Trigger warning : vous l’aurez compris, je vais parler de la légitimité, ou plus précisément de cette impression « que c’est faux, que tout est inventé » que chaque personne multiple peut ressentir à un moment dans sa vie. C’est un sujet difficile qui peut déstabiliser. Cet article est justement là pour vous rendre votre confiance en vous quand rien ne va plus ! (Mais lisez-le quand vous vous sentirez prêt·es ^^)
Trigger warning : vous l’aurez compris, je vais parler de la légitimité, ou plus précisément de cette impression « que c’est faux, que tout est inventé » que chaque personne multiple peut ressentir à un moment dans sa vie. C’est un sujet difficile qui peut déstabiliser. Cet article est justement là pour vous rendre votre confiance en vous quand rien ne va plus ! (Mais lisez-le quand vous vous sentirez prêt·es ^^)
Quand on a un trouble dit invisible qui ne peut pas être « prouvé noir sur blanc par des chiffres », on peut douter de l’avoir réellement. Et c’est normal, d’ailleurs la capacité de remise en question est une vertu (à développer pour certain·es, à canaliser pour d’autres). Le trouble dissociatif de l’identité est parfois compliqué à déceler, il est abstrait et le corps médical peut s’en montrer sceptique par manque d’informations, certaines personnes considèrent même qu’il n’existe pas. Il en va de même d’ailleurs pour bien d’autres troubles ou maladies (ATDS, fibromyalgie, SED, syndrome de fatigue chronique, bref la liste est looooooongue). Avec tout ça, comment ne pas douter parfois ?
Voici cinq conseils pour vous aider et vous rassurer quand cette incertitude vous prend aux tripes et vous empêche de respirer !
1. Douter, ça nous arrive à tous·tes !
La première chose à retenir quand on a un TDI ou un ATDS, c’est que douter est commun. Honnêtement, le sentiment de ne pas être légitime (cette impression qu’on invente tout) frappe au moins une fois toute personne multiple (et souvent plusieurs fois d’ailleurs). Ça devrait presque faire partie des critères diagnostiques des troubles, tant c’est courant, en fait.
Selon moi, la raison est simple : le besoin de ne pas attirer l’attention. Ce sont des troubles qui se cachent, qui sont là pour se cacher du monde traumatisant dans lequel on vit, il est donc logique qu’il se cache de nous-mêmes également (ou qu’il soit plus facile de penser que ce n’est pas réel plutôt que de penser que ça l’est). Mais la raison importe peu, ce qu’il faut retenir, c’est que ça nous arrive à tous·tes. Même les personnes qui ont un diagnostic confirmé par plusieurs psychiatres depuis plusieurs années voire dizaines d’années doutent encore parfois ! C’est une lecture presque quotidienne dans les communautés multiples, ce « bonjour, j’ai l’impression que c’est faux, c’est normal ? ». Et c’est valable tant pour les personnes qui ont découvert leur trouble elles-mêmes que pour celles qui n’en savaient rien jusqu’à ce qu’un·e psy leur dise.
J’ajouterais que la légitimité peut être encore plus difficile à appréhender quand la prise de conscience du trouble est tardive, à l’âge adulte ou même à un âge avancé. Quand on a passé sa vie à se penser singlet (parfois sans envisager que la multiplicité puisse exister ou nous atteindre), ça peut être coton de se rendre compte un beau matin qu’en fait, on est pas seul·e dans sa tête, qu’on est plusieurs, et que c’est comme ça depuis toujours !
Pour résumer : vous n’êtes pas le·a seul·e ! On est là et on vous comprend.
2. Ce sont des troubles moins rares qu’il n’y parait
En cas de crise de légitimité, on est tenté·es de penser que ça peut être n’importe quoi d’autre qu’un TDI ou un ATDS. On peut se dire que c’est un besoin d’attention, un trouble factice, ou encore qu’on a « trop de trucs pour avoir ça en plus ».
La raison selon moi est simple, elle vient de cette fichue phrase : « Le TDI, l’ATDS, c’est rare ! » … … … c’est FAUX !
En fait, à eux deux, le trouble dissociatif de l’identité et l’autre trouble dissociatif spécifié touchent au moins 5% de la population (et encore, en prenant les chiffres les plus bas), la prévalence étant de 1-1,5% pour le TDI et 4,5% pour l’ATDS. (Pour vous donner une idée, on estime que la bipolarité touche environ 2% de la population.)
