelque chose d’important à comprendre que la légitimité, c’est vraiment compliqué et c’est pas juste personnel et c’est un problème qui peut, qui peut venir d’un problème systémique et que c’est un peu ce problème systémique qu’il faut essayer de contrer je vais dire, tu vois. En donnant de l’information, faisant du militantisme si on peut, en diffusant des informations si on peut et tout ça, voilà. Je pense vraiment qu’y a que ça qui peut un peu régler les problèmes de légitimité en s’informant pour soi, en informant les autres et voilà, avec une information qui est- voilà.
K: Oui tout à fait. Je ne sais pas si tu as encore des trucs à dire mais là je pense qu’on parle depuis un certain nombre de temps du coup donc voilà. Je sais pas si tu as envie de conclure d’une façon ou d’une autre.
E: Ben non ma conclusion c’était un peu ça, c’est la légitimité c’est compliqué et s’informer-.
K: Oh, moi j’ai encore un truc à dire!
E: Vas-y.
K: Non vas-y.
E: Pour moi, s’informer pour moi ça reste important et pour moi, selon moi, vraiment l’aide des pair-es, ça reste important.
K: Et si je peux vous donner un truc qui est pas infaillible mais qui marche quand même pas mal, c’est si vous avez l’impression d’être la seule personne à vivre un truc et que du coup à se dire « ah ça doit pas exister, j’suis pas légitime » etc, allez sur PluralPedia. C’est une base de données de je ne sais pas combien de mots et d’expériences qui ont déjà un nom infinie. C’est pas vrai, c’est pas infinie c’est- mais voilà.
E: Oui vraiment. Bon c’est en anglais.
K: Mais perdez-vous sur PluralPedia et généralement, vous aurez trouvé des trucs que vous vivez. Et peut-être même vous aurez trouvé des mots pour des trucs que vous vivez mais que vous saviez pas que ça avait un nom.
E: Ou que vous saviez pas que vous viviez, ne saviez pas que c’était une expérience de vécu. Bref. Vraiment oui c’est clair.
K: Bref, tout ça pour dire, perdez-vous sur PluralPedia si ça vous dit. On espère que ce format, vraiment beaucoup plus long que d’habitude pour le coup, vous aura plu. N’hésitez pas à laisser des commentaires. Je ne le sais pas encore à l’heure actuelle mais j’espère que vous pourrez écouter ça autre part que sur Youtube parce que sinon ça va vraiment être chiant pour pouvoir verrouiller votre téléphone. Si c’est pas le cas à la sortie et que c’est sur Youtube, sachez que je serai en train d’essayer de faire des trucs pour que ça aille. Voilà. Bonne année, on vous souhaite le meilleur et à bientôt!