Partant de ces chiffres, on peut se rendre compte que le TDI et l’ATDS sont en fait beaucoup plus courants que ce qu’on ne peut penser. Du coup, quand vous vous dites « c’est un truc trop rare, je peux pas avoir ça, je cherche à faire l’intéressant·e », souvenez-vous que CE N’EST PAS RARE ! Répétez encore : ce n’est pas rare, ça concerne environ 1 personne sur 20 !
Si vous parvenez à prendre conscience de ça, vous pourrez aussi conscientiser que c’est potentiellement plus logique que vous ayez réellement un de ces troubles plutôt qu’un autre moins commun comme un trouble factice (type syndrome de Munchausen par exemple), qui a une prévalence estimée de 0,3%.
Et enfin, pour le côté « j’ai déjà trop de trucs pour avoir ça en plus », on va parler une minute de la comorbidité. Pour faire très simple : c’est hyper courant, quand on a un trouble, d’en avoir d’autres qui vont avec (ou des symptômes de ceux-ci).
De la même façon que les troubles anxieux sont réguliers chez les personnes ayant un TSA (trouble du spectre autistique), de nombreux troubles ou symptômes de troubles sont très fréquents chez les personnes ayant un TDI/ATDS (troubles du comportement alimentaire, troubles anxieux, troubles de l’attachement, trouble borderline, etc…).
Tous ces troubles sont en fait intimement liés (exemple : quand on pense qu’un TDI peut être causé par des traumatismes d’enfance liés aux tuteur·ices, il est normal d’envisager que cette personne puisse avoir des difficultés relationnelles dépassant la simple méfiance).
Souvenez-vous donc : c’est moins rare que toutes les explications parfois farfelues que vous pouvez vous donner ! Vous n’en faites pas trop.
3. Critères absents ? Pas forcément
En lisant les critères diagnostics reconnus par les thérapeutes, vous pouvez dire qu’il vous en manque et que donc, ce n’est pas ça. Mais pas si vite, avez-vous vraiment pensé à tout ?
Parmi les critères du trouble dissociatif de l’identité, il y a deux sujets en particulier qui peuvent pousser à douter quand ils ne sont pas évidents.
D’abord, le principe des identités qui prennent tour à tour le contrôle du corps. On a tendance à penser que la différence entre les alters est fulgurante, que c’est visible, évident. Mais non. N’oublions pas que c’est un trouble qui se cache, ce serait trop voyant si c’était si simple ! En général, les alters peuvent se ressembler et il est extrêmement fréquent qu’iels se fassent passer pour la même personne (en particulier avant la prise de conscience du trouble mais parfois même après). Un exemple courant : tous·tes les alters répondent au prénom du corps et ce, même s’iels ont leur propre prénom. La réalité du TDI, c’est que c’est parfois difficile de savoir qui front, de par la nature même du trouble (dont le but premier est de se cacher, je le répèterai jamais assez ^^) et de par la coconscience, le blurring, et tous les autres trucs qui rendent le tout bien flou quand ils s’y mettent.
Ensuite, la mémoire. C’est un critère qui fait flipper. On a tendance à penser que dans le TDI, il y a systématiquement un black-out quand un·e autre alter prend le contrôle du corps. Encore une fois : NON. La mémoire dans les critères diag ici, c’est le fait qu’elle soit lacunaire. On parle plutôt d’amnésie dissociative, pas de « black-out lors des switches ». En fait, si vous avez du mal à vous rappeler votre enfance, une année scolaire, certaines années de votre vie ou certains événements, si vous avez du mal à vous rappeler vos semaines, si on vous dit souvent « tu m’as déjà dit ça » ou « on a déjà fait ça » et que vous ne vous en souvenez pas, si vous ne vous souvenez pas comment vous vous êtes habillé·e ce matin et/OU si vous avez des black-out sans prendre de substances, vous entrez dans les critères de l’amnésie. Et je pourrais mettre d’autres exemples mais je pense que vous avez compris le principe. Donc, même si vous avez l’impression de vous souvenir de tout et que vous n’avez pas de black-out, vous pouvez avoir des problèmes de mémoire.
Outre les critères reconnus, il y a de nombreux autres symptômes qui peuvent vous aider à vous sentir plus légitime. Il est par exemple très fréquent que les personnes atteintes de TDI aient également des douleurs (qui peuvent se présenter sous forme de flashbacks physiques), d’autres troubles dissociatifs (dépersonnalisation/déréalisation), et, comme je le disais plus haut, d’autres troubles associés (anxieux, relationnels, etc…). L’angoisse, le mal-être, les migraines, la vision floue, la fatigue, etc, sont autant de symptômes supplémentaires qui peuvent confirmer la présence du trouble.
Tout ça, évidemment, c’est en parlant du TDI ! Car il y a aussi l’ATDS, qui, pour résumer, est très similaire au TDI si ce n’est qu’il manque un critère diagnostic pour confirmer ce trouble. Donc, si vous avez tous les symptômes SAUF un (et que c’est sûr que vous ne l’avez pas), vous pouvez quand même avoir un autre trouble dissociatif spécifié, qui vous rend tout aussi légitime à croire en vous concernant vos symptômes et votre possible diag.
Enfin, un sujet qui revient souvent, c’est l’absence de traumas. « Je n’ai rien vécu de grave », ça vous parle ?
Alors d’abord, souvenez-vous qu’un trauma est avant tout un choc émotionnel important et qu’à ce titre, vous êtes légitime à vous sentir traumatisé·e quelle que soit la cause de ce trauma. Ça, c’est dit.
Ensuite, il est très fréquent que les traumas qui ont causé le TDI ou l’ATDS soient… inaccessibles ! Et c’est logique, c’est un mécanisme de défense : pour se protéger, le cerveau a « mis de côté » les souvenirs traumatiques, et donc vous pouvez ne pas vous en souvenir, ou ça peut être un·e autre alter (parfois bien caché·e) qui s’en souvient, ou vous pouviez être trop jeune pour que les souvenirs puissent être enregistrés, et bien d’autres raisons encore. Si vous ne vous souvenez pas de vos traumas, ça peut être parce qu’ils sont cachés, tout simplement.
Enfin, vous pouvez ne pas avoir conscience que quelque chose a causé un traumatisme chez vous. Quand on souffre de troubles dissociatifs, on se détache de son émotionnel très (parfois trop) facilement, pour se protéger. De ce fait, il est possible qu’il vous soit arrivé des trucs qui ont laissé des traces dans votre inconscient sans que vous vous en rendiez compte.
Pour tout ça, c’est à vous de décider de chercher ou non (n’oubliez pas de demander de l’aide, ne reste pas seul·e si vous vous mettez à farfouiller vos traumas), parfois au-delà des limites de votre conscience.
En résumé : même si vous avez l’impression de ne pas cocher strictement toutes les cases, vous êtes légitime ! Consciemment ou non.
4. Prenez des notes ou questionnez les concerné·es
Avec un trouble dissociatif, c’est facile d’oublier. Très, très facile. De ce fait, vous pouvez vous-mêmes oublier tous vos symptômes, en particulier en cas de crise de légitimité où tout est flou (et où tout peut paraître irréel si en plus la déréalisation s’en mêle). Pour vous aider, prenez l’habitude d’écrire. Quand vous vous sentez relativement confiant·e sur la véracité de votre trouble, notez vos symptômes, notez pourquoi c’est réel. Vous pouvez par exemple recenser :
- les résultats de tests d’auto-diagnostique reconnus si vous en avez faits (le DES par exemple)
- les moments où votre mémoire vous a fait défaut ou au contraire quand des souvenirs type flashbacks sont apparus
- les particularités des alters (goûts et couleurs, comportement, souvenirs, voix, âge, genre (et dysphorie), …) et leur façon de réagir différemment à une situation similaire
- les moments où vous avez switché alors que vous étiez seul·e
- les moments de stress ou d’angoisse, les douleurs, la vision floue, etc…
- chaque moment où quelqu’un·e vous a laissé sous entendre (sans savoir que vous étiez multiple) que vous avez agi de façon différente
- dans le même ordre d’idées, il peut y avoir une réaction différente chez les animaux de compagnie en fonction de qui fronte, si vous en remarquez, notez-les !
- les petits détails parfois amusants : un·e alter qui a une chanson préférée que les autres détestent, un·e alter qui se lève plus facilement le matin, un·e alter qui boit au verre alors qu’un·e autre boit à la bouteille, bref, des détails qui font la différence !
Et parce qu’avec un trouble dissociatif, c’est facile d’oublier (#ComiqueDeRépétition ^^), vous pouvez oublier de noter ! Alors si vous en avez la possibilité, demandez à quelqu’un·e de confiance de vous aider à vous rappeler ! Soit à vous rappeler d’écrire soit à vous rappeler les faits. Une personne extérieure, avec l’habitude et l’entrainement, peut voir la différence entre vos alters, déceler vos symptômes et vous rafraichir la mémoire en cas de besoin.
Enfin, posez des questions à des personnes bienveillant·es concerné·es ou allié·es. C’est en vous informant que vous pourrez mieux appréhender votre trouble. Vous découvrirez vite que vous n’êtes pas le·a seul·e à vivre tel ou tel symptôme ou « truc bizarre ». Parfois, une petite question auprès d’un·e concerné·e peut vous rassurer. Un exemple courant, c’est quand tout à coup vous n’entendez plus vos alters alors que vous les entendiez jusque-là. Vous pouvez vous dire que c’est parce qu’iels n’ont jamais existé… ou alors vous pouvez poser la question, et vous recevrez comme réponse que : ça nous arrive à tous·tes (ça peut être dû au stress par exemple) et que bien souvent, il suffit d’un peu de temps ou de penser au prénom d’un·e alter pour avoir une réponse et qu’iels « reviennent ».
N’oubliez pas, par contre, que le TDI/l’ATDS est différent chez chacun·e même si les bases sont communes (certaines personnes ont un innerworld, d’autres non, certaines ont des black-out, d’autres non, certaines entendent leurs alters, d’autres non, etc…). Il ne faut donc pas hésiter à demander à une plus grande communauté (souvent anglophone, malheureusement) si vous n’obtenez pas de réponse à votre question. Et de la même façon, il ne faut pas non plus penser que vous mentez parce que vous n’avez pas un truc que quelqu’un·e d’autre a.
Tout ça pour dire : des notes vous prendrez ou à d’autres de l’aide vous demanderez si vous en avez besoin !
5. Protégez-vous, c’est essentiel
Si vous êtes particulièrement sujet aux crises de légitimité, ne parlez de votre trouble qu’à des personnes en qui vous avez entièrement confiance.
Les gens peuvent vous causer de sérieuses crises de doutes par leur maladresse (avec des phrases comme : « ah ? j’ai jamais remarqué, ça se voit pas du tout ! », « moi aussi je suis pas vraiment la même personne au travail et en soirée, je vois pas ce que ça change », « t’es sûr·e ? », « tu ressembles pas du tout au mec de Split pourtant ! » (là tu peux mordre) (non je rigole, retire ça de ta bouche), …) ou par malveillance (« c’est n’importe quoi », « ça n’existe pas », …).
N’oubliez pas que c’est un trouble qui se cache (je me répète encore, je sais), se révéler peut déjà être extrêmement difficile, alors si en plus la personne réagit mal, par malveillance ou non, ça peut réellement vous blesser.
Prenez soin de vous et protégez-vous. Vous pouvez, par exemple, tâter le terrain en demandant à la personne si elle connait le TDI et ce qu’elle en pense (ok, y a moyen d’être plus subtil·e, mais vous avez compris l’idée). Ce n’est pas être malhonnête de cacher son trouble au monde pour se protéger. Parce que vraiment, même si ce n’est que par maladresse, une remarque peut faire très mal et exploser votre légitimité parfois durement acquise.
Et enfin : laissez-vous le temps. Ça peut être frustrant et ça peut paraître plus facile à dire qu’à faire mais c’est un point trop souvent oublié. Ce n’est pas grave d’avoir besoin de temps pour avoir confiance en soi et se sentir légitime. Et ce n’est pas grave non plus de progresser, retomber, remonter, etc. Petit à petit, ça va se stabiliser, vous verrez. Plus tard, vous regarderez le passé (et vos notes ^^) et vous pourrez voir le chemin parcouru. Souvenez-vous que vous avez le temps et que ça passera. Ménagez-vous et laissez aller si vous en avez besoin.
Dernier petit conseil : les crises de légitimité sont comme les autres crises d’anxiété. Elles sont angoissantes, elles vous descendent en flèche mais… elles passent, elles s’apaisent. Même si elles reviennent, elles sont temporaires, ça finit par passer. Et si vous connaissez des exercices qui vous conviennent pour calmer vos crises d’angoisse, n’hésitez pas à vous en servir en cas de crises de légitimité, ça aidera au moins à calmer le stress engendré.
Pour conclure, un panneau récap’ à sortir en cas d’urgence
J’espère que ces conseils vous auront aidé·es à vous sentir mieux et vous permettront de sortir la tête du brouillard d’angoisse que peut causer une crise de légitimité. Ci-dessous, vous trouverez un petit panneau (en couleurs, en noir et blanc et en version texte ici) à garder quelque part près de vous pour vous souvenir de quelques points en cas de besoin
Et n’oublie pas : tu es légitime, tu n’es pas seul·e, je te crois.